ReciTAL, la start-up française qui peut concurrencer IBM Watson

ReciTAL, la start-up française qui peut concurrencer IBM Watson Cette jeune société propose des solutions de traitement automatique de mails et d'extraction d'informations. Elle a séduit CNP Assurances et Natixis.

Quand il n'y a plus de mails, il y en a encore. Les boîtes de réception des conseillers bancaires ou en assurance sont inondées chaque jour. A titre d'exemple, Crédit Mutuel Alliance Fédérale (ex-Crédit Mutuel CM11) reçoit 40 millions de mails de clients par an dans sa banque de réseau. Pour aider ses conseillers à traiter plus efficacement les messages entrants, la banque française a choisi de se tourner vers IBM Watson en 2017. L'intelligence artificielle du géant américain a déjà séduit plusieurs acteurs financiers dont Orange Bank.

Le mastodonte US n'a pas le champ libre pour autant, notamment sur le sol français. La start-up tricolore ReciTAL compte bien s'imposer sur le territoire, malgré la concurrence. Fondée en avril 2017 par Gilles Moyse, docteur en IA, et Frédéric Allary, ancien patron des Inrocks, cette start-up propose des solutions de traitement automatique des mails, de recherche et d'extraction d'informations, le tout basé sur l'intelligence artificielle.

"Un conseiller pose une question et l'outil va automatiquement chercher la réponse dans des documents de tous types"

Son premier produit baptisé Quieto traite automatiquement les mails de la réception à l'envoi, en y ajoutant les pièces jointes si nécessaire. Dans le cas de mails internes, l'envoi est automatique, tandis que pour des messages externes, des brouillons sont générés. "En fait, votre boîte Outlook bouge toute seule", résume Gilles Moyse. Contrairement à IBM Watson et d'autres concurrents qui fonctionnent avec un moteur de règles (un humain définit quelles sont les règles), ReciTAL se base sur du machine learning. "Pour faire simple, nous montrons à notre algorithme 200 mails de demandes de justificatifs, 200 mails de demande de rachats, 200 mails d'acte de gestion. Puis, l'outil apprend les caractéristiques de chacun", explique le CEO. "L'avantage de cette méthode est que la solution s'améliore automatiquement au fil du temps", ajoute-t-il. Le produit Quieto est en production chez CNP Assurances pour les branches assurance décès et assurance-vie et chez Natixis dans la gestion de patrimoine. "Cela se passe très bien, ils nous en demandent toujours plus (nouvelles catégories, nouveaux départements…, ndlr)", se réjouit Gilles Moyse.  

Le deuxième produit, Genius, est quant à lui encore au stade de prototype. Il s'agit d'une solution de recherche et d'extraction d'informations dans des documents. "C'est en quelque sorte un moteur de recherche. Un conseiller pose une question et l'outil va automatiquement chercher la réponse dans des documents de tous types (pdf, word, power point…) puis répond à la question. C'est un peu comme les snippets de Google", illustre le dirigeant. Une économie de temps non négligeable quand on sait qu'un document bancaire ou d'assurance peut vite compter une centaine de pages… Pour ce produit, ReciTAL est en production restreinte chez un grand groupe bancaire et en cours d'expérimentation chez différents assureurs.

Pour mettre au point ces solutions, ReciTAL s'est entouré de quatre docteurs en intelligence artificielle et dix data scientists (sur 17 salariés au total). Elle a aussi monté un conseil scientifique composé notamment de Stuart Russel, professeur d'IA à Berkeley, et Antoine Bordes, responsable de l'AI Research Paris Lab de Facebook. Un conseil business comprenant l'ancien DAF de Microsoft a aussi été créé.

Côté business model, ReciTAL a opté pour une licence au forfait, en plus des frais d'installation. Pour les grands groupes bancaires, le pricing mensuel est sur-mesure. D'après Gilles Moyse, on est bien loin des 40 millions d'euros payés par Crédit Mutuel Alliance Fédérale pour IBM Watson sur cinq ans. Le géant américain facture en effet du jour homme, plus coûteux qu'un forfait. En 2018, ReciTAL a enregistré un chiffre d'affaires de 600 000 euros pour 200 000 euros de résultat net. La jeune pousse vise le million d'euros de revenus récurrents en 2019 et deux millions d'euros en comptant les prestations connexes. Pour y parvenir, ReciTAL compte recruter des commerciaux mais aussi des développeurs et intégrateurs.

ReciTAL envisage également de fusionner ses deux produits pour créer "une plateforme unifiée de compréhension du texte", indique le patron. Au-delà du secteur de la banque-assurance, la start-up compte s'attaquer aux PME et ETI. Des marchés qu'IBM ne visent pas car moins rentables que les grands groupes. ReciTAL table sur une mise en production de deux semaines pour une PME (contre un mois pour un grand groupe). 

L'internationalisation n'est en revanche pas prévue dans l'immédiat, tout comme une levée de fonds. "Pour l'instant, on n'est pas très intéressé par une levée de fonds car nous sommes autofinancés (elle bénéficie du Crédit impôt recherche, ndlr). Nous pourrons en envisager une pour le passage à l'international, mais si c'est le cas nous ferons directement une série A", conclut Gilles Moyse.