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04/10/2007

Emmanuel Leprince (Comité Richelieu) : "Nous partons du constat de l'existence d'une discrimination négative"

Aider les PME à grandir, tel est l'objectif du comité Richelieu. Son délégué général évoque également le rôle des pôles de compétitivité, et la question du SBA.
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Emmanuel Leprince (Comité Richelieu)
 
 
 

Avez-vous formalisé votre définition de l'innovation ?

Jusqu'à aujourd'hui, une PME innovante était, pour nous, une entreprise capable de démontrer une claire valeur ajoutée par rapport à l'offre existante. Nous réfléchissons actuellement à une approche plus objective. La Commission européenne vient en effet de publier une définition dans le cadre du nouveau programme Eurostars ciblé sur ces entreprises. Pour la Commission, une PME innovante est une entreprise consacrant au moins 10% de son CA à des dépenses de R&D ou 10% de son personnel à des activités de R&D.

Avec votre association, à qui vous adressez-vous : aux pouvoirs publics, aux grandes entreprises ou aux PME?

Notre association est exclusivement composée de PME. C'est d'ailleurs ce qui fait son originalité. Indépendant des pouvoirs publics, des grandes entreprises ou des autres acteurs de l'écosystème des PME innovantes, nous pouvons nous adresser à tous. Et en particulier aux pouvoirs publics qui ont, selon nous, un rôle crucial à jouer pour réguler la compétition.

Pourquoi le comité Richelieu se nomme t-il ainsi ?

Justement parce que Richelieu a beaucoup fait évoluer le fonctionnement des pouvoirs publics de son époque. Il y a également une autre raison : Colbert était pris par un autre Comité célèbre...

Nous sommes une société dénommée Lekiosque.fr. Nous avons développé un site de e-commerce sur lequel nous souhaitons vendre des magazines numériques. Le concept étant celui d'un kiosque numérique. Enormément de développements sont en cours et nous dépensons bien plus de 10 % en R&D . Qu'est-ce que votre association peut apporter à une entreprise comme la notre ?

Si vos clients potentiels étaient des grands comptes, je vous aurais répondu que nous pouvions vous apporter un accès renforcé à ces organisations dans le cadre du Pacte PME que nous mettons en oeuvre avec OSEO. Comme ce n'est pas le cas, je vous parle aussi d'accès aux programmes d'aide à la R&D, de relations avec les banques ou avec les laboratoires. Et, bien sûr, d'échanges avec d'autres dirigeants de PME innovantes.

Quels sont les obstacles juridiques à la mise en place d'un Small Business Act en France ?

L'obstacle principal est européen : le Commissaire européen au Commerce refuse d'exempter les PME européennes du champ d'un accord de l'OMC qui régit l'accès aux marchés publics et empêche toutes mesures préférentielles. Alors que les PME américaines, japonaises, canadiennes ou sud-coréennes sont elles exemptées.

 
Photo © Journal du Net / Cécile Genest
 

Pensez-vous que le principe de discrimination positive que vous préconisez dans le cadre du SBA soit moteur de croissance pour les PME ?

Nous préconisons la mobilisation positive, nuance...

Nous partons du constat de l'existence d'une discrimination négative : une entreprise nouvelle proposant des solutions nouvelles fait peur à la plupart des gens. Et ce quelque soit la qualité de son offre. D'où le fameux plafond de verre et le besoin de régulation que j'évoquais précédemment. La réponse américaine est effectivement la discrimination positive : réserver des marchés aux PME. Notre réponse à ce problème est différente : faire tomber les barrières sans pour autant en recréer d'autres.

Concrètement : des incitations et des mécanismes de soutien permettant de faciliter les relations entre grands comptes et PME innovantes, de décomplexer certains acheteurs (fonds de garantie, dispositif Passerelle, reverse factoring, prix acheteurs, place de marché...). Rien n'est obligatoire, les acheteurs sont respectés. Et en parallèle, une régulation par la transparence, que l'on appelle sunshine policy, avec des indicateurs sur la part des achats attribués à des PME et un retour d'expérience comparatif des PME. Le tout publié dans un rapport annuel remis aux pouvoirs publics et aux medias.

Faudra t-il passer par une exemption de l'OMC pour mettre en place le SBA en France ? Quel peut être le rôle de l'Europe en la matière ?

Une exemption de l'OMC permettrait d'appuyer une démarche de mobilisation positive car elle ouvrirait la porte à des allègements du code des marchés publics en faveur des PME innovantes. Allègements non imposés mais à la disposition des acheteurs. L'exemption OMC n'est toutefois pas indispensable pour mettre en place les incitations et la transparence que je mentionnais plus haut.

"Des incitations et des mécanismes de soutien permettant de faciliter les relations entre grands comptes et PME innovantes"

Quel est le poids économique des PME en France ?

Elles représentent la quasi intégralité du nombre des entreprises et la majorité du PIB et des emplois.

De notre côté, nous nous focalisons sur un type particulier de PME. Permettez moi une image animalière (on parle déjà de gazelles, de souris, d'éléphants et même de gorilles...). La quasi intégralité des PME peuvent être comparées à des poneys : elles sont petites et ont déjà atteint, ou quasiment, leur taille adulte.

Elles sont petites car elles servent un petit marché. Un petit nombre de PME peuvent elles être comparées à des poulains. Elles sont jeunes mais sont destinées à grandir. Ces entreprises, peu nombreuses (5000 ?) ont par contre un rôle stratégique pour notre économie et sa croissance. Ce sont elles qui peuvent se transformer en leaders mondiaux de demain, ceux qui manquent à notre économie pour retrouver le chemin d'une croissance vigoureuse.

Les PME peuvent elles toujours participer à des appels d'offres de marché publics ? Quelles sont les limites dans ce domaine ? Comment les repousser ?

Oui bien sûr, elles peuvent participer. La situation est assez différente selon le type de marchés. Ceux qui sont passés par des collectivités locales sont plus ouverts aux PME, souvent locales. Ceux qui le sont par l'Etat ou les grandes entreprises de la sphère publique sont par contre plus difficiles d'accès car plus globalisés (il faut donc passer par un maître d'oeuvre...).

Comment font les autres pays pour promouvoir et développer leurs PME ?

Au Japon et aux Etats-Unis : politique de régulation. Ce que l'on appelle le protectionnisme éducateur, dont l'objectif est de permettre aux nouveaux entrants de se développer jusqu'à atteindre une taille où ils peuvent jouer le jeu d'une "concurrence entre égaux". Rien de tel en Europe où la vision de la concurrence reste étrangement angélique, ce qui aboutit au renforcement des positions acquises.

Une citation : Anthony Giddens, qui fut le conseiller économique de Tony Blair : le problème principal de l'Europe, c'est que ses PME innovantes ne deviennent pas des leaders mondiaux.

Vous préconisez un SBA européen et non français. Pourquoi ce choix ?

Le marché européen est plus large que le marché français. D'autre part, nous sommes favorables à une intensification de la concurrence entre PME européennes (et non à une protection des PME françaises). Si les règles sont équilibrées, ce sont les meilleurs qui se développeront.

Pensez vous que la barrière linguistique soit un réel rempart a l'exportation des PME en Europe.

 
Photo © Journal du Net / Cécile Genest
 

De moins en moins, à mon avis. Et peut-être encore moins pour les "poulains" que pour les "poneys".

Je gère une entreprise de dépannage en informatique et nous souhaiterions proposer nos prestations à travers la France. Comment pouve- vous nous venir en assistance ?

Nous pouvons vous dépanner si votre offre est meilleure que celle de vos concurrents. Je rappelle que c'est bien là l'enjeu de notre combat : aujourd'hui, il ne suffit pas aux PME d'être meilleures pour gagner.

Comment faire pour que les PME se développent et développent l'innovation en France. Le système bancaire actuel vous semble-t-il adapté ?

L'OCDE a publié un rapport en 2006 sur ce sujet. La conclusion est la suivante : il y aurait pas vraiment de problème d'accès au crédit bancaire pour les PME en général. Par contre, la situation est totalement différente pour les PME innovantes. Je cite : "les critères d'octroi des prêts des banques ne sont pas pertinents pour les PME innovantes". Toute la difficulté est d'aider les chargés d'affaire des banques à comprendre des business models originaux.

Où en est le travail de Lionel Stoléru sur la commande du gouvernement ?

Il doit rendre son rapport à la fin de l'année ; et nous organisons un échange avec nos adhérents le 25 octobre.

Quelles sont vos propositions pour que les grands comptes s'intéressent (enfin) au sort des PME ?

Transparence avec signature du Pacte PME (et donc indicateurs et rapport annuel). Et incitations. Un exemple (pour les grands comptes publics celui-ci) : abonder le budget des grands acheteurs publics de la moitié de l'accroissement du montant de leurs achats faits auprès de PME innovantes.

Autre exemple avec le programme Passerelle : prise en compte par les pouvoirs publics d'une partie des dépenses de développement nécessaires pour adapter l'offre des PME innovantes aux besoins précis des grands comptes. Il s'agit d'une subvention, prenant en charge le tiers du coût.

Et la PME reste propriétaire de la propriété intellectuelle, le grand compte disposant d'un droit de premier regard. Passerelle a été lancé dans le cadre du Pacte PME par OSEO. Il s'inspire d'un dispositif norvégien (IFU) doté d'un budget annuel de 30 millions d'euros et qui connaît un très grand succès depuis plus de 10 ans.

"La question est de savoir s'il est plus important stratégiquement de soutenir les grands comptes ou les PME"

Enfin, communication sur des success stories, fixation volontaire (par le management des grands compte qui le souhaitent) d'objectifs PME, voire même incitations sociales et fiscales comme le préconise le Medef.

Des forums de financement ont été mis en place, à travers les pôles de compétitivité. Pense- vous que ces pôles de compétitivité sont un réel atout, ou un danger?

Il est certainement trop tôt pour tirer un bilan des pôles de compétitivité. Bilan qui sera extrêmement variable selon les pôles. Nous préparons d'ailleurs la seconde édition de notre enquête sur la participation des PME aux pôles. Ce que l'on peut dire aujourd'hui reste assez mitigé : une réelle dynamique, beaucoup d'échanges, de très beaux projets... mais une valeur ajoutée par toujours claire pour les PME dans des dispositifs qui restent souvent pilotés par des grands comptes qui cherchent eux aussi, c'est humain, des sources de financement pour leur R&D.

La question est de savoir s'il est plus important stratégiquement de soutenir les grands comptes ou les PME (en R&D). Les grandes entreprises européennes font déjà en moyenne plus de R&D que les grandes entreprises américaines. Mais elles sont beaucoup moins nombreuses. D'où notre conviction de l'importance stratégique du développement des PME et l'émergence de nouveaux grands comptes. Ce qui impliquerait que les PME soient les bénéficiaires prioritaires des pôles, ce qui n'est clairement pas le cas aujourd'hui. On pourrait étendre cette réflexion au nouveau crédit d'impôt recherche.

Quel est d'après vous le premier levier de développement des PME techno ?

Le chiffre d'affaires.

Vous avez mis en place un wiki sur votre site. Quelle est sa fonction et quels sont ses utilisateurs ?

Nous avions placé un wiki... petit succès il faut l'avouer. Je crois que les dirigeants de PME n'ont pas le réflexe, ni le temps peut-être, de rentrer sur un wiki et de commenter un texte qui n'est pas le leur. Nous avons mis en place d'autres usages qui semblent plus adaptés : le plus simple commence par l'envoi d'un email à un groupe d'une vingtaine de dirigeants, sollicitant leur avis sur un sujet d'actualité. Avec réponse dans la journée. Le tout est ensuite placé sur un forum qui peut alors démarrer avec une quantité suffisante d'échanges.

Mais tout cela se trouve sur la partie privative du site, ces échanges pouvant être assez ouverts. Autre usage sur le site (rubrique Lobbying) : un système de vote sur une série d'idées, qui nous permet de hiérarchiser les propositions que nous portons ensuite auprès des pouvoirs publics.

Comment faire pour créer plus de PME ?

Rien...

 
En savoir plus
 
 
 

Il y a déjà en France plus d'entreprises par habitant qu'il n'y en a aux États-Unis par exemple. La France est un pays d'entrepreneurs ! Par contre, ils végètent. Effectif moyen d'une PME française : 5 personnes (idem au niveau européen). Au Etats-Unis : 20 personnes. Comme le disait justement Renaud Dutreil, il faut mettre l'accent sur le développement et faire tomber le plafond de verre qui bloque la croissance des PME françaises.

Merci à tous !

 


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