Datakalab dissèque les émotions pour aider les pros à booster leur CA

Datakalab dissèque les émotions pour aider les pros à booster leur CA La start-up tricolore a aidé la SNCF, Mr Bricolage ou encore Walt Disney à prendre des décisions stratégiques à l'aide de données émotionnelles. Explications.

Chevelure broussailleuse et barbe hirsute. Quand Sébastien Chabal grimpe sur scène, la salle est médusée. Parmi les 40 speakers des Rencontres de la niaque 2017, un événement organisé en janvier par Bpifrance, c'est celui qui a suscité dans la foule la plus forte émotion. Littéralement. La société Datakalab a distribué aux participants de ce séminaire des bracelets capables d'analyser leur fréquence cardiaque, leur température extradermale et leur micro-sudation. La start-up parisienne fondée en mars 2016 a ensuite travaillé ces données avec des algorithmes maison pour en extraire un score d'intensité émotionnelle minute après minute, tout au long de la journée. Ces data ont ensuite été corrélées aux performances des différents orateurs, pour comprendre quelles sont les recettes qui fonctionnent auprès du public. Bpifrance pourra, grâce à ces informations, donner des tips aux animateurs de ses prochaines conférences afin qu'ils électrisent plus facilement leur audience.

"Aucune décision humaine n'est prise sans émotion. Les professionnels ont intérêt à comprendre le ressenti des consommateurs pour faciliter l'acte d'achat et améliorer le parcours client. L'analyse des sentiments peut guider toutes sortes de décisions stratégiques prises par les entreprises. C'est pour cela que nous vendons à nos clients des données émotionnelles assorties d'une prestation de conseil", explique Anne-Marie Gaultier, présidente de Datakalab.

La SNCF espère prendre de meilleures décisions d'aménagement de ses gares grâce aux données émotionnelles des passagers collectées sur place

Pour produire des data aussi fiables que possible, la jeune pousse croise plusieurs outils d'analyse des affects. Le bracelet utilisé avec Bpifrance, mais également un logiciel de facial coding, basé sur l'IA. Il cartographie les visages des personnes sondées, filmés par une caméra, afin de détecter les mouvements des 42 muscles qui les composent et de les relier à sept émotions primaires, comme la tristesse, la joie, la colère… En scrutant les micro-variations de la couleur du front, ce système permet aussi de savoir à quelle vitesse bat le cœur de l'individu étudié. "Nous allons en outre mettre en service d'ici cet été une solution de décomposition de la voix, permettant de disséquer l'émotion de son émetteur en fonction de son rythme, de sa tonalité…", prévoit Anne-Marie Gaultier.

"Ces instruments de mesure développés par des neuroscientifiques sont nettement plus précis lorsqu'ils sont utilisés ensemble. Si la cartographie d'un visage permet de comprendre la nature des émotions ressenties, elle ne permet pas de connaître leur intensité. C'est le bracelet qui donne cette information. Grâce à cette combinaison, nous sommes capables de distinguer un sourire factice d'un vrai moment de joie", explique Xavier Fischer, chief innovation officer de Datakalab et ancien de chez Emotient, une entreprise spécialisée dans le facial coding rachetée par Apple en 2016.

En un peu plus d'un an d'existence, la jeune pousse tricolore d'Anne-Marie Gaultier a signé des contrats avec une quinzaine de gros clients

Les données collectées par Datakalab sont anonymes. "Nous n'enregistrons jamais l'identité des personnes étudiées. Nous ne sommes pas intéressés par le ressenti de madame X ou de monsieur Y. Nous présentons à nos clients des tendances globales sur un nombre important de consommateurs", explique Xavier Fischer. Les rapports stratégiques de Datakalab sont en général basés sur l'analyse du ressenti de 300 personnes au minimum.

Le succès des start-up spécialisées dans le facial coding est de bon augure pour Datakalab. Il atteste de l'appétence des professionnels pour l'analyse des émotions. Affectiva, la principale concurrente d'Emotient avant son rachat par Apple, a séduit en cinq ans plus de 1 400 clients entreprises, dont plus d'un tiers des géants américains du Fortune 100. En un peu plus d'un an d'existence, la jeune pousse tricolore d'Anne-Marie Gaultier a signé des contrats avec une quinzaine de gros prospects, issus de secteurs d'activité divers, comme le divertissement, la distribution ou le transport.

Avant de décider de sa nouvelle stratégie de déploiement de magasins en France, Mr Bricolage a par exemple fait appel aux services de Datakalab. La start-up a distribué des bracelets connectés aux clients de deux des grandes surfaces du groupe. La première s'étendait sur 7 000 mètres carrés et la seconde sur 3 000. Alors que la firme pensait ouvrir des établissements de très grande taille pour que ses prospects aient un large choix de produits, elle a finalement opté pour de plus petits espaces après avoir reçu les analyses émotionnelles. L'observation des données a montré que les clients sont moins stressés lorsqu'ils font leurs courses dans des boutiques à taille humaine. Résultat : ils achètent plus.

Après avoir consulté les données émotionnelles de Datakalab, Walt Disney a modifié le titre tricolore de son long-métrage L'Empereur

Datakalab a également travaillé avec la SNCF, pour disséquer le ressenti des passagers lorsqu'ils parcourent les différents espaces de leur gare avant de grimper dans leur train. Le groupe souhaite prendre de meilleures décisions d'aménagement de ses stations en suivant le modèle des gares les plus agréables pour ses passagers. 300 personnes ont accepté d'être suivies à Aix en Provence et une nouvelle analyse est en cours gare de Lyon à Paris. Le test va être étendu à de nouvelles stations de la capitale dans les prochaines semaines.

La jeune pousse a aussi séduit le géant du divertissement Walt Disney. La firme lui a fait étudier le ressenti d'une soixantaine de spectateurs français devant la bande annonce de L'Empereur, sorti dans l'Hexagone en février 2017. Après avoir consulté les données émotionnelles de Datakalab, la multinationale a décidé de modifier le titre tricolore de son long-métrage, qui devait au départ s'appeler L'Appel de l'Antarctique.

Aujourd'hui, Datakalab rédige ses rapports d'analyses émotionnelles et les conseils qui en découlent à la main. "Nous venons de signer un partenariat avec IBM. Nous allons nous servir de la puissance de calcul de son IA Watson pour automatiser cette analyse, afin de la rendre accessible en termes de tarifs à de plus nombreux clients. Lorsque nous auront construit cet outil, il leur suffira de plugger leurs bases de données sentimentales à une API pour obtenir des conseils business", se projette le chief innovation officer.