Bruxelles temporise son offensive numérique contre X pour ne pas froisser Washington

Adrien Bar Hiyé

Bruxelles temporise son offensive numérique contre X pour ne pas froisser Washington Alors qu'Apple et Meta ont récemment écopé d'amendes pour infraction aux règles numériques de l'UE, l'examen du cas X semble évoluer à un rythme très différent.

Attendue avant la pause estivale des institutions européennes, la décision de la Commission concernant les infractions présumées de X aux règles du Digital Services Act n'a pas été rendue. L'enquête est suspendue alors que les négociations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis se poursuivent dans un climat tendu.

Une enquête ralentie par les discussions transatlantiques

En 2023, Bruxelles a ouvert une procédure contre la plateforme X, accusée de ne pas respecter les exigences du Digital Services Act, notamment en matière de transparence, d'accès aux données et de présentation trompeuse de certains éléments de l'interface. Cette réglementation européenne impose aux grandes plateformes de contrôler plus strictement leurs contenus et de faciliter l'accès aux informations par les autorités compétentes. Les infractions constatées peuvent entraîner des amendes pouvant aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise.

Selon trois responsables proches du dossier cités par le Financial Times, la Commission européenne devait conclure cette enquête avant sa coupure estivale. Elle aurait finalement décidé de repousser sa décision, en attendant que les discussions commerciales en cours avec Washington aboutissent. Le même média indique que cette suspension s'inscrit dans un contexte de tensions diplomatiques, les mesures envisagées par l'Union pouvant être perçues comme hostiles envers une entreprise américaine, alors que Donald Trump prévoit de porter les tarifs douaniers sur les produits européens à 30% à partir du 1er août.

Interrogée par Reuters, la Commission affirme que "l'application de notre législation est indépendante des négociations en cours". Elle précise que la procédure visant X est toujours en cours, sans donner d'échéance précise pour une décision finale. Le Digital Services Act, à la différence du Digital Markets Act, ne prévoit pas de délai légal strict, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre à l'exécutif européen.

Un traitement différencié dans un climat politique sensible

La situation de X contraste avec celle d'autres entreprises visées récemment par Bruxelles. En avril, Apple et Meta ont été sanctionnés à hauteur de 700 millions d'euros pour des violations du Digital Markets Act. Dans ces dossiers, les délais étaient clairement encadrés par la législation. En l'absence de contrainte temporelle similaire dans le cadre du DSA, la Commission dispose de plus de flexibilité pour rendre ses décisions.

Selon le FT, plusieurs responsables bruxellois estiment que les mesures prises contre X pourraient être interprétées par Washington comme une forme de pression ciblée sur les sociétés technologiques américaines. Donald Trump a d'ailleurs qualifié les amendes européennes d'"extorsion à l'étranger" et assimilé les pénalités infligées aux géants du numérique à une forme de taxation.

X a indiqué qu'elle contestait l'interprétation de la Commission quant au périmètre d'application du DSA et qu'elle considère avoir pris les mesures nécessaires pour s'y conformer. Par ailleurs, l'institution européenne examine également d'autres volets concernant la plateforme, notamment en lien avec la modération de contenus à la suite d'un entretien entre Elon Musk et Alice Weidel, membre de l'Alternative pour l'Allemagne, juste avant les élections nationales. D'autres élus, ainsi que le gouvernement polonais, appellent aussi à l'ouverture d'une procédure sur les dérives du chatbot Grok, accusé d'avoir relayé des propos antisémites.

La députée européenne Anna Cavazzini, membre des Verts, a exprimé son attente d'un traitement rapide du dossier X une fois les négociations commerciales achevées. Elle a estimé que les règles numériques devaient rester hors du champ des compromis tarifaires.