Qraft veut mettre les algorithmes au service de la finance

Qraft veut mettre les algorithmes au service de la finance Cette jeune pousse sud-coréenne vient de recevoir un investissement de Softbank pour partir à la conquête du marché américain.

Le monde de la finance a été relativement réticent à adopter l'intelligence artificielle. Mais les choses sont en train de changer, comme l'illustre la récente levée de fonds de Qraft Technologies. En janvier, cette jeune pousse sud-coréenne a en effet reçu un investissement de 146 millions de dollars de la part de Softbank.

Le groupe japonais a été séduit par son logiciel qui compile d'immenses quantités de données sur les marchés pour guider l'investissement financier et optimiser la gestion de portefeuille. La start-up gère ainsi 1,7 milliard de dollars d'actifs pour des banques et sociétés d'assurances asiatiques, et via des ETF américains. Pour Softbank, il s'agit à la fois de miser sur la croissance future de la société et d'utiliser ses algorithmes pour optimiser sa propre stratégie d'investissement.

La sagesse des données

Pour Robert Nestor, un ancien de Blackrock et Vanguard recruté par Qraft pour diriger son implantation aux Etats-Unis, si le traitement des masses de données est déjà intégré par le secteur financier, Qraft offre une solution novatrice dans la mesure où celle-ci entend remplacer l'intuition initiale, qui comporte toujours une prise de risque, par l'analyse rationnelle d'immenses quantités de données.

"L'investissement quantitatif, qui existe déjà depuis des années, implique une hypothèse initiale formulée par un investisseur humain, qui cherche ensuite à étayer cette hypothèse grâce à l'analyse de données. De notre côté, il n'y a pas d'hypothèse de départ, l'intelligence artificielle se contente de traiter de grandes quantités de données, à l'aide de techniques d'apprentissage machine et d'apprentissage profond, pour identifier les caractéristiques qui indiquent qu'une action est performante. On raisonne donc à une échelle bien plus vaste", explique-t-il.

Cette technique est utilisée pour l'allocation d'actifs, la sélection de titres et les transactions en bourse. "Dans ce dernier cas, il s'agit d'identifier des micro-points d'inefficacité ou d'inconsistance sur le marché, et de faire remonter cette information aux traders", précise Robert Nestor .

Née en 2016, Qraft réalise actuellement la quasi-totalité de son chiffre d'affaires en Asie du Sud-Est, dont 80% en Asie. L'investissement de Softbank vise à faciliter son implantation aux Etats-Unis, où un premier bureau a été créé.  Robert Nestor y constitue le tout premier employé.

A l'assaut de l'Amérique

Les prochains mois seront donc consacrés à recruter, construire une équipe sur place et entrer en relation avec de nouveaux clients. L'entreprise compte commencer à dégager des revenus aux Etats-Unis fin 2022 et pense employer entre 50 et 100 personnes sur place à un horizon de trois ans. Selon Robert Nestor, l'une des principales difficultés à laquelle Qraft va être confrontée est la densité de la concurrence, plus fournie qu'en Asie du Sud-Est.

"On compte littéralement des milliers de prestataires et de solutions spécialisées dans la gestion de l'investissement. Il peut donc être difficile de parvenir à se différencier et à attirer l'attention des investisseurs." Ce vétéran de l'industrie financière est néanmoins convaincu que l'intelligence artificielle a désormais le vent en poupe dans le secteur, ce qui jouera en faveur de Qraft.

Il pense également, comme beaucoup d'analystes, que la période dorée qu'ont connue les marchés financiers américain touche désormais à sa fin, ce qui, là encore, pourrait jouer en la faveur de solutions comme celle de Qraft. "Sur les dix dernières années, nous avions un bull market aux Etats-Unis : la croissance du marché était telle qu'on était certain de gagner de l'argent en investissant dans le S&P 500, ce qui laissait peu de place pour l'investissement actif. Cependant, la plupart des investisseurs considèrent que les retours ne seront plus aussi hauts dans les années à venir, de sorte qu'on va revenir à des techniques de gestion des risques plus précises, ce qui est exactement ce que nous essayons de faire", résume-t-il.

Course à la technologie (et aux ingénieurs)

Signe qui ne trompe pas : avoir au moins des rudiments de code devient un atout, et sera sans doute bientôt nécessaire, pour travailler à Wall Street, où les banques se livrent une compétition acharnée pour recruter les meilleurs talents issus du monde des nouvelles technologies.

Début 2020, Citigroup recrutait 2 500 ingénieurs intégrés à ses équipes de trading, tandis que JP Morgan Chase et Goldman Sachs dispensent désormais des cours de code obligatoires à leurs traders. Dans sa lettre adressée à ses actionnaires fin 2020, Jamie Dimon, PDG de JP Morgan Chase, présentait l'adoption de technologies comme le cloud et l'intelligence artificielle comme une question de survie. Et fin 2021, suite à sa migration sur le cloud d'Amazon, Capital One lançait le recrutement de 3 000 ingénieurs logiciel, notamment spécialisés dans l'intelligence artificielle.

L'éducation supérieure prend bonne note. En 2020, la très prestigieuse Stern School of Business a pour la première fois créé un cursus autour des nouvelles technologies où, en plus des matières traditionnelles comme la finance et la comptabilité, les élèves apprennent désormais à coder. La revanche des geeks ?