Derrière la panne de cloudflare, l'inquiétante concentration des services numériques

RISKINTEL & RISK SUMMIT

La récente panne de cloudflare doit impérativement amener l'Europe à renforcer sa souveraineté numérique face aux géants du cloud américains, dans un contexte géopolitique changeant.

Amazon, Microsoft et Google captent aujourd’hui près de 70 % du marché cloud européen, là où les acteurs européens n’en détiennent que 15%, et que leurs parts de marché baissent depuis 2017. C’est une érosion de la souveraineté numérique européenne qui doit susciter une prise de conscience, et une action politique forte, car les enjeux sont vitaux.

La récente panne de cloudflare a mis hors-ligne des millions de sites internets pendant plusieurs heures. Cloudflare est en effet un acteur majeur du net qui concentre 15 à 20% du trafic mondial en tant que Content Delivery Network (CDN), un type de prestataire numérique qui permet d’accélérer l’accès aux sites grâce à un réseau mondial de serveurs de proximité.

Pour les Français, dont le temps d’écran est en hausse continuelle, quatre heures d’attente ont produit une frustration évidente et visible qui a inondé les réseaux sociaux. Pour de nombreuses entreprises, le manque à gagner est majeur. En octobre, c’était AWS puis Microsoft Azure… autant d'alertes qui montrent notre dépendance numérique croissante à un faible nombre d'acteurs. Or cette concentration et leur extranéité posent un réel problème d’indépendance à l’Europe..

Car l’instrumentalisation de la position de faiblesse européenne dans les bouleversements géopolitiques à venir n’est pas un scénario de fiction. De nombreuses directions numériques de grandes entreprises l’anticipent dans leurs plans de résilience. Le cloud n’a en effet de nuage que le nom : il s’agit bien, aujourd’hui, de la réalité tangible, palpable, du continent.

La sécurité nationale est en jeu

Car, depuis la première élection de Donald Trump en 2016, il n’aura échappé à personne que les Etats-Unis se désengagent, voire s’opposent, au vieux continent, laissé en proie notamment à une Russie expansionniste et belliqueuse. L’augmentation des budgets de défense dans les 27 témoigne de ce revirement géopolitique, et c’est sans compter les récentes exhortations à se préparer à “perdre nos enfants à la guerre”. 

Pire encore, la position du président américain lors de son second mandat est teintée, a minima, d’une forme d’affection pour Vladimir Poutine, qui laisse présager du pire.

Dans un contexte comme celui-ci, où la guerre est devenue hautement dépendante des infrastructures technologiques, l’Europe peut-elle se permettre de se reposer sur celles d’un allié qui n’en est plus vraiment un ? Car ce sont bien les Big Tech américaines qui contrôlent les vannes de ce réseau dont tout dépend aujourd’hui. Ces mêmes entreprises pourraient, en cas de tension, être forcées de les couper sous pression du Gouvernement américain, laissant un continent entier dans le noir.

Il est urgent de reprendre le contrôle

L’Europe doit cesser d’être naïve et de dépendre de fournisseurs étrangers pour ses infrastructures critiques. Quelles sont nos alternatives à l’instant T si demain tous les services numériques américains étaient coupés ? Il n’en existe malheureusement pas. 

Ce scénario de type “Cigne Noir” ne manquait pas il y a quelques années de faire glousser dans l’écosystème numérique. Aujourd’hui, il inquiète, on l’anticipe et on s’y prépare…