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Jacques Printz (CNAM) |
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Quelle est votre définition de la maîtrise d'ouvrage ?
La maîtrise d'ouvrage revêt des définitions assez diverses.
Pour ma part, je défends l'idée que la maîtrise d'ouvrage est une fonction,
plutôt qu' une position hiérarchique.
En termes de position hiérarchique, la maîtrise d'ouvrage se
trouve sous la responsabilité de la DSI comme c'est le cas chez Bouygues, ou bien
est rattachée à la Direction Générale. Cette différence de position dénote des
stratégies et des rapports de force internes des entreprises, indépendamment de
la fonction elle-même.
En termes de fonction, j'en vois au moins quatre pour ma part.
La maîtrise d'ouvrage s'occupe de tout ce qui concerne l'expression des besoins
- le quoi ?. Elle s'intéresse également au pilotage du processus d'acquisition
et de la gestion des risques d'acquisition. De ce point de vue, elle conduit une
stratégie en son nom propre ou pour la DG, ce qui n'est pas sans soulever des
questions et des débats. Elle s'intéresse ensuite à l'urbanisation des systèmes
d'information. Elle travaille enfin à l'intégration des différents éléments du
système d'information global de l'entreprise. De ce point de vue, elle contrôle
l'intégration, la qualité, mais aussi tout ce qui concerne les contrats de service
pour les directions métiers qui sont les " clients " du SI. Pour toute ces raisons
la maîtrise d'ouvrage doit avoir une grande compétence en management de projet.
Le problème du coût financier doit- il être pris en compte
par la maîtrise d'ouvrage ?
Oui, le TCO des EAI est un bon exemple en la matière !
Si la maîtrise d'ouvrage ne prend pas en compte l'aspect financier, on court
à la catastrophe. Il faut que la maîtrise d'ouvrage ait du recul sur les
problématiques métier, c'est ce que j'appellerai de la gestion de risque
bien comprise car il faut toujours partir du métier.
Quel est le contexte historique qui amène le concept de
maîtrise d'ouvrage ?
D'un point de vue historique, l'utilisation des vocables maîtrise
d'ouvrage et des fonctions qui s'y rattachent, comme maîtrise d'ouvrage déléguée,
maîtrise d'ouvrage stratégique et maîtrise d'ouvrage opérationnelle, viennent
du domaine des technologiques de pointe.
Le terme s'est imposé à la fin de la période
des mainframes, avec l'apparition des systèmes distribués |
La défense, l'espace, les grandes infrastructures technologiques
comme l'EDF, utilisaient dès les années 60 des termes comme ingénierie système
et direction de programmes qui revêtent un champ comparable à ce que l'on
appelle aujourd'hui la maîtrise d'ouvrage.
Par la suite, ce vocabulaire a été adopté pour les systèmes
d'information dans les autres entreprises et structures à la fin des années
80 et au début des années 90. En fait, le terme s'est imposé à la fin de
la période des mainframes, avec l'apparition des systèmes distribués.
Les DSI ont alors eu à gérer les postes de travail, les
serveurs, dans une logique d'intégration de systèmes.
Cette période correspond par ailleurs à la création d'associations
comme Club des Maîtres d'Ouvrage des Systèmes d'Information, présidé par
Jean-Marie Faure.
Ce vocabulaire apparaît également au moment
où l'on commence à parler de TCO dans les DSI |
Ce vocabulaire apparaît également au moment où l'on commence
à parler de TCO dans les DSI. Les directions métier prennent à ce moment
conscience qu'elles ne peuvent confier la maîtrise d'ouvrage des systèmes
d'information aux équipes informatiques qui deviendraient de ce fait juge
et partie.
Du côté anglo-saxon, la prise en compte de ses problématiques
est apparue dans les mêmes années. Je pense à la création de la fonction
de " project management office " qu'évoque le rapport Chaos Chronicle 2003
du Standish Group dans le top 10 des facteurs de succès.
Mais pour être tout à fait franc, ses principes existent
depuis toujours. Le ministère de la défense et ses grands projets de défense
comme le porte avion Charles de Gaulle fait référence depuis 20 ans à une
entité baptisée " direction des programmes " dont les compétences sont équivalentes
à la maîtrise d'ouvrage.
Mais alors, quelle nouveauté apporte la maîtrise d'ouvrage
?
En fait, la vraie nouveauté de la maîtrise d'ouvrage est d'arriver
à avoir une vision globale sur le système d'information d'une entreprise, que
ce soit au niveau du développement que de la conduite du changement. Cela prend
tout son sens quand on pense à la croissance du CRM dans les entreprises. Il y
a 20 ans, les informaticiens des entreprises n'avaient aucune vue sur les activités
des commerciaux, et inversement, les commerciaux n'utilisaient pas du tout des
programmes informatiques pour leurs activités. Il fallait des gens qui puissent
spécifier aux informaticiens des produits à destination des usagers, et tout cela
a pris naissance à l'aube des années 90.
Il y a 20 ans, les informaticiens des entreprises
n'avaient aucune vue sur les activités des commerciaux |
Je me souviens que dans les années 90 le Club des Maîtres d'Ouvrage
des Systèmes d'Information avaient pour membre des représentants des entreprises
qui soit connaissaient très bien les techniques informatiques ou bien n'étaient
pas au fait des techniques. L'ancien président du CIGREF, Jean-Pierre Corniou,
dénonçait d'ailleurs dans vos propres pages dès 2001 la pression marketing des
éditeurs ("Le
Cigref dénonce la pression marketing des fournisseurs"), d'EAI par exemple.
Les DSI n'avaient pas les moyens d'évaluer les produits EAI, en fait très complexes
à déployer, et auraient eu besoin à cette époque d'un point de vue externe qui
aurait pu être celui de la maîtrise d'ouvrage.
Pour finir, quelle est la solution pour que communiquent
sereinement maîtrise d'oeuvre et maîtrise d'ouvrage ?
Je prends souvent un exemple qui est celui de la balance.
Nous aurions sur un plateau de la balance les usagers, de l'autre le maître
d'uvre, et le fléau de la balance serait le maître d'ouvrage.
Pour que maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'oeuvre communiquent
correctement, il faut que la maîtrise d'ouvrage intègre des éléments d'informatique
et inversement que la maîtrise d'uvre ait de bonnes connaissances métier.
Ce n'est pas la peine pour le directeur de la maîtrise d'ouvrage mais il
faut que dans l'équipe, des ressources techniques soient à même de comprendre
les problématiques de la maîtrise d'uvre.