Quand une start-up de 32 000 dollars a été vendue pour des millions

La création d'entreprise est une aventure, avec son lot de surprises et de déceptions. Mais la réunion de talents et la mise à disposition d'outils technologiques d'une puissance sans précédent peut générer de vrais miracles.

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J'ai rencontré des entrepreneurs de par le monde qui pensent que le capital-risque est un prérequis pour démarrer une entreprise.
Ils rédigent des business plans et demandent à être présentés à des investisseurs de capital-risque. Je leur dit qu'au lieu de cela, ils devraient relancer leur start-up, que ce qui coûtait il y a quelques années des millions de dollars en coûte aujourd'hui seulement des milliers.
Pensez-y. Aujourd'hui, les ordinateurs portables on la même puissance de traitement que les miniordinateurs qui coûtaient des millions de dollars dans les années 80. Pour le stockage, on avait besoin de fermes de serveurs et de châssis pour disques durs. Aujourd'hui, il y a l'informatique et le stockage dématérialisés et ils sont bon marché.

On eut également relancer des entreprises de matériel informatique telle que Nest (acquise par Google pour 3,2 milliards de dollars). Il y a quelques années, les capteurs comme ceux de nos smartphones auraient coûté des dizaines de milliers de dollars. Aujourd'hui, ils ne coûtent pratiquement rien. Les entrepreneurs qui ont des budgets très limités peuvent fabriquer des applications pour smartphones qui servent d'assistants médicaux pour déceler les maladies, des capteurs corporels qui surveillent l'activité cardiaque, cérébrale et corporelle et des technologies pour détecter l'humidité de la terre et améliorer l'agriculture.

Les entrepreneurs peuvent également prendre part à la révolution génomique (vous trouverez ici un article qui l'explique). Il y a dix ans, ça coûtait plus de 100 millions de dollars pour séquencer un génome humain complet. Aujourd'hui, ça coûte 1 000 dollars. Les données de génomes seront bientôt disponibles pour des millions puis des milliards de gens. N'importe qui, n'importe où, peut écrire du code informatique pour comparer l'ADN d'une personne avec celui de quelqu'un d'autre, découvrir quelles maladies les gens avec des gênes identiques ont eu et analyser à la fois la corrélation entre les génomes et l'efficacité avec laquelle les médicaments ou autres interventions ont soigné une maladie donnée.

Les avancées sont similaires dans le domaine de la robotique, de l'intelligence artificielle, de l'imprimerie en 3D et beaucoup d'autres secteurs.

En 2011, j'ai conseillé une start-up du nom de Beat The GMAT, dont les fondateurs avaient calculé comment la redémarrer avec seulement 32 000 dollars. L'entreprise a été achetée en 2013 pour des millions de dollars par Hobsons. Ses fondateurs, Eric Bahn et David Park affirment qu'ils apprécient réellement leur liberté financière et sont heureux d'avoir pris le risque. Cela n'a pas été facile, mais a été la plus incroyable des expériences qu'ils n'aient jamais vécu. Vous trouverez ci-dessous la version d'un article que j'ai écrit pour Bloomberg BusinessWeek sur la façon dont ils ont procédé. Ce sont des leçons estimables qui peuvent vous profiter.

Après être sorti diplômé de l'école de droit d'Harvard en 1999, David Park a fondé le forum de discussions Coolboard.com. Il a fallu plus d'une douzaine de développeurs de logiciels, de gestionnaires de produits et du personnel d'assurance qualité pendant 18 mois pour construire la technologie de base de l'entreprise. Pour son financement, David Park a levé 10 millions de dollars de capital-risque dont 4 millions ont été dépensés avant que l'entreprise soit lancée. Elle a fait un flop monumental en 2003, victime de la crise de l'internet.

En 2005, David Park s'est associé à Eric Bahn pour lancer son affaire, le réseau social des admissions en MBA, Beat The GMAT, à San Mateo en Californie. Plutôt que de prendre du capital-risque, ils ont limités les coûts de la startup en dépensant seulement 119 000 dollars. Le site a régulièrement fait des adeptes mais ils s'inquiétaient que les technologies comme Facebook et Twitter le rende obsolète. Ils ont donc choisi de le rendre obsolète eux-mêmes.

En 2011, l'équipe a décidé de reconstruire le site et l'entreprise. Leur objectif était de créer un réseau social pour les candidats en école de commerce qui possédaient des caractéristiques telles que la préparation aux données agrégées du GMT (Graduate Management Admission Test) et les actualités des admissions en MBA. Une façon pour les membres d'entrer en contact les uns avec les autres et des éléments de jeux sociaux pour maintenir les membres motivés. Faire de la publicité pour les services de préparation à des tests permet de gagner de l'argent. Curieusement, le démarrage du site a seulement pris 4 mois pour un coût total de 32 000 dollars.

Lorsque David Park et Eric Bahn m'ont approché la semaine dernière pour me demander des conseils sur la stratégie commerciale du site, j'étais sceptique. Ils étaient convaincus qu'ils pouvaient fabriquer en quelques mois tout un tas de technologies sophistiquées avec un budget serré. Ils étaient résolus à ne pas lever de capital-risque. J'avais des doutes. La création de mes deux entreprises de logiciels avaient pris des années et avaient coûté des millions. Oui, la technologie est beaucoup plus facile à créer aujourd'hui que lors de mes premières années dans le secteur. Mais, chaque semaine, je rencontre des fondateurs de start-up de la Silicon Valley qui me parlent de leurs idées et de leurs projets et aucun d'entre d'eux n'affirme pouvoir créer des produits pour moins du prix d'une BMW 328.

Mais David Park et Eric Bahn l'on fait. Comment ? Pour commencer, ils sont externalisé la conception. Au lieu d'embaucher un tas de spécialistes du marketing comme le font habituellement les entreprises de technologie, ils ont demandé à la communauté de leurs utilisateurs d'aider à la conception du nouveau site de manière bénévole.
Puis, ils ont sélectionné une poignée d'utilisateurs les plus fervents et les ont formé sur la gestion des produis de base du type Silicon Valley. Ensuite, David Park et Eric Bahn avaient besoin d'un créateur. Ils se sont servis de 99designs.com qui héberge des concours de créateurs.
Le concours a duré deux semaines et a attiré des centaines d'entre eux. Ils ont produit un motif qu'ils ont utilisé comme thème pour le nouveau site. Le concours, le prix attribué et le temps passé par le créateur ont coûté 9 200 dollars.

Ils ont séparé le développement du site en deux : ingénierie d'avant-projet (transformer le graphisme en code) et l'ingénierie en aval (faire vraiment fonctionner le code). Ils ont construit leur technologie à partir de WordPress, phpBB et Drupal, des plateformes libres. D'habitude, l'ingénierie d'avant-projet nécessite un codage sophistiqué effectué par des contractuels qui gagnent pas moins de 100 dollars de l'heure.
Au lieu de ça, l'équipe de Beat The GMAT s'est tournée vers un service qui s'appelle PSD2HTML.com, qui convertit les fichiers Photoshop en code HTML et CSS. Le coût de ce service à 160-220 dollars la page Web s'est élevé à un total de 4 500 dollars. Pour l'ingénierie en aval, ils ont embauché quatre développeurs en Hongrie et en Ukraine sur le site Web externalisé oDesk. Ça leur a coûté 15 à 20 dollars de l'heure. L'ingénierie en aval leur a coûté un total de 18 000 dollars.

Dans le développement de logiciels, les choses ne se passent pas habituellement comme prévu. David Park et Eric Bahn ont eu leur part de dépassement de délais, de code qui bugge et de problèmes avec les produits. L'externalisation rend toujours les choses plus difficiles parce que les développeurs sont dans des fuseaux horaires différents, parlent des langues différentes et ne comprennent pas toujours ce qu'on attend d'eux. Il a fallu plusieurs nuits sans sommeil et beaucoup de caféine pour surmonter ces obstacles.

Au final, une entreprise qui a par la suite été vendue à des millions de dollars a coûté à ses fondateurs à peine 32 000 dollars parce que la technologie pertinente est aujourd'hui très peu onéreuse. La capacité des entrepreneurs à construire des technologies dans le monde du Web à un prix aussi bas présage même de la marginalisation des investisseurs en capital-risque. Les startup de logiciels passent souvent les premiers mois de leur existence à peaufiner leur business plan et à baratiner les investisseurs.

Au lieu de ça, elles peuvent travailler de par le monde avec des personnes futées, et se concentrer sur leur énergie à parfaire leur technologie comme l'a fait Beat The GMAT. Lorsqu'un diplômé en droit (David Park) et un étudiant diplômé en sociologie (Eric Bahn) créent des entreprises de technologies qui réussissent, le principe selon lequel les fondateurs de site Web ont également besoin d'expérience en programmation informatique devient obsolète.

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Traduction par Sylvie Ségui, JDN.
Cette chronique traduite par le JDN a été publiée via le programme 
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