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24/01/2008

Alexandre Zapolsky (Groupe Linagora) : "Bill Gates est l'anti-héros du libéralisme"

Le verbe haut, le président de la Fnill et patron du Groupe Linagora, répondait aux questions des lecteurs. Au menu, Open Source bien sûr, vente liée, EeePC, recrutement, stratégie, et pôle de compétitivité.
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Alexandre Zapolsky (Groupe Linagora)
 
 
 

Les soutiens principaux de la communauté Open Source sont de grandes entreprises, comme IBM et Sun. Pensez vous que ce modèle, qui permet aujourd'hui de développer un écosystème, doive perdurer ? Autrement dit, le Libre trouvera-t- il un moyen de s'autofinancer (et de créer de la richesse) sans la perfusion de grands du secteur informatique ?

En premier lieu, bonjour à tous ! Je suis bien heureux de vous retrouver à nouveau/

Pour cette première grande question... Tout ce qui permet de financer le Logiciel Libre, va a priori dans le bon sens. Je n'ai rien contre les grands acteurs, au contraire, un certain nombre (IBM, Bull, EDS, Steria, Unilog, Capgemini, Osiatis,...) font partie de la Fnill.

Sans eux effectivement (et sans d'autres comme HP, ou Sun) le Libre ne serait pas ce qu'il est... Mais n'oublions jamais d'où vient le logiciel libre ! Ce travail des communautés, ces femmes et ces hommes, souvent dans l'ombre qui font avancer le Libre ! Nous leur devons beaucoup.

Pour ce qui de l'autofinancement, certaines communautés comme Mozilla (et d'autres...) ont démontré depuis un certain temps que cela était tout à fait possible.

Les OS libres arrivent sur les PC grand public. Dell et HP proposent des portables équipés d'Ubuntu, par exemple. Pensez-vous que cela va amener le législateur à porter un regard différent en France sur la vente liée ?

J'ESPERE ! Et il serait grand temps ! La position de Luc Chatel, le Ministre concerné par ce sujet est en train de changer... J'ai beaucoup d'espoir également depuis la nomination de Bruno Parent au poste de directeur général de la DGCRF. Lui qui a fait tant de choses en tant que DG lorsqu'il était en charge de la DGI. A ce titre, je vous rappelle l'initiative de l'Aful (groupe détaxe) que vous retrouverez sur leur site www.aful.org.

Vous avez essayé l'Eee de Asus ?

Oui... C'est une petite bombe ! Savez-vous qu'il est déjà en rupture de stock (de réservation) en France alors que la vente n'a pas encore commencée. Dire que certains, il y a encore un an, pensaient que Linux sur le poste de travail aurait du mal à s'imposer... Allez demander cela aux plus de 500 000 utilisateurs de l'EeePC dans le monde. Du coup, je vais aller rencontrer les gens de Xandros à New-York pour mieux comprendre ces gens qui ont réussi (avec Asus, naturellement) à faire ce que beaucoup ne pensaient pas possible !

Sur le contrat avec l'Assemblée Nationale, que fait Linagora, que fait Unilog ? Comment se répartissent les missions entre vous, puisque vous êtes une société de conseil, et eux aussi…

Vous savez Linagora est de plus en plus un éditeur Open Source...Et donc de moins en moins un concurrent potentiel vis-à-vis des SSII traditionnelles... Cela dit...Sur l'Assemblée Nationale, Linagora a réalisé la master de la distribution Ubuntu puisqu'il s'agit d'une version un peu particulière de cette distribution (très sécurisée par exemple et très simplifiée). Et puis nous avons fait les autres chantiers techniques (en tout environ 80 % du job). Unilog nous a aidé dans la conduite de changement (Linagora était le titulaire et Unilog son co-traitant).

 
Photo © Cécile Debise
 
"On va passer les océans et aller taquiner nos amis américains sur leur propre marché !"

Gagne-t-on correctement sa vie quand on dirige Linagora ?

Oui.

Quels sont les projets que vous développez chez Linagora ? Verra-t-on des nouveautés cette année ?

On prend surtout beaucoup de plaisir. 2008 est pour le Groupe Linagora l'année de la transformation. On va voir apparaître d'ambitieux programmes de R&D. Certains existent déjà (OBM ou les chantiers autour d'EJBCA). D'autres dans la supervision autour de notre solution Nareto naîtront cette année. Cela dépend beaucoup de nos ingénieurs et de leur envie de créer de la valeur.

Vous savez, à Linagora ce n'est pas moi qui code, mais de très brillants développeurs. Pour ma part, mon boulot consiste à faire en sorte s'il y a besoin d'investissement alors de les trouver et d'accompagner ceux qui veulent créer.

Et puis on va aussi changer radicalement de taille, en doublant une fois encore. Je pense que nous serons plus de 200 à la fin de l'année ! Et puis et puis on va aussi passer les océans et allez taquiner nos amis américains sur leur propre marché !

Des projets de rachat pour 2008 ?

On en parlait justement. Oui, le groupe Linagora procédera à des rachats cette année. D'ailleurs, je pense qu'il ne faudra pas attendre très longtemps pour avoir des bonnes nouvelles à partager ensemble.

Le vrai challenge pour nous est de devenir une compagnie globale et d'être capable de porter les mêmes valeurs dans d'autres pays que celles que nous portons ici !

OpenProof, c'est pour quand ?

Il n'y aura pas d'OpenProof... puisqu'un acteur du marché qui pensait que ce nom était trop proche du sien nous a demandé d'appeler notre offre dans le domaine de la sécu, autrement... et comme nous sommes des gentils, nous avons accepté.

Toute notre offre dans le domaine de la sécurité Open Source autour de la PKI EJBCA (www.ejbca.or ) s'appellera donc autrement.. Et cela sera à découvrir lors de Solution Linux la semaine prochaine.

 
Photo © Cécile Debise
 

Le marché français des logiciels libres et open source représentait en 2006, 450 millions d'euros en volume et 80% en croissance (source Pierre Audoin Consultants). Le groupe Linagora, vous faites combien, pour comparer ?

En 2006, nous avons fait 4 millions d'euros. En 2007, nous avons fait près de 9 millions d'euros. En 2008, nous souhaitons faire plus de 15 millions d'euros. Ces données sont publiques. Pour le groupe Linagora, la transparence est une vertu. Ce n'est pas le cas de toutes les boîtes.

Pour votre info le marché en 2007 représente pour PAC 750 millions d'euros et pour la Fnill près de 1 milliard. Nous faisons donc 1% de part de marché. Et donc nous avons de belles marges de progression devant nous.

Vous recrutez, et c'est très bien. Mais qu'en est-il de l'évolution de carrière chez Linagora ?

Vous avez raison de le dire : oui c'est vrai nous recrutons. Nous avons prévu plus de 100 postes cette année, partout en France et à l'étranger.

Les évolutions de carrières sont réelles et nombreuses à Linagora. Les ingénieurs de Linagora peuvent évoluer vers des métiers de plus en plus techniques et devenir de vrais experts (c'est un statut à part à Linagora) ou évoluer vers des métiers de gestion de projets et d'hommes.

Mais on peut aussi évoluer géographiquement (de Paris à Lyon ou à Toulouse). L'inverse est plutôt rare !

Mais aussi on peut évoluer en termes de métier (passer du service à l'édition, passer de l'édition à l'OSSA (OS Software Assurance), revenir au service, partir en mission longue chez des clients, ou participer à des gros projets au forfait).

Je crois que l'un des intérêts premiers à Linagora c'est justement cette possibilité d'évoluer. Je ne peux concevoir que l'on fasse toute sa vie la même chose sans s'ennuyer !

 
Photo © Cécile Debise
 

Sun qui rachète MySQL pour un milliard de dollars, cela veut dire que le Libre part à la conquête du marché des bases de données entreprises ? Quel est votre avis sur ce rachat ?

C'est une formidable nouvelle. Cela vient confirmer que le niveau de valorisation des boîtes Open Source est supérieur à celle des éditeurs traditionnels ! Vous voulez créer de la valeur, faite du Libre et arrêter de faire du proprio ! Il n'y a qu'en France où l'on se pose encore la question de la place de l'Open Source dans l'économie numérique... Quand on se pose la question ! Ailleurs, et notamment aux Etats-Unis, ce marché du libre est aujourd'hui au coeur de la création de valeur dans l'économie de l'immatériel.

Sun qui est une boîte cotée, qui pèse 3,4 milliards d'euros, ne peut se permettre de faire n'importe quoi. Quand il rachète 1 milliard d'euros MySQL, cela veut dire que les analystes financiers vont trouver cela correct en termes de prix. Et c'est même mieux, beaucoup pensent que Sun à acheté MySQL à prix inférieur à ce que MySQL aurait pu ou du demander !

En tant que patron de Linagora mais aussi en tant que Président de la Fnill, je regrette que dans le rapport de la semaine dernière du Medef, il n'y ait qu'une fois le mot Libre... pour dire qu'il fallait arrêter de soutenir ce marché plutôt que le marché de l'édition propriétaire (lol)... Ce n'est pas gagné !

Bill Gates qui arrête sa carrière, ça vous fait quoi ? Un choc, rien ? Est ce que c'est la fin d'une époque, ou Microsoft a encore de beaux jours devant lui ?

Je me dis qu'il a bien réussi son coup ! Je trouve aberrant la position qu'occupe cet homme. Pour moi, et cela va peut-être vous surprendre, Bill Gates est l'anti-héros du libéralisme. Il a tué tellement d'innovation et de compétition que je n'ai pour lui que peu d'égard. En tant que patron de Microsoft. Par contre, je suis content que tout cet argent qu'il a "pillé" serve maintenant à financer des choses utiles. Allez bonne retraite Billou !

Roberto di Cosmo explique que l'on a beaucoup de chance en France (par rapport à l'Italie), d'avoir une industrie nationale du logiciel libre si développée. Partagez-vous cet avis, et que faire pour que l'on conserve cet avantage compétitif ?

Moi je dis que l'on n'a pas beaucoup de chance en France d'avoir Roberto. Je trouve là aussi aberrant qu'un universitaire (et je n'ai rien contre les universitaires en général) s'occupe de choses qu'il ne connaît pas, ou si peu... Vous savez avant que mon "ancien ami" n'accepte ce mauvais deal d'intégrer le pole Systematic, j'ai travaillé longuement avec lui...

Et je peux vous dire qu'effectivement ce n'est pas lui qui y connaît grand chose concernant les entreprises. Cependant, c'est à n'en pas douter un très grand chercheur. Il devrait continuer à chercher et à laisser les entreprises s'occuper d'elles.

Pour terminer à ce sujet, je puis vous assurer qu'avec ce projet avorté j'ai pu toucher du doigt toutes les raisons qui font que dans notre beau pays, on est si en retard concernant l'économie numérique. Par contre, du coup, on sait maintenant ce que nous devons faire et nous le faisons avec la Fnill et d'autres associations professionnelles. Je n'ai jamais été aussi motivé !

 
Photo © Cécile Debise
 
"Bien sur que le Libre porte une idéologie... ou en tout cas des idées."

Le Libre porte-t-il une idéologie ? Si oui, y-a-t-il une pensée politique ?

Bien sûr que le Libre porte une idéologie... ou en tout cas des idées. Le Libre porte en lui des idées de partage, de collaboration, de dépassement de soi, d'entraide, de compétition fondée sur la valeur réelle des gens...

Alors aujourd'hui si vous êtes capable de me dire qui de gauche ou de droite porte ces valeurs, vous êtes champions ! A vrai dire je pense pouvoir dire que le libre n'a pas une pensée politique.

Le libre peut-il contribuer à réduire la fracture numérique Nord-sud? Si oui comment?

Oui ! On n'en parle pas assez ! C'est notamment comme cela que j'ai découvert Ubuntu. La fondation Ubuntu en Afrique fait un boulot extra. Elle aide des boîtes à se développer. Elle aide à l'informatisation des écoles, etc...

Je voudrais souligner ici le travail remarquable des gens du Club de la Solidarité Numérique avec son président Douglas... Si je sujet vous intéresse, vous devriez les trouver sur Google.

Avec la croissance des projets complexes auxquels s'attaquent les acteurs du Libre, peut-on dire que la marge d'économie se réduit pour les clients ? Le coût de conseil et d'intégration augmente considérablement parfois.

C'est l'un des plus anciens FUD [ndlr. Fear Uncertainty and Doubt, soit littéralement "peur, incertitude et doute". Expression utilisée pour dénoncer la communication de certaines entreprises de l'informatique]. Faire croire que la partie service coûterait plus cher dans le Libre que dans le logiciel traditionnel.

En fait, toutes les études ou presque (celle qui ont été financées par des acteurs de l'édition traditionnelle) ont démontré que Y COMPRIS dans le service, le Libre était moins cher qu'avec les technos classiques. Il faut écouter ce que disent les clients et pour les gros à leur tête le patron du Cigref (club informatique des grandes entreprises française), Didier Lambert, qui explique très régulièrement cela. Il a tout compris ce Didier !

Faut-il reverser tout le temps quand on développe avec du Libre ?

 
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Je suis favorable à ce que l'on reverse le plus possible ! Cela veut dire que hormis dans des cas très particuliers de secret (défense, ou commercial, ou autre) il est dans l'intérêt de tous et notamment de celui qui produit le code de reverser.

A Linagora, j'encourage tout le temps nos équipes à contribuer et à reverser. Le Libre est ce qu'il est parce que depuis près de 30 ans maintenant (avec le projet GNU) des personnes, puis des groupes de personnes, puis des sociétés ont joué le jeu. Linagora s'inscrit en force dans cette tradition.

Merci à toutes et à tous. Le libre est loin d'avoir gagné. Continuez le combat ! Et à bientôt ! Et n'oubliez pas job.linagora.com


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