Christine Lagarde pousse l'Europe à s'émanciper face aux menaces commerciales américaines
À quelques jours de l'entrée en vigueur de nouveaux droits de douane imposés par Washington, Christine Lagarde appelle les pays européens à renforcer leur autonomie économique, dans un contexte qu'elle qualifie de "moment existentiel pour l'Europe".
Une guerre commerciale aux effets immédiats
Le 2 avril, Donald Trump prévoit d'annoncer des droits de douane dits "réciproques", susceptibles d'affecter des secteurs clés comme l'automobile. Ces mesures dépendront des taxes appliquées par les pays étrangers aux produits américains. L'ancien président a surnommé cette date le "Liberation Day". "Lui appelle ça "Liberation day" aux États-Unis, moi je considère que c'est un moment où nous devons ensemble décider de prendre mieux notre destin en main et je pense que c'est une marche vers l'indépendance", a déclaré Christine Lagarde sur France Inter, citée par Le Figaro.
D'après la Banque centrale européenne, ces tensions pourraient entraîner une baisse du PIB de la zone euro de 0,3% dès la première année, et jusqu'à 0,5% si une riposte équivalente était engagée par l'UE. "Toute guerre commerciale fait des perdants. Personne ne gagne", a déclaré la présidente de la BCE. Elle estime que les effets de cette confrontation sont déjà perceptibles : "Il en parle depuis un mois, donc les dégâts sont déjà là", a-t-elle souligné sur France Inter.
Canaliser l'épargne vers les besoins européens
Christine Lagarde alerte sur le manque de maîtrise des ressources financières européennes. "Aujourd'hui, les Européens économisent considérablement plus que les Américains. Une épargne qui va pour l'essentiel sur des comptes de dépôt soit à vue, soit à terme", a-t-elle indiqué. Elle ajoute que ces fonds sont "largement placés en bons du Trésor américain", ce qui revient à financer l'économie des États-Unis. Elle appelle à réorienter cette épargne pour soutenir des secteurs prioritaires en Europe, comme la défense, l'énergie et le numérique.
En France, elle pointe un déséquilibre dans la répartition des finances publiques. "56% du PIB" est consacré aux dépenses publiques, un niveau qu'elle juge supérieur à celui d'autres pays européens. Christine Lagarde plaide pour une "reprioritisation des dépenses publiques" afin d'assurer une dette soutenable. "Des dépenses devront être réduites", a-t-elle précisé.
L'Europe appelée à affirmer son autonomie
Face à l'évolution des relations transatlantiques, la présidente de la BCE estime que les États membres doivent faire preuve de cohésion. "Il faut, pour se mettre en position de bonne négociation, montrer qu'on n'est pas prêts à se coucher", a-t-elle affirmé, relayée par France 24. Elle appelle à renforcer l'indépendance économique de l'Europe, en repensant la circulation de l'épargne et en créant des dispositifs de financement orientés vers les besoins internes à l'Union.
Christine Lagarde insiste également sur la nécessité de rester vigilant face aux incertitudes économiques : "Dire que c'est terminé, c'est derrière nous, non, car malheureusement, nous sommes soumis à des tas d'incertitudes", a-t-elle déclaré. Elle souligne que la BCE continue d'enregistrer les données disponibles pour produire une analyse rigoureuse de la situation.