Tariq Krim, le héraut du Web français
Discret, Tariq Krim a pourtant su se faire une place dans la sphère fermée du Web. Il est l'un des rares entrepreneurs français du secteur à s'être forgé une notoriété outre-Atlantique.
Tariq Krim est né le 25 octobre 1972 à Paris. Son père est professeur d'économie, sa mère professeure d'éducation physique. Tous deux sont Algériens. Il grandit dans le Marais, où il connaît une enfance confortable. Il étudie le piano au conservatoire. A 9 ans, il reçoit son premier ordinateur et se passionne pour l'informatique. A 12, il crée son serveur minitel pour échanger des message avec un copain. Après avoir obtenu son baccalauréat au lycée Charlemagne, il étudie la physique à l'université de Jussieu. Il entre ensuite à l'Ecole nationale supérieure des télécommunications (ENST).
En 1994, il rencontre Jean-François Bizot, le créateur du groupe de presse indépendant Novapress, et critique un papier publié dans Actuel et consacré au Web, "truffé de fautes". Pas rancunier, Jean-François Bizot lui permet d'écrire à plusieurs reprises dans Novamag sur son sujet de prédilection, la cyberculture.
En 1995, diplômé de l'ENST, Tariq Krim décroche un stage à San Francisco, chez Sun Microsystems. Il revient à Paris en 1996, où il se tourne de nouveau vers le journalisme et pige pour le quotidien économique La Tribune. De retour dans la Silicon Valley, en Californie, il leur reste fidèle. Il pigera pour La Tribune jusqu'en 2000.
En 1999, comme de nombreux entrepreneurs passionnés d'Internet, il crée sa première entreprise à San Francisco. MPTrois.com (plus tard rebaptisé GenerationMP3.com) est d'abord un site consacré à la musique en ligne et se transformera en blog très influent spécialisé dans la technologie. Tariq Krim ouvre rapidement une filiale à Paris. Lorsque se déclenche le débat sur le téléchargement illégal, il n'hésite pas à devenir l'un des porte-voix des pro-P2P. A cette occasion, les médias français le découvrent. Il est notamment consultant pour l'Adami, société civile de gestion de droits pour les artistes.
Encensé outre-Atlantique, décoré en France
C'est en 2005 que Tariq Krim imagine le service qui lui vaudra une grande notoriété dans la sphère du web français. Il crée Netvibes en collaboration avec le développeur Florent Frémont. Le service est un portail web personnalisé qui permet à son utilisateur d'agréger des flux d'informations. Après quelques années de travail, et alors que le site rencontre un grand succès, Tariq Krim se retrouve en conflit avec ses investisseurs. Lui souhaite avant tout étendre l'influence de Netvibes, tandis qu'eux veulent monétiser le service. Il quitte la direction en 2008 et, dans la foulée, crée Jolicloud, un système d'exploitation basé sur Linux. Il est soutenu par Niklas Zennström, fondateur de Skype, et Gilles Samoun, créateur de Qualys, qui investissent plus de trois millions d'euros. En 2012, il revend discrètement Netvibes à Dassault Systèmes, pour une somme estimée à 20 millions d'euros.
Passionné par la culture américaine depuis son plus jeune âge, et en particulier par le basket, le hip-hop et le rap, il est aussi expert de la scène électro et apprécie le cinéma indépendant. Discret sur sa vie privée comme sur son parcours professionnel, il a pourtant su s'attirer les éloges de la presse française et internationale. Il est le premier Français à recevoir le prestigieux prix scientifique TR35 dans la catégorie "Internet" de la revue américaine Technology Review publiée par le MIT, récompensant les innovateurs de moins de 35 ans. Tariq Krim est aussi l'une des six personnalités françaises à avoir été désignées par le Forum économique mondial comme "Young Global Leaders" en 2008. En janvier 2011, il est nommé chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand.
Actif dans l'écosystème français du Web
Après s'être vu confier une mission de "cartographie des talents émergents" de la filière numérique par la ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, en décembre 2012, Tariq Krim est nommé vice-président écosystème et innovation du Conseil national du numérique (CNN) pour une durée de trois ans en janvier 2013. En mars 2014, il remet à Fleur Pellerin, alors ministre chargée du numérique, un rapport baptisé "Les développeurs, un atout pour la France", qui met à l'honneur 100 développeurs français. Il égrène des propositions pour mieux valoriser le métier dans l'Hexagone.