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Bernard Molland
Consultant indépendant
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Bernard Molland
"On ne réinternalise que des éléments qui posent problème ou qui sont à risque"
Le consultant indépendant distille ici de précieux conseils aux entreprises désireuses de réinternaliser, distinguant ce qui est du domaine du possible de ce qui relève de l'illusoire.
16/05/2005 |
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JDN
Solutions. Qu'est ce qui peut décider une entreprise à réinternaliser tout ou partie de son SI ?
Bernard Molland. Je constate aujourd'hui que certaines entreprises ont externalisé avec intelligence, avec des clauses de réversibilité, en choisissant des partenaires performants sur une zone géographique finie.
Mais de grands contrats d'outsourcing mondiaux ont récemment été signés. Ces contrats sont voués à l'échec. Si vous êtes en France, vous serez servis par la filiale française, ce qui ne posera aucun problème. Mais les sociétés qui prennent en charge ces contrats mondiaux ne sont pas organisées pour servir correctement - sur toutes les zones où ils sont présents - les grands groupes internationaux.
Les sociétés ayant tout outsourcé
sont rares et celles qui ont essayé en sont vite revenues. Il est à mon sens préférable de segmenter les contrats d'outsourcing par rapport aux grands services offerts par le SI.
A partir du moment où une prestation est correctement rendue, si tout le monde est content, à un coût compétitif, c'est un effort de réinternaliser, c'est aussi un coût, c'est en tout cas une décision on ne peut plus stratégique.
On ne réinternalise que les éléments qui posent problème ou qui sont à risque, comme dans le cas où un prestataire a de mauvais bilans ou quand il se fait racheter par une entreprise dont les objectifs et le comportement ne vous paraissent pas limpides.
Que se passe-t-il quand une entreprise est amenée à en racheter une autre ?
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Ce que je vois naître est la mise en business unit des structures informatiques, pour en faire de vraies SSII internes" |
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En de pareilles circonstances, il faut selon moi garder en tête quelques principes simples. Il faut rendre les structures informatiques responsables et leur donner un périmètre qui peut être mesuré. La vraie vision que je vois naître est la mise en business unit des structures informatiques, pour qu'elles soient de vraies SSII internes, avec un fonctionnement clients / fournisseurs en interne.
Pour toutes les entreprises où l'informatique est au cur du métier - comme les banques ou les compagnies aériennes -, ce genre d'organisation est stratégique et trouve son bien-fondé dans la myriade de systèmes d'information existants. Se pose alors une problématique de consolidation, qu'il faut bien prendre par un bout, par la création d'une structure interne en l'occurence, ce qui - au passage - présente aussi l'avantage de faire baisser les coûts.
Quelles sont les pans du SI le plus facilement réintégrables ?
Là où cela a du sens, comme pour la maintenance applicative par exemple, particulièrement pour ceux qui ont tout outsourcé. Il n'est en effet - selon moi - pas possible de concevoir le développement des applications dans d'autres mains que celles de l'entreprise.
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Il n'est pas possible de concevoir le développement des applications dans d'autres mains que celles de l'entreprise" |
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J'ai à ce sujet une anecdote à propos de l'Inde. Nous avions, dans une des sociétés où j'ai précédemment travaillé, perdu le savoir-faire de l'entreprise, en ayant 40 ou 50 personnes dans une SSII indienne. Les dirigents de cette SSII s'en sont aperçu et nous avons payé les Indiens au tarif américain.
Le produit a fini par mourir de sa belle mort mais, pendant 4 ans, la SSII s'est fait des choux gras
Quand vous avez donné des savoir-faire critiques, il faut soit accélérer le mouvement, ou travailler dans un esprit programmé de mouroir, quand vous sentez qu'il y a un tournant technologique qui va se produire mais qui n'est pas encore mature.
Pour ce qui est de la production informatique, qui n'est pas stratégique, vous pouvez trouver des fournisseurs. En revanche, pour tout ce qui touche aux infrastructures, la réintégration n'a pas de sens.
Quelles sont les conditions pour bien réinternaliser ?
Avoir bien externalisé, tout simplement. Sinon, il n'est pas possible, au sens contractuel, de procéder dans de bonnes conditions, à cette opération. Il est d'ailleurs hautement conseillé de se faire accompagné de spécialistes, d'avocats, car c'est très complexe, il faut prévoir tous les cas.
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Si vous ne prévoyez pas un bon contrat d'externalisation, vous serez à un moment donné à la merci du prestataire" |
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Je me souviens d'une négociation où nous avions fait les choses de manière solide, où nous avions mis de l'argent sur la table pour faire un bon contrat. Nous sommes arrivés à un résultat satisfaisant mais cela a été long et laborieux
Les DSI pensent parfois que le service achats va pouvoir s'en débrouiller. Or, un tel contrat ne peut pas être géré par les achats. Je n'ai rien contre ces services mais il faut bien connaître les criticités et les problématiques, pour qu'elles soient correctement prises en compte, avec des pénalités et des notions de delivery et de réversibilité. Ce n'est jamais un produit tout fait.
Si vous ne procédez pas de cette manière, vous serez à un moment donné à la merci de celui qui tient le manche, c'est-à-dire du prestataire, qui aura les cartes en main, et il faudra payer. |
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Propos recueillis par Fabrice DEBLOCK, JDN Solutions |
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