ANALYSE
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Fusion Alcatel-Lucent : est-ce bien raisonnable ?
Alors que les actionnaires d'Alcatel doivent se prononcer le 7 septembre prochain sur l'opération, les synergies entre les deux équipementiers sont vivement critiquées par certains analystes financiers.   (28/08/2006)
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La fusion programmée entre Alcatel et Lucent serait-elle une affaire d'analystes financiers ? Non, car les actionnaires d'Alcatel auront à se prononcer - le 7 septembre prochain - sur l'opération, et c'est à eux que reviendra le dernier mot dans tous les cas. L'opération de 13,5 milliards de dollars donnera naissance, pour mémoire, à un monstre de 33 milliards de dollars.

Cela étant, depuis l'annonce du projet de fusion début avril (lire l'article du 04/04/2006), les notes d'analystes et les communiqués de sociétés de rating financier pleuvent, tantôt alarmistes, tantôt rassurants. Dans cette avalanche d'avis circonstanciés, comment s'y retrouver ?

"Sur le court terme, le projet de fusion génère beaucoup d'incertitude. Les choses vont prendre du temps. Pendant un an, les choix comptables qu'Alcatel va opérer vont être très importants et, par la suite, fausser les résultats, rendant les comptes très difficiles à lire", déclare un analyste financier parisien.

De son côté, Per Lindberg, analyste chez le courtier allemand Dresdner Kleinwort, assène de violentes attaques contre l'opération. Un des premiers points noirs du projet concerne les fonds de retraite de Lucent, déficitaires de 4 à 5 milliards de dollars selon lui. De plus, Alcatel pourrait se heurter au refus de l'administration américaine de voir les activités sensibles (défense, R&D...) - gérées par Bell Labs (qui appartient à Lucent) - tomber dans les mains d'une société non américaine.

Autre sujet d'inquiétude pour Per Lindberg : les résultats de Lucent lors de son dernier trimestre (clos fin juin). L'équipementier télécoms américain a en effet vu son bénéfice net chuter de 79% d'une année sur l'autre, son chiffre d'affaires reculant de 12%.

Le futur de la norme CDMA remis en cause
Côté technologique, la norme CDMA - Lucent fournit des équipements pour réseaux mobiles compatibles avec cette norme de 3e génération - ne semble pas non plus recueillir les faveurs de Dresdner Kleinwort qui met en cause son potentiel de développement. Enfin, l'analyste prédit un ratio d'endettement de l'ordre de 200% pour la nouvelle entité, ce qui viendra fortement grever ses capacités de croissance et sa rentabilité.

Chez Alcatel, on se veut, à l'inverse, rassurant. "Les estimations que nous avons réalisées tiennent compte d'une évolution très prudente de Lucent. Quand elles ont été faites, nous ne connaissions pas les comptes futurs de Lucent, mais nous avons pris en compte des perspectives prudentes. Nous voyons avant tout les synergies à trois ans, la complémentarités des technologies à court terme et nous ne nous focalisons pas sur les tout derniers trimestres", déclare-t-on chez l'équipementier français.

La direction d'Alcatel a même entrepris, la semaine dernière, une tournée de ses plus gros investisseurs afin de les convaincre du bien-fondé de la transaction. Il faut dire que le capital du futur groupe sera détenu à 60% par Alcatel qui a donc quelques raisons de plus, par rapport à Lucent, de s'inquiéter.

Mais l'analyste financier parisien que nous avons interrogé porte, lui aussi, l'analyse sur le long terme. "Sur le long terme, les complémentarités produits dans le fixe sont bien là, tout comme les synergies géographique dans le mobile, marché où la taille critique est nécessaire en raison des investissements lourds en R&D nécessaires. A court terme, nous sommes prudents, cela va prendre du temps mais, à long terme, une consolidation dans le secteur était indispensable. Le nouveau groupe sera leader sur le fixe et atteindra une taille critique sur le mobile", commente-t-il.

"Seules 50% des synergies de fusion avec Lucent sont prises en compte"
(ABN Amro)
Et le bureau d'étude ABN Amro de lui emboîter le pas : "Même si nous anticipons un parcours boursier heurté à court terme, nous estimons que la valorisation est attractive, avec un PE 2008 [ndlr : Price Earning] inférieur à 10x et alors que seules 50% des synergies de fusion avec Lucent sont prises en compte par le marché", déclarait-il fin juillet.

En ce qui concerne les fonds de pension (retraites) de Lucent qui pourraient ne pas être totalement financés, on se veut là aussi rassurant chez Alcatel. "Les pension plans de Lucent sont bien financés : il existe un surplus de 3 milliards de dollars, avec 34 milliards de dollars d'actifs pour couvrir les 31 milliards de dollars d'engagements. Le rendement réel ces 3 dernières années a par ailleurs été supérieur au rendement attendu par Lucent, qui était autour de 8,5%", affirme le porte-parole d'Alcatel.

Quant à la technologie CDMA, c'est Sprint Nextel (l'un des principaux clients de Lucent) qui a certainement inquiété les analystes, dont Per Lindberg. Sprint a en effet récemment annoncé lancer d'importants projets de développement dans le WiMax, pouvant ainsi donner l'impression d'abandonner le CDMA. Mais, dans le même temps, il a aussi fait migrer son réseau CDMA vers la norme CDMA EV-DO, dernière évolution 3G en date du CDMA.

Alcatel et Lucent comparés
Alcatel
Lucent
Chiffre d'affaires 2005
13,13 *
9,44 **
Résultat net 2005
0,93 *
1,18 **
Chiffre d'affaires 2004
12,24 *
9,04 **
Résultat net 2004
0,57 *
2 **
Nombre de salariés
30 500 (30/09/2005)
57 699 (31/12/2005)
CA par zone
Europe de l'Ouest : 41%
Amérique du Nord : 63%
 
Amérique du Nord : 14%
Asie : 15%
 
Asie : 15%
EMEA : 14%
 
Reste du monde : 30%
Amériques (hors USA) : 8%
CA par segment
Communications fixes : 40%
Communications mobiles : 49%
Communications mobiles : 31%
Communications fixes : 27%
 
Communications privées : 29%
Services : 23%
 
Licences brevets : 1%
Siège
Paris
Murray Hill (New Jersey)
P-DG
Serge Tchuruk
Patricia Russo

* en milliards d'euros  ** en milliards de dollars
Source : sociétés


"L'avenir des normes CDMA et CDMA2000 réside dans la migration des principaux clients de Lucent actuellement en CDMA vers l'EV-DO. La maîtrise des différentes technologies - mobiles ou fixes - fait partie de la complémentarité annoncée qui donnera sa force au portefeuille de produits d'Alcatel Lucent. Autre élément, le CDMA2000 est la technologie de 3e génération la plus déployée actuellement", commente-t-on chez Alcatel.

Des fusions Motorola-Alcatel et Cisco-Lucent jugées meilleures par Dresdner Kleinwort
Mais pour Per Lindberg (Dresdner Kleinwort), le choix de la fusion entre Alcatel et Lucent est à revoir en totalité. Pour Alcatel, il voit plutôt un rapprochement avec Motorola, tandis que Cisco conviendrait mieux à Lucent. Les fusions Motorola-Alcatel et Cisco-Lucent ne généreraient, en effet, que 55 et 30% d'endettement, à comparer aux 200% précédemment évoqués. Quant à la marge opérationnelle de ces deux groupes virtuels, elle serait de 9 et 20% alors que l'entité Alcatel-Lucent plafonnerait à 5%.

Difficile d'y voir clair. Les synergies, cependant, qui seront dégagées par les deux équipementiers, au niveau de leurs produits et des zones géographiques couvertes, sont bien réelles. Selon le bureau d'études CM-CIC Securities, elles représentent pas moins de 10 milliards d'euros. Qui plus est, la nouvelle entité compte licencier 9 000 personnes dès la fusion entérinée. Triste perspective pour les salariés concernés, économie de 1,7 milliard de dollars sur 3 ans pour le groupe...

Quant aux technologies, la complémentarité entre le CDMA de Lucent d'un côté et le GSM / UMTS d'Alcatel de l'autre, a des chances - là aussi réelles - de fonctionner.

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Dossier Réseaux : l'ère du sans fil et du tout IP ?
Après sa tournée des grands actionnaires, Alcatel a récolté vendredi un avis favorable de Institutionnal Shares Services, ce dernier recommandant de voter "oui" le 7 septembre prochain. Grégory Moore, gérant de portefeuille chez Montségur Finance, interrogé par la Tribune le 25 août, se déclare quant à lui optimiste sur le vote des grands actionnaires d'Alcatel.

"Les 20 premiers actionnaires d'Alcatel détiennent 43% du capital, aucun n'est à court terme ou est un fonds spéculatif. Aucun de ces fonds ne devrait voter contre", ajoute de son côté Alexander Peterc, analyste financier chez Exane BNP Paribas, dans une note, cité par Reuters.

Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions Sommaire Infrastructure
 
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