L'IA, encore trop peu exploitée pour la prévention de la fraude aux paiements en temps réel

Le machine learning permet aux banques de prendre de meilleures décisions et de déterminer les situations à risques qui nécessitent une intervention humaine.

L’intelligence artificielle (IA) est un terme à la mode. Pour autant, lorsqu’il s’agit d’innovations concrètes, capables de générer un retour sur investissement rapide, les banques comme les prestataires de traitement ont tout intérêt à intégrer le machine learning à leur stratégie, et ce quelle que soit leur taille. Mais comment les institutions financières peuvent-elles en tirer profit et améliorer la prévention de la fraude, la conformité et l’expérience client ?

La fraude toujours au centre des préoccupations

Avec l’introduction des paiements en temps réel, on constate une augmentation de la fraude dû au faut que, par ce biais, les fraudeurs arrivent à obtenir de l’argent plus rapidement avec moins d’efforts et de risques. Avec d’autres types de paiement la fraude n’est pas aussi « rentable » car les interventions manuelles sont plus nombreuses, et impliquent potentiellement des milliers de transactions, l’utilisation de mules, etc.

L’irrévocabilité est un élément clé des paiements en temps réel. Elle constitue en effet une grande amélioration en termes d’expérience client pour les bénéficiaires, mais elle sert également les intérêts des fraudeurs. Une banque émettrice ne peut pas annuler un paiement une fois qu’il a été envoyé. Mais ne nous méprenons pas : les paiements en temps réel ne sont pas davantage vulnérables et la fraude n’est pas plus difficile à détecter dans ce domaine que sur d’autres canaux.

Le secteur du commerce en ligne nous offre quelques leçons très utiles à ce sujet. Les autorités de réglementation européennes tentent de « régler » le problème de la fraude e-commerce (CNP - Card Not Present) au moyen des demandes d’authentification fortes (SCA - Secure Customer Authentication) pour l’ensemble des emetteurs. Ainsi la fraude CNP est répartie sur le volume de transactions et n’est pas propre à un seul émetteur. Dans ce cas de figure, les fraudeurs ont structuré leurs opérations de manière à obtenir une efficacité maximale. Le danger avec les paiements en temps réel est qu’une banque devienne la cible de fraudeurs pour n’avoir pas suivi le rythme de ses concurrents en matière de prévention. Les fraudeurs travaillent en permanence à élaborer leurs techniques, c’est pourquoi les institutions financières doivent, non seulement, anticiper les tendances en matière de fraude avant de proposer leurs services au marché, mais aussi se montrer plus réactives face à l’évolution des techniques.

Les nouvelles technologies pour moderniser la prévention de la fraude

Nous croyons souvent, à tort, que l’intelligence artificielle sera une solution miracle qui permettra de « détecter davantage de cas de fraude ». Le défi n’est pas tant de détecter davantage de fraude, que de développer des mesures opérationnelles efficaces. Les stratégies de prévention existantes génèrent notamment trop de faux positifs entraînant des recherches manuelles coûteuses.

En déployant des solutions de machine learning dans le cadre de la prévention de la fraude, il est possible d’aider les banques à réduire leur taux de faux positifs, améliorant ainsi l’efficacité opérationnelle et la satisfaction client. Cela permet également d’accélérer la prise de décision, ce qui est essentiel pour les paiements en temps réel. En effet, dans le cas d’un véritable paiement en temps réel, la banque émettrice ne peut pas retarder le paiement. Elle doit donc être certaine de pouvoir analyser l’ensemble des sources de données pertinentes pour générer un score en quelques centaines de millisecondes.

Grâce au machine learning, les banques peuvent corréler beaucoup plus de données dans un délai plus court. Pour les paiements qui ne nécessitent pas une réponse en temps réel, le machine learning permet également d’être plus pertinent dans le traitement des alertes et pour les mesures prises en matière de prévention de la fraude et de la criminalité financière. Les mesures peuvent consister à transmettre une transaction à un analyste des risques pour confirmation auprès du client, ou à signaler des transactions contraires à la politique de lutte contre le blanchiment d’argent.

Le machine learning, solution contre le blanchiment d’argent ?

Les banques s’efforcent de rendre compte de leurs activités conformément aux demandes des autorités de réglementation. Toutefois, elles ne souhaitent pas signaler à tort leurs clients en cas de faux positif. Cela causerait une dégradation du service client et desservirait l’autorité de réglementation. Le machine learning leur permet de prendre des meilleures décisions et de déterminer les situations qui nécessitent une intervention humaine. En réduisant le nombre de faux positifs, le personnel en charge de la conformité peut être affecté uniquement aux alertes pertinentes, permettant ainsi de déployer leurs efforts de manière plus efficace.

À mesure que les transactions transfrontalières s’accélèrent et que les formats de messagerie évoluent pour contenir davantage de données (notamment avec le format ISO20022), il est essentiel que les banques réfléchissent à la manière dont elles vont traiter ces données au regard des accords de niveau de service (Service Level Agreements – SLA) et aux exigences de conformité. 

Les amendes et les répercussions commerciales en cas de manquement à la politique de lutte contre le blanchiment d’argent sont considérables. Les manquements avérés à cette politique peuvent se traduire, pour les banques, par de graves pertes de valeur de leurs titres. Néanmoins, il est important de se rappeler que les banques ne sont pas tenues de « diminuer la criminalité financière », mais uniquement de se conformer à la réglementation qui concerne principalement la traçabilité des paiements.