Shishir Mehrotra (Coda) "Coda est utilisé par plusieurs millions d'utilisateurs à travers le monde"

Le CEO de la digital workplace détaille les fonctionnalités de son produit tout-en-un, dont un quart des utilisateurs sont en Europe.

JDN. Quelles sont les principales tendances que vous observez sur le marché de la digital workplace cette année ?

Shishir Mehrotra est cofondateur et CEO de Coda. © Coda

Shishir Mehrotra. La première porte sur les Work OS. La vaste majorité des entreprises réalisait le plus gros de leur travail par le biais de documents et de feuilles de calcul. Le tout via des solutions de productivité qui ont été conçues dans les années 70 et 80. Ces organisations se sont rendues compte, notamment lors de la pandémie de Covid, que ces applications étaient datées et qu'il était temps de collaborer autrement en partant d'un Work OS refondu.

La seconde tendance renvoie évidemment à l'intelligence artificielle. En 2023, nous avons tous été surpris par l'avènement de ChatGPT. On a d'abord cru que cette technologie allait s'appliquer telle quelle en entreprise. Ce qui s'est avéré faux. Les assistants d'IA ne doivent pas seulement savoir ce qui se passe dans le monde, mais être au fait des informations de votre propre organisation. Et ce, sachant que ces données peuvent être structurées et issues de plusieurs systèmes, tout en ayant des autorisations d'accès différentes selon les profils d'utilisateur.

Au sein de Coda, sur quels cas d'usage vous concentrez-vous ?

Les cas d'usage de Coda sont assez variés. C'est un produit tout en un. Coda est utilisé par plusieurs dizaines de milliers d'équipes, ce qui représente plusieurs millions d'utilisateurs. Nous avons classé nos cas d'usage en quelques catégories. D'abord, Coda est utilisé comme un outil de création et de gestion de documents. Dans ce domaine, nous venons concurrencer Google Docs, Word, Dropbox Paper ou Quip. En structurant à la volée l'information à l'écran, Coda peut se transformer par exemple en outil d'aide à la décision, notamment sur le terrain du design review.

Ensuite, Coda est utilisé comme un hub d'équipe par le biais de ce que nous appelons les Pages. Elles permettent par exemple de structurer une feuille de route. Vous avez la possibilité d'embarquer n'importe quel type d'application à l'intérieur. Sur ce créneau, nous sommes en concurrence avec des produits comme Confluence ou Notion.

Le troisième grand cas d'usage de Coda renvoie à ce que nous appelons les trackers. Il s'agit d'un font end orienté gestion d'équipe qui peut se décliner en plusieurs formes : des tableaux visuels de gestion de tâches, des calendriers, des tableaux Kanban, des timelines...

Autre cas d'usage de Coda : la business intelligence actionnable. Elle intervient lorsque Coda est connecté à d'autres outils par le biais de nos Packs. Il en existe aujourd'hui quelques centaines. Par exemple, vous pouvez avoir dans un tableau des données en provenance de Salesforce en mode bi-directionnel, puis ajouter des colonnes et faire des statistiques en les représentant visuellement. Coda se transforme ainsi en outil de reporting comparable à Tableau ou Looker.

Vous évoquez Notion. Quels sont les autres facteurs de différentiation de Coda avec cette application qui semble très proche en termes de fonctionnalités ?

Notion tend à être beaucoup utilisé par des individus ou de petites équipes. Coda cible beaucoup plus le business. C'est notre parti pris. Notre produit est fait pour les entreprises et s'intègre bien avec le reste des applications.

Notre modèle d'information est également très différent. Notion est un wiki. Au fur et à mesure que vous progressez, il devient un repository important et redondant dans lequel toute votre information est enregistrée. Avec Coda, nous sommes orientés documents. Ce qui rend notre plateforme plus simple à appréhender que Notion. Enfin, Coda est perçu globalement comme beaucoup plus performant que Notion. C'est notamment le cas grâce à notre langage de formules, nos intégrations à des applications tierces, mais également à nos automatisations.

Quid de l'IA au sein de la plateforme Coda ?

Coda peut tout à fait être utilisé comme un service d'IA. D'abord par le biais d'un assistant d'écriture que nous avons intégré au document. Ensuite via un assistant de gestion de tâches. Au sein d'un tableau, il permettra d'ajouter des colonnes pour résumer les notes d'un meeting, faire une mise à jour dans Salesforce ou encore dans Slack... Enfin, nous avons bâti un assistant de gestion des connaissances qui fonctionne comme ChatGPT. A la différence de celui-ci, il référence les contenus structurés comme non-structurés de l'entreprise et gère les droits d'accès en fonction des profils. Nous l'avons baptisé Coda Brain. Il a été développé dans le cadre d'un partenariat avec Snowflake qui sert de back end à ce service. Notre feuille de route est en grande partie tourner vers cette nouvelle brique.

Proposez-vous des fonctionnalités de développement sans code ?

C'est un autre grand cas d'usage de Coda. Nous proposons l'ensemble des blocs pour construire une application moderne. Avec cet arsenal, vous pouvez développer ce que vous voulez dans Coda. Vous pourrez créer un outil de questions-réponses pour remplacer Slido, un environnement de gestion de projet à l'image d'Asana, une application de gestion RH sur le modèle de Gladys, mais aussi un outil de tracking de tâches tel que Jira ou encore un applicatif de CRM comme Salesforce.

Combien de clients avez-vous en France et en Europe ?

Actuellement, un quart de nos clients sont basés en Europe.

Proposez-vous un service d'hébergement de votre plateforme en Europe ?

Pour l'instant, le back end de Coda est hébergé aux Etats-Unis. Mais nous pourrions l'envisager si les clients nous en font la demande.

Quels sont vos objectifs financiers ?

Etant une société non cotée, nous ne partageons pas nos résultats. Côté investissement, nous avons levé un quart de milliard de dollars. Notre dernier tour de table a eu lieu en juillet 2021. Cette opération (à hauteur de 100 millions de dollars, ndlr) a été mené par Ontario Teachers', l'un des plus importants fonds basés au Canada. Elle porte notre valorisation à 1,4 milliard de dollars.

Avant de cofonder Coda en juin 2014, Shishir Mehrotra a été chief product officer et chief technology officer de Youtube chez Google. Précédemment, il a travaillé chez Microsoft comme directeur du program management.