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ANALYSE
 
14/06/2007

Avaya : un rachat pour rebondir ?

Pour 8,2 milliards de dollars, deux fonds d'investissements privés se sont emparés du spécialiste de la téléphonie sur IP d'entreprise. Les réactions des experts du secteur sur cet évènement.
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Bénéficiaire, en croissance, Avaya - spécialiste de la téléphonie sur IP d'entreprise - a fait le choix de se tourner vers les investisseurs privés. Rachetée en échange de 8,2 milliards de dollars par les fonds Silver Lake et TPG Capital, l'entreprise a été valorisée à 17,5 dollars par action, soit une plus-value de 28% par rapport à la valeur du dernier cours de l'action.

Quelle logique se dégage de ce rachat, une semaine après son annonce ? "Cette acquisition, effectuée par un fonds d'investissements et non par un industriel, peut avoir un double sens. Soit, il s'agit pour les nouveaux actionnaires d'une opportunité pour revendre la société rapidement à des acteurs comme Cisco, soit l'ambition est de donner les moyens financiers à Avaya de se développer sur des produits innovants de voix sur IP", déclare Jean-Paul Rivière, directeur général de l'opérateur Altitude Telecom.

Avaya n'est pourtant pas l'archétype de l'entreprise sans ressource : un chiffre d'affaires annuel de 5,1 milliards de dollars, pas de dette, une trésorerie de plus de 800 millions de dollars et un résultat net positif depuis 3 ans. Le groupe se positionne dans le monde comme le spécialiste de la téléphonie sur IP d'entreprise, grâce principalement à son offre d'autocommutateurs (PABX) IP. En France, il revendique la troisième place des constructeurs de PABX IP derrière Alcatel-Lucent et Cisco.

Pour le cabinet d'études Gartner, cette acquisition n'est pas financière mais découle plutôt d'une logique d'investissement incompatible avec les objectifs d'un groupe coté en bourse. "Avec cette acquisition, Avaya a la possibilité de transformer son activité en dehors de la scène publique et du regard des observateurs. Les investisseurs ont payé cet investissement au prix fort et espèrent désormais la rentabiliser. Cet objectif ne pourra être atteint sans changer la stratégie et le positionnement du groupe", estime le cabinet Gartner.

 

 
Les résultats financiers d'Avaya de 2002 à 2006 (en millions de dollars)
 
  Critère 2006 2005 2004 2003 2002  
  Chiffre d'affaires 5 148 4 902 4 069 3 796 4 387  
  Résultat net 201 921 296 -88 -666  
 
Source : Avaya / juin 2007
 

Or, Silver Lake et TPG Capital apportent à Avaya une connaissance forte des opportunités d'acquisitions / fusions. SilverLake tout d'abord car le fonds est spécialisé dans les nouvelles technologies informatiques et télécoms. TPG Capital, ensuite, car la société réalise toujours des acquisitions ciblées sur des secteurs à fort potentiel de croissance.

Une opportunité pour sortir des contraintes de la bourse

En plus des fonds supplémentaires à la trésorerie d'Avaya qu'ils apportent, Silver Lake et TPG Capital vont en effet permettre au constructeur de se désengager de la bourse et de se risquer sur de nouveaux segments pas forcément rentables au début. Gartner y voit l'opportunité de transformer Avaya, aujourd'hui reconnu en tant que constructeur matériel, en spécialiste des logiciels de communications. Une étape indispensable selon Gartner, car c'est sur le logiciel que les marges les plus fortes sont obtenues.

Avaya avait d'ailleurs déjà opéré un virage vers le logiciel lors de l'acquisition d'Ubiquity Software, conclue en début d'année 2007, pour 144 millions de dollars. Une opération qui lui avait permis d'acquérir une expertise sur les logiciels SIP.

"Ce rachat ne correspond pas à un premier mouvement de consolidation du marché. Au contraire, le marché de la téléphonie sur IP d'entreprise est aujourd'hui dans une phase de créativité. Et quelque part, Avaya représente un risque, car son modèle, qui est sans conteste un succès, ne sera sans doute pas le modèle définitif de la téléphonie sur IP d'entreprise. Les PABX IP d'aujourd'hui ne seront peut être plus d'actualité d'ici 3 à 5 ans", juge Jean-Paul Rivière.

"Aujourd'hui, le marché se tourne vers des technologies de rupture : les offres de convergence fixe / mobile, voix et vidéo, la communication sur IP par IMS... Dans le monde de la communication au sens large, des sociétés comme Microsoft, Cisco, Apple, ou même des acteurs du logiciel libre s'attellent à trouver de nouvelles voies. Alcatel et Avaya s'arment aussi, mais il est difficile de savoir qui du hardware ou du software va remporter cette bataille», ajoute le directeur général d'Altitude Télécom.

Un marché où les modèles doivent encore se trouver, et où Avaya risque de perdre sa place

Et comme learché n'est pas encore fermé, des petites solutions viennent marcher sur les clients des plus grandes : Skype, Jajah, Asterisk, Genesys... D'où la nécessité de ne pas se figer sur un segment de marché et un savoir-faire, mais d'expérimenter et de monter en gamme. Or, sur le seul créneau du matériel de communication, Avaya n'a pas la carrure d'acteurs comme Alcatel ou Cisco, qui génèrent tous deux plus de 15 milliards de dollars.

Pour croître, Avaya peut compter sur une base client déjà établie, un savoir-faire en matière de téléphonie d'entreprise, et des technologies qui tendent vers l'interopérabilité. Cette base solide, si elle ne représente que peu de valeur pour un acteur comme Cisco ou Alcatel, pourrait en revanche intéresser à terme d'autres sociétés peu présentes sur le marché des télécommunications d'entreprises comme Nortel, 3Com ou Juniper.

 
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«Aujourd'hui, ce rachat n'a que peu d'impact. Avaya reste une société indépendante, seuls les actionnaires changent. Pour le client, cette opération sera neutre car par principe il doit faire preuve de frilosité en achetant un PABX IP et prévoir un ROI relativement court au vu de l'évolution des technologies», complète le directeur général d'Altitude Télécom.

Indépendance et diversification, ou reconstruction et cession à un ou plusieurs grands groupes : ce sera en tout cas aux nouveaux actionnaires de choisir l'avenir d'Avaya.


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