Le PDG de Box, Aaron Levie, est un génie incompris des investisseurs

Box a été contraint de reporter sa première introduction en bourse (IPO). L’attitude des investisseurs s’explique surtout par leur incompréhension des modèles commerciaux en vigueur dans son secteur technologique.

Alors que de forts taux de croissance étaient jadis suffisants pour convaincre les investisseurs du fort potentiel d’une entreprise, le marché n’a plus la même confiance dans le secteur technologique, et les entreprises spécialisées dans les logiciels de Cloud computing sont particulièrement touchées par ce phénomène. Les entreprises les plus en vue, telles que ServiceNow et Workday, par exemple, ont connu un effondrement du cours de leurs actions en raison de l’évaluation jugée excessive de leur valeur, ce qui a obligé les entreprises de logiciels et de Cloud computing comme Box à modifier leur stratégie de IPO.
 
L’ajout de General Electric à son portefeuille déjà fourni de clients prestigieux du Fortune 500 incitera peut-être ses détracteurs à reconsidérer leur opinion de la valeur de Box. Néanmoins, je pense que l’attitude baissière des investisseurs ces derniers mois s’explique surtout par leur incompréhension des modèles commerciaux en vigueur dans le secteur technologique.

Les entreprises du Cloud n’ont jamais cessé d’être une valeur sûre, mais 10 ans après l’IPO de Salesforce.com – première société à être cotée en bourse fonctionnant sur le modèle du Cloud computing (SaaS) – le marché de Wall Street reste dubitatif sur le modèle commercial de consommation par abonnement ou à revenu récurrent. Même s'il est vrai que  l’annonce de la dernière levée de fonds de Box présage une évolution des mentalités. Mais quelle est donc la différence entre Box et les autres entreprises de logiciels classiques ,et comment Box réussit-elle à avoir des résultats florissants dans une économie de consommation par abonnements ?

1. Les entreprises du modèle par abonnement ont les yeux fixés sur les revenus annuels récurrents.

Les entreprises fonctionnant avec succès sur un modèle de consommation par abonnement sont attentives à leurs revenus annuels récurrents (ARR), c'est-à-dire les recettes provenant uniquement des abonnements de leur clients et en échange d’un service régulier. Pour ce type d’entreprise, l’ARR est le véritable indice de la santé de l’entreprise, bien plus que les liquidités ou les revenus.

Si l’on estime que les revenus engendrés par les activités de consulting de Box sont comparables à ceux de Salesforce.com et qu’on y ajoute cinq pour cent, on constate que Box a commencé son dernier trimestre à 148 millions de dollars d’ARR, ce qui est le double de ce qu’elle avait enregistré il y a un an. Box a donc connu une croissance non négligeable.

2. Le stockage dans le Cloud n’est finalement pas si cher que ça.

La critique habituelle consiste à dire que les coûts de Box doivent être élevés puisque Box stocke un nombre considérable de fichiers et doit pour ce faire acheter une quantité impressionnante d’espace. Est-ce vrai ?

Non, car pour pouvoir comparer les dépenses à l’ARR, il faut décompter le coût des marchandises vendues liées aux services professionnels et le coût des stock-options imputé aux dépôts. Si l’on utilise ce calcul, les marges brutes de Box sont comparables à celles des autres entreprises du secteur SaaS. Par conséquent, on peut en déduire que le stockage dans le Cloud ne coûte pas si cher que cela.

3. Le scoop sur les marges du revenu récurrent

Si du jour au lendemain, Box mettait fin à toutes ses activités de vente et de marketing, elle mettrait certes fin à sa croissance mais continuerait néanmoins de générer une marge intrinsèque de 20%. Box ne génère actuellement pas autant de profits que Salesforce.com ou Netsuite, mais si l’on examine la marge en matière de revenu récurrent qu’elle a enregistrée au cours des quatre derniers trimestres, on constate que la tendance est positive.

Box ne cache pas le fait qu’elle dépense massivement en recherche et développement. Selon moi, cela s’explique par le fait que Levie parie sur l’avenir. Il pense qu’il dispose d’un marché important en forte croissance et qu’il a intérêt à investir en R&D pour mettre au point davantage de fonctionnalités qui lui permettront de tirer son épingle du jeu face à ses concurrents Dropbox et Microsoft SharePoint.

4. Le coup de génie : partir à la conquête de la croissance

Il n’est pas passé inaperçu que Box consacre environ 137% de ses revenus à ses activités de vente et de marketing. Ce pourcentage est trois fois supérieur aux 42% en moyenne dépensés par toutes les autres sociétés publiques du modèle SaaS à ce stade de leur développement.
 
Au cours du trimestre finissant au 31 octobre 2013, Box a consacré 46 millions de dollars à ses activités de vente et de marketing, pour faire progresser son ARR de 20 millions de dollars, exclusion faite des résiliations. Cela signifie que Levie a dépensé plus de deux dollars pour obtenir un dollar de croissance. Si l’on compare ce chiffre à celui des autres sociétés publiques du modèle SaaS, ce coût est plutôt élevé. Mais si Box table sur le fait que ce dollar supplémentaire deviendra récurrent au cours des cinq ou dix années à venir, ce n’est pas forcément un mauvais pari.
 
Levie a construit une entreprise qui, établie sur des bases solides, génère des profits intrinsèques. Il suffit de choisir le bon angle de vue pour le constater. En comprenant qu’il joue sur un terrain de jeu en forte croissance mettant en scène de nombreux intervenants, Levie démontre qu’il a le courage de viser haut et de dépenser gros pour acquérir le plus grand nombre possible de clients.

Si Levie décide un beau jour de ne plus dépenser que 15% en R&D et 15% en activités de ventes et de marketing, il bénéficiera toujours d’une entreprise générant une marge de 25%. Si, à ce stade, il est à la tête d’une entreprise d’un milliard de dollars, cela signifie qu’il disposera de 250 millions de dollars de liquidités. Son entreprise est en béton et c’est ce qui fait tout le génie d’Aaron Levie.