La gratuité, oui, mais à quel prix ?
Les promotions du type " 1 produit acheté = un produit offert " et tant d'autres offres mettant en avant la gratuité sont monnaie courante. Mais que se cache-t-il réellement derrière ce terme ?
Qui n’a jamais été tenté d’utiliser un service gratuit ? Personne. Et les entreprises l’ont bien compris. Les promotions du type « 1 produit acheté = un produit offert » et tant d’autres offres mettant en avant la gratuité sont désormais monnaie courante. Aujourd’hui ce phénomène touche également l’univers digital. Les entreprises, qu’elles soient réelles ou frauduleuses, n’hésitent plus à attirer les consommateurs via des offres sans frais. Mais que se cache-t-il réellement derrière ce terme ? S’agit-il d’une stratégie marketing astucieuse, d’un modèle économique viable ou d’une simple illusion destinée à masquer des coûts cachés ?
Remettre en cause une économie numérique où la valeur n’est plus là où on la croit
L’usage répété du terme « gratuit » pour décrire certains services en ligne n’a-t-il pas progressivement perdu sa signification ? Il apparait désormais une forme de méfiance à son égard. Aujourd’hui, les enseignes utilisent la gratuité comme façade, la donnée comme matière première, et l’utilisateur, souvent inconsciemment, comme élément d’un modèle qui le dépasse largement.
La cause première de la prolifération de ces « opportunités gratuites » : le numérique qui a banalisé l’accès immédiat et non onéreux à des outils et des services toujours plus puissants qui permettent parfois de réaliser des tâches complexes automatiquement. Mais, ne nous berçons pas d’illusions, rien de tout cela n’existe sans coût réel. Lorsque l’argent ne circule pas, autre chose le remplace. Dans ce cas, ce n’est plus la carte bancaire qui est sollicitée, mais l’attention et les informations de l’utilisateur. Remplir un formulaire pour obtenir un livre blanc, un code promo ou l’accès à un service suffit déjà à alimenter le modèle économique de ces plateformes numériques : chaque donnée partagée, chaque clic, chaque préférence devient un fragment exploitable.
Un outil gratuit en apparence
La gratuité crée ainsi un échange silencieux, souvent invisible, où l’utilisateur pense ne rien acheter, mais offre à son insu ses données personnelles. Si dans certains cas, elles structurent la recommandation algorithmique, irriguent la recherche en intelligence artificielle, et redéfinissent la manière dont se construisent les décisions des entreprises, dans d’autres elles peuvent être exploitées de manière abusive : revente non autorisée ou encore création de segments susceptibles d’alimenter des arnaques personnalisées. Résulte de ce cheminement la création d’un produit monétisable auprès de tiers.
Certains arnaqueurs vont même jusqu’à utiliser des identités de marques ou de licences culturelles extrêmement populaires afin d’inspirer confiance. Une actualité récente l’a encore démontré avec une arnaque exploitant l’univers de la série Stranger Things, qui a fait de nombreuses victimes en France. Sous couvert d’un jeu, d’un cadeau ou d’un accès exclusif gratuit, ces dispositifs cherchent avant tout à capter des données personnelles, qui pourront ensuite être réutilisées ou revendues à des fins frauduleuses.
Permettre une prise de conscience
La question centrale devient celle de la transparence, qui contrôle la donnée générée, sur quelles finalités repose son exploitation, et selon quels principes peut s’exercer une forme de maîtrise individuelle ou collective ?
Jusqu’à il y a encore quelques années, l’économie reposait sur une matière première tangible. Aujourd’hui, l’actif premier est invisible : c’est la data. La rendre visible est un acte de transparence, mais aussi de responsabilité collective. Et les consommateurs doivent en prendre conscience, ne plus systématiquement se questionner sur le montant qu’ils vont débourser mais plutôt sur ce qu’ils vont donner en échange et à qui.