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Emmanuel Forsans
Fondateur
AFJV |
| Emmanuel
Forsans "Le
jeu vidéo tire l'industrie informatique vers le haut"
Dans un contexte de croissance à deux chiffres,
éditeurs, fournisseurs de technologies et studios de développement veulent tirer
leur épingle du jeu. Tour d'horizon des fondamentaux de cette industrie par le
président de l'Agence Française pour le Jeu Vidéo.
18/09/2006 |
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JDN
Solutions. Comment se porte le marché du jeu vidéo ?
Emmanuel Forsans. Le chiffre
d'affaires des jeux pour consoles et PC s'élève à 970 millions d'euros pour la
France. Le marché des jeux-vidéo, s'il est en croissance, a subi de profondes
mutations liées à l'évolution constante des technologies d'une part, mais aussi
au fait que cette industrie très jeune, de moins de 25 ans, se structure petit
à petit.
En ce moment, et notamment lors de l'arrivée d'une nouvelle génération
de consoles, les cartes sont redistribuées entre les différents acteurs de la
filière, qu'ils soient éditeurs, studios de développement ou fabricants de consoles.
Aujourd'hui, ce sont les distributeurs qui tirent clairement leur épingle du jeu.
Sur
ce marché en devenir, le clivage PC et consoles a vécu pour atteindre une
nouvelle dimension avec le développement des applications sur téléphones mobiles,
par le biais du réseau et de la télévision interactive. Il ne cesse également
de progresser par rapport à celui du divertissement et du loisir en général.
Comment
se positionne t'il par rapport à d'autres loisirs ? Alors
que les chiffres d'affaires dégagés par l'industrie du cinéma et
de la musique connaissent un recul, celui du jeu vidéo se porte très bien, avec
une croissance à deux chiffres. Mais contrairement aux idées reçues, l'industrie
du jeu vidéo n'est pas passée devant celle du cinéma.
Car ce qui est souvent
comparé ce sont les revenus issus de la vente de logiciels avec ceux correspondant
à la vente de tickets de places de cinéma. Or, cela n'a absolument rien à voir.
En volume, l'industrie du disque et du cinéma dominent largement.
Quels
sont les principaux acteurs de l'industrie du jeu vidéo ?
| | La
revente de technologies middleware est recherchée par les éditeurs" |
| Un des maillons importants dans l'industrie du jeu
vidéo est celui des éditeurs de middleware, qui sont à l'origine de développements
logiciels servant le processus de conception d'un jeu, qui seront ensuite - le
plus souvent -, vendus à des studios de développement ou bien aux éditeurs.
Parmi
les principales catégories de middleware du marché, on retrouve des moteurs
d'affichage 3D, d'intelligence artificielle ou encore de routines sonores. La
stratégie des éditeurs de logiciels est alors de mettre la main sur les meilleures
technologies middleware afin d'en faire bénéficier leurs propres développements,
tout du moins dans un premier temps.
Car l'idée est aussi de revendre
cette technologie à des studios
pouvant eux-mêmes travailler pour des éditeurs
concurrents. Et tous les acteurs de l'industrie acceptent parfaitement cette règle
du jeu, même si il y a eu des perdants.
Par exemple, Criterion, l'un
des plus importants éditeur de middleware - avec notamment son moteur graphique
Renderware - , racheté en 2004 par Electronic Arts. Depuis cette acquisition,
les studios de développement ont, comme d'un commun accord, décidé de ne plus
se fournir en middleware par cet éditeur, d'une part pour ne pas « financer »
la recherche et développement d'Electronic Arts, et d'autre part, par crainte
de fuites d'information relatif aux développements en cours vers l'américain.
Les
studios de développement tiennent-ils une place prépondérante
dans cette industrie ? Il existe deux types de studio de développement
de jeux : ceux qui sont indépendants et d'autres qui appartiennent à des éditeurs.
Aujourd'hui, il existe une centaine de studio de développements indépendants en
France, de taille très variables allant de deux à plus de cent personnes.
La
majorité d'entre eux travaillent pour le marché du PC qui se situe devant celui
des consoles. La tendance est certainement au développement de jeux-vidéo à destination
des plates-formes mobiles, comme les consoles portables de type Nintendo DS et
Sony PSP mais surtout les téléphones mobiles. La raison est simple, et tout se
joue au niveau du ticket d'entrée. Si un budget de développement pour une plate-forme
mobile peut débuter aux alentours des 10 000 euros, ce n'est pas le cas pour
un très gros développement pour consoles de salon qui pourra atteindre les 10
millions d'euros.
Ce qu'il faut garder à l'esprit est qu'un studio, qui
aura beau disposer du middleware le plus performant et de la meilleure technologie
du marché, ne pourra réellement l'exploiter et lui donner une consistance uniquement
avec un contenu à la hauteur et un gameplay de qualité.
Les éditeurs
se concentrent de leur côté - et de plus en plus - sur le modèle
de commercialisation du jeu, qui peut se révéler comme un avantage
concurrentiel : dans le cas d'un jeu jouable en ligne, il peut soit vendre un
jeu et proposer un abonnement gratuit ou payant, ou bien ne faire payer que l'abonnement
en ligne. Aujourd'hui, l'un des plus gros succès de jeu vidéo en ligne - World
of Warcraft -, repose sur un modèle payant-payant : le consommateur achète
un produit et paye ensuite un abonnement mensuel pour pouvoir
y jouer ! Tout est
donc possible en matière de stratégie commerciale.
En
quoi le jeu vidéo est-il stratégique pour les principaux fournisseurs
de composants ?
| | La
vente de cartes graphiques haut de gamme permet d'amortir les coûts en matière
de R&D" |
| La fourniture de composants technologiques et de processeurs
à destination du marché des consoles n'est pas monopolistique et chaque constructeur
choisit les technologies au mieux-disant.
Il se trouve en effet qu'IBM
se trouve être particulièrement bien positionné car il est en contrat avec les
trois fabricants, avec le processeur CELL pour Sony - et en collaboration avec
Toshiba -, et sur les puces architecturées autour du Power PC à destination des
consoles Xbox 360 et Wii.
Mais rien ne dit que cette situation est faite
pour durer et tout peut être remis en cause à chaque changement de génération
de consoles. En matière de fournisseurs de technologies, ceux qui vont tirer leur
épingle du jeu sont des acteurs qui seront capables de fournir pour un coût bas
de production des systèmes intégrés incluant processeur central et graphique.
Le rapprochement entre AMD et ATI va donc dans ce sens, même s'il ne faut pas
oublier qu'Intel demeure toujours le fournisseur numéro un de chipset graphique
intégré pour le domaine du jeu sur PC.
Le marché
des cartes graphiques constitue t'il un des enjeux clés de l'industrie
? Le jeu vidéo tire clairement l'industrie informatique vers
le haut. D'une part les constructeurs Nvidia et ATI répondent à une forte demande
et proposent sur le marché domestique des produits haut de gamme qui trouvent
facilement acquéreurs et s'écoulent sans difficulté , même à près de 600 euros.
Et d'autre part les jeux-vidéo sont parmi les applications informatiques nécessitant
le plus de ressources en terme de puissance CPU, de mémoire
avec pour corollaire
le développement de technologies toujours plus pointues en matière d'affichage
graphique et d'effets spéciaux. Le jeu vidéo permet incontestablement aux fournisseurs
de technologies tel qu'ATI ou Nvidia d'amortir leur coûts en matière
de recherche et de développement par la vente de cartes haut de gamme qui trouveront
toujours preneurs.
De son côté, en s'alliant avec un Alienware,
Dell bénéficie désormais d'une plate-forme d'assemblage de PC plus sophistiquée
et de réseaux de distribution complémentaires. La valeur ajoutée de ce rapprochement
se caractérise notamment par le fait qu'il n'existe aucun recouvrement en termes
d'activité entre ces deux acteurs.
Quels sont
ses principaux modèles économiques ? En termes
de modèle économique, la donne est simple sur consoles. Les constructeurs ne gagnent
pas d'argent sur leurs plates-formes mais tirent leurs bénéfices de façon quasi
exclusive du reversement de royautés sur le pressage de disques.
A la différence du marché logiciel
PC, un éditeur est en effet contraint de faire dupliquer chaque copie par les
constructeurs qui prélèvent alors un certain pourcentage. L'objectif en tant que
constructeur sera donc d'amortir le coût de revient de sa console, mais aussi
des frais d'investissements publicitaires, sur le long terme, grâce à la vente
de jeux.
Mais si une console ne parvient pas à trouver son public, le
risque est grand, et pas seulement pour le constructeur. L'éditeur peut aussi
tomber de haut s'il fabrique 100 000 copies d'un logiciel pour ne finalement en
écouler que 30 000 pièces, la différence lui restant sur les bras. La rentabilité
d'une console est d'environ cinq ans, et ce n'est qu'à partir de ce moment que
le constructeur gagnera véritablement de l'argent.
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Propos recueillis par Dominique
FILIPPONE, JDN Solutions | |
PARCOURS | |
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Emmanuel Forsans, 40 ans, est fondateur de l'Agence Française pour
le Jeu Video, apparue en 2003. Auteur de plus d'une dizaine d'ouvrages sur l'informatique
et l'imagerie numérique, il a réalisé plus d'une cinquantaine
de logiciels et produits multimédia. Emmanuel Forsans est également
conférencier à Paris VIII et intervient pour différentes
manifestations (Imagina, Cité des Sciences...).
Depuis 2003
Agence Française pour le Jeu Video 1997 : 4X Studios -
Fondateur et P-DG 1993 : Cryo - Directeur Business Développement
et Production 1992 : Smart Move - Directeur technique 1989 :
Microïds - Directeur technique 1987 : Carraz Editions
- Cofondateur et directeur technique 1986 : Infogrames - Chef de projet
Emmanuel
Forsans a par ailleurs été fait Chevalier de l'Ordre National du
Mérite en 2001. | |
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