Face aux contraintes budgétaires, l'État prépare des ventes d'actifs
Depuis plusieurs années, l'État a multiplié les prises de participation dans des entreprises jugées essentielles, notamment dans l'énergie, l'aéronautique ou la santé. Désormais, il s'oriente vers une phase de cessions partielles, sans renoncer à sa capacité d'intervention.
Une inflexion dictée par l'équilibre financier des comptes publics
Lors de la présentation du cadre budgétaire 2026, François Bayrou a annoncé que l'État pourrait réduire certaines de ses participations sans perdre son influence. Ce changement s'inscrit dans le fonctionnement du compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État", qui impose de compenser les investissements par des produits de cession. Jusqu'à présent, ce compte affichait un déséquilibre marqué, après plusieurs engagements financiers : l'entrée au capital d'Eutelsat pour plus de 700 millions d'euros, l'acquisition d'une part de la division grand public de Sanofi par Bpifrance, ou encore le rachat d'activités stratégiques d'Atos dans les supercalculateurs.
La Cour des comptes avait, dès l'année précédente, recommandé un rééquilibrage. Dans son rapport, relayé par Les Echos, elle notait que le modèle patrimonial de l'État était resté largement inopérant durant trois exercices, en raison d'un renoncement ou d'une incapacité à céder des titres.
Un portefeuille public dominé par les secteurs régaliens et les entreprises cotées
À la mi-2024, la valeur du portefeuille de l'Agence des participations de l'État était estimée à 179,5 milliards d'euros. Il comprend notamment les participations dans Airbus (10,84%), Safran (11,48%) et Thales (25,7%), trois entreprises concentrant l'essentiel de la valorisation et des dividendes. Ces actifs restent liés à des impératifs de souveraineté industrielle et ne sont pas visés par les annonces actuelles.
Dans le domaine naval, Naval Group est toujours contrôlé à 62,25% par l'État, tandis que Thales en détient 35%. Le cas d'Eutelsat, récemment transféré de Bpifrance à l'APE, illustre également l'importance des sociétés intervenant dans les infrastructures critiques.
En parallèle, la participation publique dans Engie (23,6%) représente aujourd'hui une valeur de 10,7 milliards d'euros, grâce à une hausse de 25% du cours de Bourse depuis janvier 2025. L'État conserve une action spécifique lui garantissant un droit de veto sur les décisions stratégiques en matière d'énergie, conformément au Code de l'énergie.
Du côté d'Orange, la part cumulée de l'APE et de Bpifrance atteint 22,95%. Une première cession de 1,8% avait eu lieu fin 2024 pour un montant de 801 millions d'euros. La trajectoire boursière favorable de l'opérateur (+32% en un an) en fait un actif suivi de près, même si une réduction trop forte de la participation pourrait remettre en cause le poids de l'État au conseil d'administration, où il détient trois sièges sur quinze.
Des arbitrages rendus complexes dans les secteurs dépréciés
Certaines participations présentent un potentiel de cession limité. Dans l'automobile, Renault et Stellantis ont connu de fortes baisses. Bpifrance détient 6,1% de Stellantis, dont la valeur a chuté d'un tiers depuis mars 2024. Quant à Renault, l'État en détient 15%, représentant 22% des droits de vote. Ce titre a subi un repli marqué en Bourse à l'été 2025, compliquant toute opération de désengagement.
À l'inverse, des cessions ont déjà été réalisées sur des actifs moins sensibles. Bpifrance a procédé à environ 1 milliard d'euros de ventes depuis le début de l'année 2025. La banque publique met en avant des rendements internes jugés satisfaisants et rappelle que son portefeuille évolue en permanence, sans lien explicite avec le calendrier budgétaire.
Dans d'autres cas, la cession d'actifs a été dictée par une perte d'adéquation avec le périmètre d'intervention. La Caisse des Dépôts, par exemple, a cédé la majorité du transporteur Transdev au groupe allemand Rethmann, considérant que l'entreprise, majoritairement active à l'international, ne relevait plus de sa mission prioritaire, qui reste concentrée sur les activités économiques en France.