Comment se légitime la place du directeur de sûreté
dans l'entreprise ?
C'est
une terre de mission. Il faut que nous soyons très communiquant sur le sujet.
Notre constat de départ c'est que l'Etat est en phase de perte de puissance dans
la mondialisation pour des raisons de limitation de son rôle géographique. Donc
on ne peut plus compter sur lui. Qui sont les acteurs de la mondialisation ? Les
entreprises. Il n'y aucun doute. Or elles ne sont pas dotées des pouvoirs et des
institutions de l'Etat. Aujourd'hui, nous nous trouvons donc à un point de croisement
historique.
Le Club des directeurs de sécurité des entreprises insiste très fortement sur
ce constat. Les entreprises doivent se responsabiliser sur ces sujets et développer
en interne leur capacité à l'auto-défense, à l'immunoprotection. Elles ne doivent
pas croire que les états le feront. Ce n'est pas vrai. Leur rôle international
fait qu'aucune institution ne se substituera à elles.
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© Christophe Auffray
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Il
y a donc une vraie terre de mission pour le CDSE qui doit parler fort pour dire
à l'Etat : vous avez perdu des capacités que vous possédiez auparavant. Et donc
sachez vous - état - communiquer avec les entreprises pour les aider dans leur projet
international. Aux entreprises, le Club dit responsabilisez-vous davantage. Vous
êtes toutes engagées dans une recherche de compétitivité, apparemment la sûreté
de vous apporte pas de retour sur investissement. C'est une erreur.
Pour le CDSE, la prochaine fonction qui doit émerger dans les agences de notation
est la sûreté. Les entreprises ont-elles ou non la capacité de protection de leurs
intérêts ? Ont-elles développé l'intelligence économique en interne, le traitement
de l'information stratégique ? Au-delà des critères financiers, il doit y avoir
des critères de sûreté, de reconnaissance du terrain qui appartiennent en plein
au champ d'action du directeur de sûreté.
La pression réglementaire impulsée par l'État peut-elle
être en faveur de cette prise de conscience ?
Elle n'a jamais empêché les entreprises d'avancer. Elle
doit être relativisée. La pression réglementaire vise en général des objectifs
nationaux avant de viser l'aide à la réussite de l'entreprise. Dans ce sens, elle
n'aide ni ne constitue un frein.
"La
prochaine fonction qui doit émerger dans les agences de notation doit être la
sûreté" |
Ce qu'on attend de l'État c'est peut-être qu'il oblige
l'entreprise à prendre en compte sa propre sûreté. Si aucune forme d'obligation
extérieure ne pèse sur l'entreprise pour la contraindre à assurer sa propre sûreté,
il n'est pas dit qu'elle le fasse. Tant qu'elle n'aura pas été confrontée à un
désastre dû à un manque de sûreté, elle risque très probablement d'y voir un investissement
sans retour, par manque de prospective. Dans ce sens, l'État pourrait jouer un
rôle réglementaire. L'État veut bien collaborer à rendre la vie de l'entreprise
plus facile, à condition que celle-ci fasse un effort aussi pour être plus transparente,
plus éthique, plus durable.
PCI-DSS et d'autres réglementations posent justement
des obligations en matière de sécurité...
Beaucoup d'entreprises françaises à l'export ont été obligé
de se doter des services et des directeurs de sécurité voulus pour pouvoir mettre
en place ces systèmes-là. Et donc c'est une contrainte externe, en l'espèce venue
des Etats-Unis, qui a imposé les services de sécurité. C'est un peu l'idée qu'il
faudrait avoir, mais encore une fois n'attendons pas un mouvement extérieur, non
que je critique l'origine américaine. Mais la transparence financière, imposée
par SOX, était également une contrainte venue de l'extérieur.