L'heure est à la décentralisation de l'énergie. Êtes-vous prêts ?

L'arrivée des énergies renouvelables fait basculer le secteur de l'énergie dans une logique de décentralisation, la production pouvant se faire à partir d'actifs locaux : éoliennes, panneaux solaires, géothermie… En France, cette dynamique est encadrée par une ordonnance de 2016, entrée en vigueur en 2017.

Cette nouvelle ère met en avant la liberté de choix des sources et une plus grande maîtrise de l’énergie consommée. Qu’il soit particulier, entreprise ou collectivité, le client final peut, de manière autonome, choisir de produire de l’énergie. Mais il a aussi un droit de regard sur le type d’énergie dans lequel investir, choisir de la revendre ou non et fixer les conditions de sa consommation. Cependant, pour accompagner cette évolution, il faut pouvoir disposer de réseaux énergétiques qui fonctionnent, y compris à l’échelle locale, et anticiper les problèmes via la maintenance prédictive. Ceci reste un enjeu car la pandémie a perturbé les calendriers de maintenance notamment au niveau du nucléaire hexagonal et cela va même compliquer la fourniture d’électricité française pour cet hiver.

Cette démocratisation énergétique est bienvenue : le « local » est une échelle d’action pertinente quand on sait que les villes consomment deux tiers de l’énergie dans le monde et qu’elles sont responsables de plus de 70 % des émissions de CO2 mondiales.

Or, actuellement, un tiers des entreprises énergétiques mondiales* estime que l’intégration des énergies renouvelables aux réseaux énergétiques existants est un défi et ne va donc pas de soi. Quels sont les enjeux qui se cachent derrière cette transition importante ?

Entreprises et industriels : le recours à l’énergie décentralisée est bien plus qu’un enjeu énergétique

La planète n’est pas la seule bénéficiaire de l’énergie décentralisée. Les entreprises peuvent aussi y gagner et ce à de multiples égards. Le fait de produire sa propre électricité permet de mieux gérer sa propre consommation et incite aux économies d’énergies, ce qui, in fine, se répercute sur les factures. Mais ce n’est pas tout. Chaque entreprise ou industriel peut aussi revendre de l’énergie qu’il aura lui-même générée, constituant ainsi une source additionnelle de revenus.

Le second bénéfice de l’énergie décentralisée concerne la réputation. Le fait d’être en mesure de communiquer aux clients et partenaires de l’entreprise que l’énergie utilisée et produite est verte, assoit aussi la crédibilité d’une organisation en matière de RSE, si une politique a été développée en la matière. Un petit plus non négligeable dans le contexte actuel.

Du central au local : réorganiser les réseaux énergétiques

Le besoin de passer aux énergies renouvelables est pressant vu l’aggravation du dérèglement climatique. A ce titre, l’énergie décentralisée apporte de vraies réponses bien que la transition ne soit pas chose aisée. Certes, cette évolution a un coût et, historiquement en matière d’énergie, les coûts de maintenance ont été considérés comme prohibitifs. Mais il faut bien noter que l’inaction a elle aussi un coût.

À cet égard, moderniser les réseaux existants et les repenser permet de les adapter au déploiement de l’énergie décentralisée. Typiquement, l’énergie centralisée qui prévalait jusqu’alors concernait de grandes unités de productions d’énergie (centrale thermique, nucléaire etc.) donc la production était injectée dans de grands réseaux centralisés et de haute tension. Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers de petits réseaux, locaux, organisés en circuits courts de plus faible tension. Nous sommes encore à la croisée des chemins et il faut encore évangéliser le marché pour que tous les acteurs prennent part au changement.

C’est d’autant plus un défi que se pose la question de la responsabilité : qui est responsable des actifs décentralisés et des réseaux ? Le producteur local, les énergéticiens ? Le consommateur ou le producteur ? Il serait particulièrement dommage que ces doutes d’ordre juridique ne viennent freiner le déploiement de l’énergie décentralisée. La transition doit se faire dans de bonnes conditions si l’on veut qu’elle fasse ses preuves. Un discrédit concernant ce type d’énergie serait très problématique politiquement.

Penser la complexité énergétique au niveau de l’entreprise grâce aux nouvelles technologies

C’est là que les nouvelles technologies interviennent au niveau micro-économique : c’est-à-dire à l’échelle des entreprises. Pour penser, de manière intelligente, un système où le consommateur d’énergie en est en même temps le producteur.

Certaines entreprises continuent de gérer leurs actifs de manière traditionnelle, c’est-à-dire selon un mode réactif et non proactif. C’est un tort car cela implique que la structure attend d’être confrontée à un problème ou une rupture de service pour prendre une décision de réparation.

Les technologies de maintenance prédictives permettent précisément, grâce au recours à l’intelligence artificielle et au big data, d’évacuer cet écueil et de faire en sorte que les problèmes soient traités avant que cela ne mette en péril l’organisation. Non seulement c’est utile pour garantir la qualité du réseau, veiller à la performance et à toutes les étapes du cycle de vie de leur système de production, mais encore cela permet d’éviter les risques de l’exploitation de l’énergie.

Concrètement, les nouvelles technologies permettent la récolte des données, leur partage fluide et leur analyse en temps réel. L’idée est de pouvoir connaître le retour sur investissement de chaque actif de production d’énergie : que ce soit une éolienne ou un panneau solaire par exemple. Des logiciels de gestion de type ERP viennent épauler les entreprises, qu’elles livrent de l’électricité ou un industriel qui a choisi de produire sa propre énergie.

Ces technologies vont se révéler d’autant plus précieuses quand on sait que la main d’œuvre qualifiée du secteur est majoritairement vieillissante et va bientôt quitter le marché du travail. A cet égard, si auparavant les savoir-faire étaient ancrés dans les esprits, les nouvelles technologies vont se montrer décisives pour soutenir les humains dans leur effort d’utilisation et d’analyse des données énergétiques. Pour cela, le challenge est d’intégrer de manière fluide les nouveaux outils logiciels intelligents avec les systèmes IT existants au sein des entreprises.

Le virage de la décentralisation et d’une gestion moderne des réseaux ne saurait être manqué. A l’heure actuelle, seuls 46% des énergéticiens mondiaux* ont mis en place ces outils de maintenance prédictive avec analyse du risque. De ce fait, si le marché a pris conscience que la gestion prédictive va jouer un rôle capital, un important travail de mise en pratique doit encore être mené. L’enjeu n’est rien de moins que de traduire les ambitions de développement durable dans des faits tangibles avec un impact de grande ampleur sur nos sociétés et notre environnement.

*Étude IFS conduite en 2021 avec l’organisme Zpryme sur 100 entreprises énergétiques mondiales.