Vers qui se tourner pour développer un bot ?

Vers qui se tourner pour développer un bot ? Après les annonces de Facebook, Microsoft et Google, les agents conversationnels font l'objet d'un véritable engouement. Mais à qui faire appel pour développer un bot ? Etat des lieux de l'écosystème français.

Le bot est le buzz word du moment. Cet agent conversationnel qui, intégré à une messagerie, accueille l'internaute, l'informe, l'oriente ou le conseille, connaît un fort engouement ces derniers temps. Il a même été, au printemps dernier, le thème vedette des conférences développeurs de Google, Facebook et Microsoft.

En soi, le concept de chatbot n'est pas nouveau. Les assistants virtuels existent depuis des années. Toutefois, les progrès accomplis en matière d'intelligence artificielle et la puissance de calcul du cloud leur ouvrent de nouvelles perspectives. L'intérêt des bots se conjugue aussi avec le succès des messageries instantanées. Facebook Messenger a dépassé, cet été, le milliard d'utilisateurs et Slack connaît un succès retentissant dans le monde de l'entreprise avec sa solution de ChatOps.

Du générateur de bot à l'agence spécialisée

En France, plusieurs acteurs ont commencé à intégrer des bots à la messagerie de Facebook. C'est le cas de Meetic, Voyages-sncf.com ou encore La Française des Jeux. A leur suite, de nombreux projets ont été initiés. Les prestataires interrogés pour cet article se disent fortement sollicités, en particulier depuis cette rentrée, avec plusieurs rendez-vous commerciaux par semaine.

Plusieurs approches possibles selon le degré de sophistication souhaité

Alors comment créer un bot ? Plusieurs approches sont possibles selon le degré de sophistication souhaité. On trouve tout d'abord des générateurs de bots comme Rebot.me, Chatfuel, Botsify, ou Pandorabots. Gratuites ou en mode freemium, ces plateformes ne requièrent généralement pas de compétences en programmation. Leur interface graphique décrit le comportement des bots, les workflows mis en musique... mais pour un résultat sommaire.

Lara est l'assistant virtuel développé par Meetic sur Facebook Messenger. © Capture JDN

"Les générateurs de bots n'intègrent pas forcément des capacités développées de compréhension du langage naturel. Ils fonctionnent souvent à partir de mots-clés de commande, pouvant demander à l'utilisateur de 'se conformer' à des instructions pour aboutir à ses fins", observe Hervé Mignot, chief scientist officer chez Equancy.

Il existe aussi des frameworks qui assurent l'intégration du bot (qu'il soit basé sur Messenger, Kik ou Slack) au système d'information de l'entreprise ou à des services applicatifs tiers. C'est le cas du Bot Framework de Microsoft, mais aussi d'Hubot, Lita ou errbot.io.

Certains prestataires proposent une approche multiplateforme

Les entreprises souhaitant des bots sur mesure, sans pour autant disposer de compétences en interne, se tourneront vers des prestataires spécialisés - dont certains se sont lancés cette année profitant de l'emballement du marché. Il en existe de deux types.

Equancy ou The Chatbot Factory ont adopté une approche multiplateforme. Lancé en 2016, The Chatbot Factory développe des bots pour les messageries de type grand public (Facebook Messenger, WeChat, Kik, Viber, Snapchat...) comme professionnel (Skype, Intercom, Slack...).

Diversification d'activité pour les spécialistes Facebook

L'autre famille de prestataires de bot recouvre les agences de création digitale spécialisées dans le développement d'applications sur Facebook. De par la proximité des API de Facebook et de Messenger, ils y voient là une diversification de leur activité. C'est le cas d'OhMyBot, qui est une émanation du groupe KRDS, ou de The Social Client.

Les voyageurs de Voyages-SNCF peuvent recevoir leur billet et des informations sur leur trajet sur un bot via Messenger. © Capture JDN

Avec plus de 11 000 bots revendiqués deux mois après le lancement de son kit de développement logiciel, Facebook Messenger a, de fait, un train d'avance. "Le futur se dessine clairement dans l'environnement Facebook puisqu'après Messenger, l'intégration de bots dans WhatsApp et Instagram va suivre", se réjouit Thomas Guenoux, co-fondateur de KRDS/OhMyBot.

Le développement n'est pas tant dans le design (car il n'y pas de personnalisation possible sur ce terrain, Facebook ayant standardisé les menus, les boutons)  que dans le rôle que l'on va faire tenir au bot et son arbre conversationnel.

Il pourra s'agir d'un assistant dédié à la relation-client. A la manière d'un serveur vocal interactif, il répondra aux questions simples du client – où est mon colis – et passera la main à un opérateur pour une requête plus complexe. Les voyageurs de Voyages-SNCF peuvent ainsi recevoir leur billet et les informations sur le trajet sur Messenger. S'ils ont des interrogations, ils peuvent converser dans le fil de discussion déjà ouvert.

Dans le domaine du marketing social, il existe des bots de contenu comme celui de la Française des Jeux (FDJ) sorti pour l'Euro - où il s'agissait de parfaire sa connaissance des équipes pour mieux parier. Enfin, les bots de notification poussent des informations dans la messagerie comme celui de CNN.

Une stratégie de remplacement des applications mobiles ?

"Le cahier des charges d'un projet de bot devra décrire précisément les opérations à prendre en charge", estime Hervé Mignot. "Dans le cas d'un bot 'marketing', il pourra s'agir par exemple d'inscrire un contact au programme de fidélité ou aider un client potentiel à trouver le magasin où se trouve un produit."

Vanessa Boudin-Lestienne est DGA de The Social Client (une agence du groupe Acticall spécialisée dans les bots) © The Social Client

Pour Vanessa Boudin-Lestienne, DGA de The Social Client (agence du groupe Acticall) qui a notamment Voyages-sncf.com et la FDJ pour références, le marché est encore en phase d'appropriation. "Les marques ont besoin de faire le tri, de comprendre les enjeux du bot. C'est d'autant plus stratégique pour elles qu'il pourrait remplacer leurs applications mobiles", estime-t-elle.

 "Les applications mobiles sont non seulement chères à créer et à maintenir mais il est de plus en plus dur de percer sur les stores", renchérit Thomas Guenoux. Par ailleurs, les mobinautes installent de moins en moins d'applications. Avec un bot on est dans le concept d''invisible app'. Avec le bot d'Uber, on peut appeler un VTC par chat sans passer par l'application native." La conversation textuelle est aussi générationnelle avec les digital natives.

Pour Hervé Mignot, l'entreprise doit se poser un certain nombre de questions : "Comment se positionne mon bot par rapport à mes apps, en complément, en substitution à terme ? Est-il capable d'interagir sur le site web aussi bien que sur les réseaux sociaux ? Quelle est la stratégie de repli prévue : vers le service client ? Un community manager ?" En fonction des réponses, l'intégration aux systèmes d'information (CRM, ERP...) de l'entreprise pour réaliser les actions ciblées (mise en base, transactions, recherche d'information…) sera plus ou moins poussée.

Rendre les bots "intelligents"

Enfin, la valeur du prestataire se jouera aussi sur sa capacité à donner de "l'intelligence" au bot en intégrant des briques d'analyse du langage naturel, de traitement des images ou de retranscription de la voix en texte. IBM ou Microsoft (avec ses Cognitive Services) proposent ce type de briques sur étagère en mode cloud.

IBM, Microsoft, Facebook et Google proposent tous des environnements pour créer des bots

 

Facebook a, lui, racheté Wit.ai en janvier 2015. Cette start-up est spécialisée dans les applications de reconnaissance vocale. Elle a été créée par trois Français, dont Alexandre Lebrun et Alexandre Landowski - les cofondateurs de VirtuOz (un spécialiste des assistants virtuels). Quant à Google, il a mis la main sur API.AI. Cette start-up américaine commercialise l'un des environnements les plus utilisés pour fabriquer des bots. Il motorise des applications comme Slack, Facebook Messenger ou Kik (lire notre article : Google rachète API.AI : une techno de bot).

Pour autant, il convient de rester raisonnable dans les attentes que l'on peut avoir de ces services intelligents. Le bot qui comprendrait toutes les subtilités du langage humain n'est pas pour demain. Le futurologue Ray Kurzweil prédit qu'en 2029 un bot sera capable de passer le test de Turing. A savoir parler librement à un humain sans que ce dernier s'aperçoive qu'il s'agit d'une machine.

D'ici là, "il ne faut pas créer de sur-attente", estime Hervé Mignot. "Même si cela va à l'encontre de l'image du bot omnipotent, il peut être plus efficace que le bot indique assez vite ce qu'il est capable de faire : 'je peux vous aider à...'". Au risque sinon de proposer une expérience cliente déceptive.