Jean-Baptiste Descroix-Vernier, l'anticonformiste du Web

Jean-Baptiste Descroix-Vernier, l'anticonformiste du Web Le fondateur de Rentabiliweb, qui vit reclus dans une péniche à Amsterdam, intrigue. Ancien séminariste, avocat et franc-maçon, le millionnaire est avant tout philanthrope.

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Jean-Baptiste Descroix-Vernier, fondateur de Rentabiliweb. © S. de P.

Jean-Baptiste Descroix-Vernier est né le 8 septembre 1970 à Lyon, dans une famille modeste. Son père est écrivain et apiculteur, sa mère enseignante. Il grandit dans une HLM de Vénissieux, en banlieue lyonnaise, et poursuit de brillantes études à l'externat Sainte-Marie et au lycée salésien Don Bosco de Lyon. Il décroche son bac à 16 ans et demi. puis entame des études de droit. Pourtant, en parallèle, il s'inscrit aussi comme auditeur libre en théologie à la Catho et envisage, un temps, de devenir prêtre. Ce sera finalement le droit qui prendra le dessus. Après avoir décroché une licence de droit privé puis une maîtrise de droit des affaires à l'université Lyon 3, il obtient un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) de droit des affaires et fiscalité, un diplôme de juriste conseil d'entreprise (DJCE) ainsi qu'un certificat d'aptitude à l'administration d'entreprise (CAAE) à l'Institut de Droit et d'Economie des Affaires et un certificat d'aptitude à la profession d'avocat (Capa). A 21 ans, il devient le plus jeune franc-maçon de France. Il restera membre pendant neuf ans.

Bardé de diplômes

Il intègre le Barreau de Lyon en 1993, pour y exercer le métier d'avocat d'affaires spécialisé dans le redressement d'entreprise. Il fonde son propre cabinet et donne rapidement à ce dernier une dimension internationale. A cette époque, il flambe et, selon certain de ses collègues du Barreau, fait parfois preuve d'arrogance, plus préoccupé par l'argent et les affaires que par la justice. En 1999, il cède son cabinet et abandonne sa carrière juridique. Il devient administrateur du groupe Hélios (devenu Newtech Interactive) et réalise sa fusion avec LC-Développement. Il fonde aussi un magazine mensuel de formation boursière, Bourse Magazine, qui sera cédé à Robert Lafont en 2001.

Il attire le gotha de la finance

Fin 2001, Jean-Baptiste Descroix-Vernier crée Rentabiliweb Group. La société est spécialisée dans la monétisation des audiences sur Internet et lance des services de micro-paiement sous forme de SMS et d'appels surtaxés. Celui que l'on surnomme parfois "JBDV" travaille de concert avec une armée de développeurs basés en Russie qu'il surnomme ses "ninjas". Le groupe deviendra en quelques années l'une des plus grandes réussites du Web français. La société, cotée sur le compartiment B d'Euronext, Paris et Bruxelles, a enregistré un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros en 2012 et emploie 230 collaborateurs. En octobre 2013, Jean-Baptiste Descroix-Vernier redevient l'actionnaire majoritaire de Rentabiliweb, avec 622 000 actions détenues en direct et 8,9 millions d'actions détenues par sa holding, Saint Georges Finance. Anciennement Golden Glaouis Invest -"couilles en or", en argot- la holding a été sagement renommée d'après le nom du Saint Patron des Chevaliers, fin 2007. JBDV détient désormais 53,53% du capital de Rentabiliweb. Il a réussi l'exploit d'attirer, au fil des années, le gratin du CAC 40 dans le capital de la société ou à des postes d'administrateurs : Jean-Marie Messier, tout d'abord, puis Stéphane Courbit, Pierre Bergé, Alain Madelin ... Il a même réussi l'exploit d'y réunir deux ennemis jurés, François-Henri Pinault et Bernard Arnault.

Il lègue sa fortune à une quinzaine d'ONG

Il est surnommé "l'ange de l'eau"

L'entrepreneur est également très connu pour son investissement dans l'humanitaire. Il créé la Fondation Descroix-Vernier en 2007. L'association "a pour but d'œuvrer, au sens le plus large, à l'assistance de tous êtres vivants, individus ou animaux, placés dans une situation d'extrême détresse matérielle, physique ou morale". La fondation s'implique notamment dans le financement de la construction de puits en Afrique aux côtés d'Hydraulique-Sans-Frontières. Ainsi, fin 2014, il explique avoir investi plus d'un million pour la construction de 70 puits en Afrique, qui ont permis de donner accès à l'eau potable à 400 000 africains. Il y est même surnommé "l'ange de l'eau".

La fondation soutient aussi plusieurs programmes de lutte contre la misère ou la maladie en France. Elle s'implique par exemple dans la lutte contre les maladies neurodégénératives, dont la maladie d'Alzheimer, en finançant les travaux de chercheurs. JBDV finance aussi un refuge pour animaux, en France. Il a prévu de léguer l'intégralité de sa fortune à une quinzaine d'ONG.

Quelques couacs dans une communication bien huilée

En 2008, Anne Méaux, la conseillère en communication préférée des patrons du CAC 40, le prend sous son aile. Celui qui s'est présenté, lors de l'entrée en bourse de Rentabiliweb, en 2006, en kilt, bottes et dreadlocks devant ses investisseurs, a depuis gommé quelque peu son image de patron –trop ?- atypique. Le jean a remplacé le kilt, de fines tresses sages, les dreadlocks des débuts. Mais son image de patron modèle, façonnée avec soin, subit quelques accrocs. En 2009, Jean-Baptiste Descroix-Vernier prend la responsabilité d'un coup de promo du site Mailorama.fr, filiale de Rentabiliweb, qui tourne au fiasco : le site annonce une distribution d'argent, au pied de la tour Eiffel, pour le 14 novembre. Elle est annulée au dernier moment en raison de l'affluence de de débordements. Le ministre de l'Intérieur dépose plainte contre le site. Jean-Baptiste Descroix-Vernier se résout à reverser l'intégralité de la somme, 100 000 euros, au Secours Populaire, mais son image d'entrepreneur modèle en ressort écornée. On l'accuse de profiter de la misère sociale en temps de crise. La préfecture de police, qui a décidé d'annuler la distribution, a finalement été condamnée à lui verser des dommages et intérêts, soutient JBDV.

JBDV devient vice-président du Conseil national du numérique le 2 mai 2011. Un mois plus tard, il est pourtant contraint de se mettre en congé après qu'on lui a prêté des propos insultants à l'encontre de Fleur Pellerin, alors conseillère de François Hollande, pendant une conférence de presse -il l'aurait qualifiée de "femme de ménage" du candidat à l'élection présidentielle. Jean-Baptiste Descroix-Vernier dément formellement ces propos : "J'avoue avoir dit que François Hollande est une nullité sur le numérique, mais je n'ai jamais tenu de tels propos sur Fleur Pellerin. J'ai seulement été maladroit." Il rejoindra les rangs du CNNum quelques semaines plus tard, avant d'en claquer la porte le 5 juillet, aux côtés d'autres personnalités du Web, pour protester contre la nomination du nouveau secrétaire général.

Solitaire, il vit dans une péniche à Amsterdam

Il gère Rentabiliweb depuis Amsterdam où il vit retiré sur une péniche, à l'entrée du port industriel, avec ses deux chats et son rottweiler. Tous les jours, il travaille avec ses collaborateurs via Skype. Solitaire, il affiche une volonté d'isolement. Jean-Baptiste Descroix-Vernier est un fervent catholique, peu pratiquant mais passionné de théologie. "Dieu est actionnaire de mon entreprise", se plaît-t-il à déclarer.

Il s'intéresse aussi à la littérature, à l'histoire, la pisciculture et l'agriculture traditionnelle française. Il dit pratiquer le cyclisme et la plongée sous-marine. Parmi ses nombreux amis, le philosophe Bernard-Henri Levy. On prête au duo la campagne Internet de dénigrement contre l'Egyptien Farouk Hosni, pressenti pour prendre la tête de l'Unesco. Une campagne réussie : la diplomate bulgare Irina Bokova est finalement élue directrice générale après une élection surprise.

Jean-Baptiste Descroix-Vernier a été classé 452e fortune de France en 2014 par le magazine Challenges, estimant sa fortune à 95 millions d'euros. Il possède 53,5% de Rentaviliweb. Dans un reportage Complément d'enquête, diffusé sur France 2 le 29 janvier 2015, il explique se verser 3 900 euros net de salaire, soit dix fois moins que certains cadres de son entreprise : "Je n'ai pas besoin de plus, déclare-t-il. Je paye mon loyer, mes fringues, mes clopes."