Blockchain : les grands enjeux de l'interopérabilité

Blockchain : les grands enjeux de l'interopérabilité L'hétérogénéité des différentes blockchains a laissé apparaître des failles de sécurité, de scalabilité et de décentralisation auxquelles l'interopérabilité tente de répondre. L'idée d'un Internet des blockchains est devenue une priorité.

Si la blockchain permet de relier des transactions, comment relier les blockchains ? Voici la question à laquelle l'écosystème web3 tente de répondre depuis plusieurs années. La création d'un Internet des blockchains était ainsi au cœur des discussions lors du dernier Paris Blockchain Week Summit.

Le premier enjeu, c'est de désengorger les blockchains existantes, à l'instar de Bitcoin ou Ethereum dites de layer 1. Il s'agit d'infrastructures autonomes, capables de traiter et de stocker des transactions. Cependant, toutes ces blockchains comportent des spécificités, tant au niveau des utilisations qu'elles permettent qu'à leur système de consensus, étape fondamentale de la sécurisation du réseau, ou encore du langage de programmation utilisé. La méthode la plus connue et qui pour beaucoup d'utilisateurs reste la plus sûre est le consensus par proof of work, une validation hardware par laquelle les mineurs vont être rémunérés pour sécuriser l'écosystème. C'est sur ce concept que reposent Bitcoin et Ethereum, lequel est sur le point d'effectuer une mise à jour de son système de consensus pour se diriger vers un proof of stake, et privilégier ainsi une validation software, plus rapide, mais qui pour certains est moins sécurisée.

Et si le réseau Bitcoin fait aujourd'hui figure de valeur refuge de l'économie des cryptos, Ethereum et son EVM (Ethereum virtual machine), est la blockchain de référence sur laquelle se base nombre de protocoles, à l'instar de Solana, Cardano ou Tron. "Aujourd'hui, la plupart des solutions sont fondées sur des EVM, avec un codage en Solidity, sauf qu'Ethereum n'est pas la blockchain la plus performante, ni la moins cher, mais c'est la plus décentralisée", observe Itai Elizur, COO de l'agence marketing MarketAcross. La décentralisation étant au cœur du concept de blockchain, Ethereum a rapidement été victime de son succès, et les transactions de plus en plus nombreuses, ont abouti à des frais de plus en plus élevés. Le gros du défi réside dans la nécessité d'une interopérabilité qui réponde au trilemme de la blockchain, et ses trois conditions sine qua non que sont la sécurité, la scalabilité et la décentralisation.

Pour y répondre, la plateforme a développé en 2020 une solution dite de layer 2 par laquelle la blockchain Ethereum a intégré plus d'une vingtaine de réseaux de seconde couche, comme Uniswap, SushiSwap ou encore Loopring. Ces réseaux agissent comme des side chains d'Ethereum et permettent de bâtir des protocoles par dessus. La plus connue est la solution du projet Polygon et de son token Matic, qui vise à améliorer la scalabilité de la blockchain mère. "L'hétérogénéité des blockchains est toujours perceptible, non seulement au niveau des frais pour passer d'une plateforme à une autre, mais aussi de la sécurité des transactions", constate Ruben Merre, CEO de Ngrave, un portefeuille d'actifs numériques. Les développeurs ont donc à choisir entre faire partie du réseau Ether ou à travailler sur une solution indépendante qui permettrait de mettre la blockchain en relation avec d'autres réseaux.

Les layers 0

En cela, la blockchain Polkadot et son token, le DOT, créés en 2017 par le cofondateur d'Ethereum, Gavin Wood a pour objectif de garantir la stabilité du réseau tout en permettant le développement simplifié de logiciels décentralisés. Il s'agit d'une base commune à l'ensemble des blockchains, elle entend supplanter les bridges existants, lesquels permettent de déplacer des actifs numériques d'une blockchain à une autre.

Le rôle des protocoles layer 0 est également de faciliter le partage de fonctionnalités entre blockchain, comme les méthodes de stockage ou de consensus. "Avec les layers 0, les développeurs n'auront plus à bricoler en piochant telle ou telle fonctionnalité sur telle ou telle blockchain, mais ils ont l'occasion de mettre en place un mode de communication qui va permettre l'interopérabilité des blockchains, même si elles ont toujours besoin de bridges pour échanger entre elles", observe Ruben Merre.

Sécurité et interopérabilité

Améliorer la scalabilité et la décentralisation d'un réseau, tout en garantissant sa sécurité, c'est ce calcul que doivent résoudre les développeurs de l'écosystème crypto. Ces derniers doivent encore se souvenir du dernier hack de la sidechain Ronin, basée sur Ethereum et consacrée au jeu Axie Infinity, qui a été allégée de 550 millions de dollars en mars dernier. En l'occurrence, il s'agit d'un portefeuille qui est également un bridge "mal sécurisé", d'après Ruben Merre, permettant de faire le lien entre les actifs d'une blockchain et un jeu vidéo développé par la technologie EVM. "Ether possède 35 000 validateurs, le bridge de Ronin seulement 9, le problème est là", souligne-t-il.

Les crypo wallets apparaissent ainsi comme un point majeur d'amélioration. "Tous les récents hacks de bridges ont été possibles car la plupart ont été développés en interne, c'est une méthode qui manque de recule et qui finit par laisser apparaître des failles", poursuit Itai Elizur.

L'idée derrière le développement de ces bridges est d'abord d'améliorer la scalabilité, jusqu'ici au détriment de la sécurité ou de la décentralisation. "Le trilemme de la blockchain est sans aucun doute le seul moyen de favoriser l'interopérabilité, et c'est aussi de cela que dépend l'adoption des cryptos monnaies à l'échelle mondiale", conclut Itai Elizur.

Si aucune solution n'est parvenue à s'imposer, c'est bien à cause du trilemme de la blockchain, et c'est là-dessus que vont devoir progresser les acteurs de l'écosystème.