Brand content ou Ghost content ?
La stratégie éditoriale d'une marque est révélatrice de son véritable intérêt pour sa cible. L'analyse comparée de sites français et américains pointe spécificités et tendances. In fine, l'ergonome apporte des conseils pour prendre en compte l'expérience utilisateur.
La
communication éditoriale des marques n’est pas un phénomène nouveau mais elle prend
de l’ampleur. Blogueurs, rédacteurs, agences spécialisées participent de plus
en plus à la mise en œuvre de dispositifs éditoriaux. Comment
cette stratégie porte-t-elle la culture de la marque ? En quoi cela
apporte-t-il une expérience intéressante aux utilisateurs ? L’analyse
comparée de sites français et américains montre qu’on ne s’adresse pas de la
même façon aux utilisateurs des deux côtés de l’Atlantique. S’agit-il d’une
spécificité ou d’une tendance ?
S’intéresser à sa cible pour créer une relation de proximité, partager
des valeurs qui rassemblent et fidélisent est plus que nécessaire dans ce monde
en mutation. Trop de marques l’oublient et produisent des messages qui sont
vides ou inaccessibles, des ghost content.
Quand
le parti pris graphique altère le message
L’américain
Better World de Kraft foods offre un accès et une lisibilité optimum à ses
contenus sur la biodiversité, la nutrition, l’environnement. Le site présente la photo
d’un champ en plein écran avec un texte accessible, facile à lire, solidement campé.
En
France, Lu s’exprime sur les mêmes thèmes avec des contenus éditoriaux de
qualité,
mais le design graphique est contre-productif : chargement successif des
contenus qui ralentit le parcours de l’utilisateur, textes
« coincés » dans une fenêtre étroite qui oblige l’usage d’une barre
de défilement, traitement coloré du texte qui altère la lisibilité... À
cela s’ajoute une photo plein écran qui cannibalise
le texte. Quel message induit-elle ? Une parole fragile, aussi éphémère que les
bulles de savon soufflées par une enfant en direction du lecteur.
Vers
une communication responsable ?
Que
faire avec des œufs ? Homemadesimple.com, destinée aux femmes au
foyer propose de les décorer de 17 façons différentes et, parallèlement, prodigue des
conseils pour organiser sa maison, son jardin, sa soirée… Manofthehouse.com présente aux hommes une
solution rapide pour cuire les œufs au micro-onde et fournit d’autres articles
sur l’entraînement au baseball
ou sur la
dernière Jeep Wagonneer. Le marketing
sexué est intéressant à la condition d’éviter les clichés et d’offrir
une valeur ajoutée.
Foodrepublic.com
investit un territoire différent de celui de Manofthehouse. Ce site cosmopolite au
design masculin offre des recettes de cuisine nourries d’anecdotes pour
alimenter la conversation lors du dîner, en plus du
plat à partager. Aux bonnes adresses s’ajoutent des actualités sur les politiques alimentaires
en adéquation avec l’intérêt des consommateurs, pour une
nourriture qui allie plaisir et santé.
En comparaison, le français Marmiton est
gigantesque et unisexe. Centré sur les recettes (55 000), il offre des
fiches synthétiques : trois lignes d’explications, une liste d’ingrédients,
quelques commentaires. Les cuisines du monde sont traitées sans
culture ajoutée.
L’art
culinaire préfigure-t-il l’émergence d’une communication ciblée, mais aussi responsable ? D’une communication engagée sur des valeurs de
société ? Jetez un œil sur www.conflictkitchen.org Qu’en pensez-vous ?
Offrir une expérience au-delà du digital
Sur le site Les Ailes d’Hermès, le contenu s’est envolé. Sur la page « en selle avec Leila » il faut cliquer sur une icône pour afficher quelques phrases qui invitent à télécharger un économiseur d’écran. Et le traitement rapide du morphing des selles est peu soutenable visuellement.Sur Dior Mag, la galerie de photos domine. Le texte est accessible en deuxième partie d’écran. Comment est-il traité ? En deux colonnes compactes sans relais de lecture pour accrocher l’œil. Le message est centré sur la création du bijou présenté.
A l’opposé, Ralph Lauren partage son art de vivre
le luxe, plutôt que de « raconter » ses produits. RL Magazine crée
une proximité avec les valeurs d’excellence de la marque via des articles sur
un acteur, sur du sport, sur des ateliers
culinaires... Il offre à ses lecteurs l’opportunité de partager de bonnes adresses partout dans le monde.
Incontestablement,
les sites américains n’hésitent pas à marquer leur différence. Est-ce une spécificité ?
Oui, et elle pourrait inspirer les sites européens qui s’exportent « tels quels »,
sans souci des usages locaux au motif que tout est mondialisé.
Est-ce une tendance ? Oui. L’agence de style Nelly Rodi invite à un luxe « détendu » qui permet de « s’élever au dessus des banalités et d’affirmer son identité, sa différence ». La chasseuse de tendances Li Edelkoort propose de s’inspirer des cultures régionales pour les années à venir.
Pour créer une relation étroite
avec la marque…
Différences générationnelles, mutations comportementales, évolutions
technologiques... amplifient
le besoin d’intégrer les usages. Pour une communication digitale constructive et fluide, voici quelques
conseils :
Niveau
1 : offrir un contenu facile à trouver et à lire.
Un traitement graphique peut servir ou détruire la lisibilité des contenus, et
au-delà, le message de la marque. Un accompagnement ergonomique du projet en
conception assure une communication optimum sur le fond et la forme.
Niveau
2 : optimiser la relation marque / cible.
Les consommateurs veulent de la qualité et de la valeur. Proposer des contenus
de qualité et de conviction c’est bien, établir une connaissance réciproque, c’est
mieux. Plus cette connaissance réciproque est bonne, plus vous optimisez vos
résultats. Cette démarche ergonomique se réalise en amont de la conception.
Niveau 3 : prolonger la relation par une
expérience au-delà du digital
Une expérience utilisateur positive étroitement liée à votre marque imprime une
trace émotionnelle bien plus grande. A ce niveau, la solution n’est pas
technologique ou liée au marketing mais expérientielle.
Elle porte sur la valeur d’usage. Et les paramètres qui la composent sont
nourris par les sciences humaines et les sciences de l’ergonomie.
Illustrations & légendes
Traitement graphique : Lu et Kraft utilisent le même type de photo plein écran pour illustrer leur implication en développement
durable. Mais Kraft offre un meilleur traitement visuel du contenu.

Abercrombie : traduction en franglais sur le site officiel (à gauche) et incompréhensible (à droite)
Contenu caché : sur la page « en selle avec Leila » il faut cliquer sur l’icône en bas à droite pour afficher quelques phrases qui invitent à télécharger un économiseur d’écran.
Positionnement éditorial : sur Dior Mag, les propos sont centrés sur le produit. A l’opposé, Ralph Lauren véhicule les valeurs de la marque sans parler directement de lui-même.
Nota Bene : Le Master de l’Université Paris Sorbonne forme les étudiants pétris de philosophie à concevoir une stratégie éditoriale, développer une écriture adaptée à la lecture sur écran et gérer une grande masse de contenus. Une ressource utile pour les entreprises.
Lien : http://www.paris-sorbonne.fr/nos-formations/la-formation-initiale/choisir-par-niveau/master-2965/philosophie-et-sociologie-3721/masters-professionnels-4070/analyse-du-social-et-gestion-des/objectifs-de-la-formation-4133/