Quand Amazon livrera sous 15 minutes

En avril, Amazon annonçait investir 800 M$ pour accélérer sa livraison gratuite de 2 à 1 jour et faisait trembler le monde du Retail. En août, Udit Madan, en charge du « dernier Km » au sein de la firme de Seattle, confirme la livraison sous 30 mn – si ce n’est sous 15 mn – d’ici 5 ans. Ayant le coût du capital le plus bas, Amazon est en mesure d’asphyxier tous ses concurrents.

Le succès d’Amazon réside dans sa capacité à faire appel à nos instincts primaires – ce qu’ont oublié des distributeurs comme Casino ou Carrefour. Nous aimons tous consommer, le plus facilement et le plus rapidement possible, sans prendre de risque.

Jeff Bezos a créé une histoire : le magasin le plus grand du monde et mis en œuvre une stratégie : d’énormes investissements dans des bénéfices clients qui résistent au temps – coût plus bas, plus grands choix, livraison plus rapide.

Nous aimons tous jouir au plus vite de nos achats.

Avec le coût du capital le plus bas (la marque au sourire peut emprunter au même taux que la Chine), Amazon peut aller au-delà de nos désirs tout en asphyxiant ses concurrents, qu’ils soient pure players, omnicanal ou commerce connecté.

Investir en logistique pour offrir les retours gratuits, amener la livraison gratuite sous 24h00, en 1 heure puis demain 15 minutes en zone urbaine, c’est faire évoluer les attentes puis les exigences du consommateur envers l’ensemble des acteurs du marché.

La firme de Seattle peut ainsi forcer ses concurrents à plonger en apnée tandis qu’elle a une bouteille d’oxygène sur le dos.

Avec l’aide d’algorithmes de Machine Learning, des robots travaillent en tandem avec des humains (plus pour longtemps) pour une préparation de commande toujours plus rapide. Amazon peut généralement expédier un colis sous 1 heure suite à une commande en ligne bien qu’ayant un stock 3 fois moins important que les autres distributeurs.

En utilisant des modèles prédictifs basés sur une masse très importante de données, la firme peut anticiper d’où viendront les commandes. Elle peut ainsi utiliser sa connaissance intime du consommateur pour gérer ses stocks, positionner les produits au plus proche d’eux et prévoir les flux de livraison. Son modèle économique intégré lui procure un avantage majeur sur ses rivaux, basé sur la donnée. Il lui permet d’avoir une visibilité sur l’intégralité de sa supply chain et ainsi optimiser des millions de micros-décisions.

Arrimer le e-commerce à des magasins physiques dans les grandes villes, là où la densité de population est plus importante, lui permet de faire baisser le coût du dernier kilomètre (aller et retour) car elle sait que le client est canal-agnostique.

Amazon vise également les centres des principales villes car c’est là que réside son cœur de cible : le client « Prime », aisé, dépensant 1 400$ par an chez elle – le double du client « non Prime ». Une cible épargnée par la baisse du pouvoir d’achat du reste de la population dans le monde occidental.

Nous sommes les témoins du Jour du Jugement Dernier pour la Distribution, avec Amazon comme Cavalier de l’Apocalypse.

Comme nous avons vu la population agricole baisser de 50% à 4% de la population active au XXème siècle, nous allons voir une chute similaire pour la distribution en ce début de XXIème. Magasins sans caisses, entrepôts peuplés de robots, c’est 1 million d’emplois qui sont concernés en France.

Alors, est-ce la fin de la distribution ?

Lors du prochain Paris Retail Show, l’omnicanal, le phygital, le Unified Commerce, le Commerce Connecté avec, bien sûr, une bonne dose de cette si mal nommée Intelligence Artificielle, vont être présentés par des vendeurs de solutions comme étant «la » clef magique de la survie pour une distribution devenue zombie, droguée au discount. Or, pour 1 point de croissance en ligne c’est 1 point de sa rentabilité qui disparait.

Arrimer du digital sur des réseaux physiques pour singer Amazon est sans espoir.

La clef de la survie face à la pieuvre de Seattle se trouve dans la valeur apportée à ses clients, dans la capacité à répondre à leurs instincts primaires. Car c’est dans la reconfiguration de la chaîne de valeur du point de vue du client que se trouve la réponse au défi d’Amazon. C’est là que réside l’innovation et non pas dans la technologie, le digital, l’Intelligence Artificielle.

Le commerce moderne tel que créé dans les années 40 est bien mort. Mais des distributeurs comme Sephora, Home Depot, Asos, Best Buy et les marques Direct to Consumer, les Digital Native Vertical Brands (DVNB) telles Bonobos, Warby Parker, Le Slip Français montrent que d’autres types de distribution peuvent se développer, de façon profitable. Encore faut-il oser sauter le pas.