L'IA dans les RH : entre mythe et réalité

De quoi parle-t-on lorsque l'on parle d'IA ? Quels sont ses bénéfices pour les collaborateurs, les responsables RH et l'entreprise ? Comment appréhender les enjeux humains et sécuritaires soulevés par l'usage des algorithmes ? Le point.

 L’Iintelligence artificielle est une innovation technologique dont on parle depuis des années. Preuve de l’intérêt qu’elle suscite, la présidente de l’UE, Ursula Van der Leyen, a rappelé lors d’un discours en octobre dernier, que l’IA figurait parmi les trois priorités de leur stratégie pour une économie digitale et résiliente.

Si elle a fait son entrée dans notre vie quotidienne et si son application est claire dans certains secteurs, elle est plus complexe dans les RH. En effet, de quoi parle-t-on lorsque l’on parle d’IA ? Quels sont ses bénéfices pour les collaborateurs, les responsables RH et l’entreprise ? Comment appréhender les enjeux humains et sécuritaires soulevés par l’usage des algorithmes ? Retour sur une technologie qui change l’expérience collaborateur et le visage des RH.

L’IA, au-delà du buzzword

L’IA est le nouveau buzzword utilisé par les entreprises pour démontrer leur force innovatrice. Néanmoins, et très souvent, il existe une confusion entre IA, machine learning ou encore deep learning. Conceptuellement, l’IA est une boîte à outils, un ensemble de systèmes qui vont simuler l’intelligence humaine — raisonnement, apprentissage, etc. Alliant la puissance de calcul et les volumes de données disponibles, ces systèmes apprennent rapidement et peuvent par exemple, reconnaître un objet, détecter un schéma répétitif, exploiter ce qu’ils ont appris pour résoudre un problème ou encore prendre des décisions.

S’il est commun d’allier l’IA au big data, il est important d’apporter de la nuance. En effet, les entreprises peuvent utiliser des outils d’IA sans big data. C’est le cas notamment dans le secteur des RH, fonction support et transverse, et dans lequel des éditeurs s’occupent de l’apprentissage de modèles afin de proposer des solutions clés en main aux organisations n’ayant pas forcément le big data nécessaire.

Une fois cette clarification faite, il est important d’expliquer que l’IA reste un outils et qu’il ne faut pas la voir autrement. Car si elle apporte de la valeur, elle n’est pas parfaite.

L’IA, le nouveau RH ?

L’IA a longtemps été fantasmée dans les RH. En effet ses détracteurs l’accusaient de vouloir remplacer l’humain. De déshumaniser certaines entreprises. La réalité est loin de ces chimères. Aujourd’hui, l’IA apporte toute sa quintessence pour favoriser la digitalisation de la fonction RH et autonomiser les collaborateurs dans la gestion de leurs carrières.

Pour les responsables RH, les outils d’IA interviennent dans de nombreux processus notamment en facilitant le sourcing, le recrutement (collecte et analyse des CV) ou encore la gestion de la mobilité. L’IA automatise les processus à faible valeur ajoutée et leur permet de gagner en productivité et efficacité, afin qu’ils puissent participer à la stratégie de l’entreprise et conduire la transformation des compétences. En effet, grâce à cette technologie, les entreprises vont être capables de traiter les données plus facilement, simplifiant ainsi l’accès à l’information et les processus internes.

L’IA va également permettre aux collaborateurs d’être plus autonomes. Il s’agit ici de leur donner des outils afin de les encourager à se projeter, se développer et être acteur de leurs trajectoires de carrières. En effet, en pleine guerre des talents, il est important qu’ils puissent avoir une visibilité sur les opportunités potentielles d’évolution dans leurs entreprises.

Enfin, autre avantage porté par l’IA et qui bénéficie aussi bien aux RH qu’aux salariés, c’est la notion de skills economy. Désormais, les systèmes d’IA sont capables de comprendre et de détecter les compétences des employés dans leur multitude, au-delà des référentiels spécifiques des entreprises. Ainsi si un poste intéresse un collaborateur, le système pourra lui indiquer quelles compétences il devra développer ou les formations à suivre. De plus, avec l’IA, tout ne se fait uniquement en ligne. Elle peut en effet recommander, selon les ambitions professionnelles, de contacter, échanger ou rencontrer des personnes qui ont eu des trajectoires professionnelles similaires. Lors de ces échanges, le collaborateur pourra mieux comprendre les compétences identifiées par l’IA, mais également en tirer des informations plus intangibles.

L’IA, une technologie à contrôler

Comme toute innovation, il est nécessaire d’encadrer son utilisation, afin surtout de dissiper toute la défiance qui l’entoure. Si elle séduit par tous les avantages indiqués ci-dessus, l’IA inquiète quand elle est utilisée à des fins de contrôle, d’évaluation ou encore sur le plan éthique. Si l’on doit être conscient de son potentiel, elle interroge selon son domaine d’application, notamment sur son caractère éthique et légal. Qu’il s’agisse de biais algorithmiques ou encore de l’utilisation des données personnelles, il est nécessaire de trouver un équilibre entre croissance et protection.

Au niveau européen, l’UE fait, depuis plusieurs années, des recommandations sur l’IA et depuis 2019, a développé les principes d’une IA éthique. L’objectif ? Poser des limites en termes d’usages en instaurant une régulation européenne. En France, la CNIL a publié en 2017 un rapport sur l’IA afin de "permettre à l’Homme de garder la main" et a relevé 5 problématiques éthiques posées par cette technologie, à savoir : le risque de dilution de responsabilité, les biais discriminatoires, la fragmentation algorithmique, l’exploitation des données et enfin, le respect de la liberté, l’identité et la responsabilité humaine.

Si l’IA est, pour certaines entreprises, synonyme d’avantage concurrentiel, tout est une question d’équilibre. Il est nécessaire de comprendre que l’objectif de cette technologie n’est pas d’avoir un système obscur qui enlève l’humain de l’équation ou d’imposer à un individu un poste sans connaître ses préférences, au contraire ! L’IA est d’abord là pour faire de l’optimisation et ne peut pas décider à la place de l’Homme. Il est certes primordial, de mettre en place des pratiques éthiques, mais surtout de faire preuve de pédagogie et de transparence afin d’expliquer aux équipes quels en sont les bénéfices.