Profession, dresseur de bots

Profession, dresseur de bots Pour former leurs agents conversationnels, les entreprises ont besoin de touche-à-tout digitaux, capables de manier les datas comme de comprendre les impératifs de marque.

Quatre fois papa en un an ! Depuis 2017, Thierry Moussu, responsable de la relation digitale de Direct Energie, a donné vie à quatre chatbots, ou robots conversationnels. Une progéniture qu'il a fallu à chaque fois former plusieurs mois avant qu'ils soient capables de répondre aux premières questions de leurs interlocuteurs humains. La méthode d'éducation de ce dresseur de robots ? Le matraquage. "Nous avons passé en revue des milliers de phrases issues d'échanges entre les internautes et notre service client pour alimenter Luis, le programme de compréhension du langage de Microsoft", raconte-t-il. Objectif, lui faire comprendre que dans la requête "Donnez-moi ma facture d'électricité de septembre ?", l'intention principale est "obtenir la facture" et la seule variable présente "septembre".

L'apprentissage ne s'arrête pas une fois l'agent conversationnel mis en service, bien au contraire. "La formation d'un bot est un éternel chantier. Parce que les internautes sont toujours très inventifs dans leurs formulations mais aussi parce que les sujets de discussion évoluent", explique Thierry Moussu. L'arrivée du chèque-énergie début 2018 a par exemple occasionné une session de training spécifique chez Direct Energie. Le dresseur de bots doit aiguiller son protégé au quotidien. "Il doit analyser les conversations captées par le robot et revenir sur toutes celles auxquelles il n'a pas su apporter de réponse satisfaisante", explique Thomas Sabatier, cofondateur de The Chatbot Factory, une start-up qui accompagne des groupes comme Air France et PSA sur le sujet.

"C'est encore une casquette parmi d'autres pour les chefs de projets digitaux ou les responsables du CRM"

Rares sont, à ce jour, les dresseurs de bots étiquetés comme tels. Aucun profil ne ressort par exemple sur le réseau social professionnel LinkedIn. "C'est encore une casquette parmi d'autres pour les chefs de projets digitaux ou les responsables du CRM", confirme Thierry Moussu. Mais la démocratisation de la technologie devrait vite faire naître des vocations. Selon Thomas Sabatier, de nombreuses entreprises qui déléguaient jusque-là leurs projets conversationnels font marche-arrière. "En réinternalisant, elles raccourcissent les délais, ce qui est un vrai avantage dans ces projets où l'on fonctionne par itérations très courtes."

Faute d'une fiche de poste clairement identifiée, le dresseur de bots doit donc être polyvalent. "C'est un chef de projet qui s'y connait en data analytics, avec un intérêt pour tout ce qui touche au CRM", résume Thomas Sabatier. Quelques compétences en UX writing ne sont pas de trop. "Il faut savoir comment s'adresser à son interlocuteur de la manière la plus efficace", justifie Thierry Moussu.

Sans surprise, il est difficile de trouver ce mouton à cinq pattes. "Les entreprises sont obligées de former en interne des collaborateurs qui ont une appétence pour le sujet, sans être forcément spécialistes", constate Thomas Sabatier. Pour ce poste plutôt junior, dont on attend qu'il soit capable d'apprendre vite et de s'adapter aux nouveaux usages, comptez entre 30 000 et 40 000 euros par an.

Un article paru dans Le Figaro Tech

Cet article est originellement paru le 3 décembre dans Le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Le Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.