Avant que votre entreprise ne commence à utiliser l'IA générative, lisez ceci
Si l'on se souvient de 2023 comme de l'année où l'IA s'est généralisée sur le marché grand public, il y a fort à parier que 2024 sera l'année où les entreprises suivront en masse. Mais les dirigeants qui n'aspirent pas simplement à suivre, mais à véritablement mener cette révolution qui s'annonce, doivent garder certains principes à l'esprit.
Les entreprises doivent être des créatrices de valeur en matière d’IA et non de simples consommatrices d’IA.
Il existe trois modes distincts de consommation de l'IA générative : le premier consiste à acheter un logiciel intégrant l'IA générative, le deuxième, à interroger des modèles tiers par le biais d'appels d'API et le troisième, à créer (puis à interroger) ses propres modèles de fondation en s’appuyant sur des données publiques et privées.
Aujourd'hui, la plupart des entreprises se concentrent sur les deux premiers modes d'adoption, car ils représentent le moyen le plus simple d’expérimenter et découvrir des cas d'usage intéressants. Mais si le grand public peut se contenter de surfer sur la vague en tant qu'utilisateurs de l'IA sans avoir à se préoccuper de son fonctionnement interne, les entreprises à la pointe n'ont tout simplement pas ce luxe. Elles ont des informations exclusives et parfois sensibles, des droits de propriété intellectuelle et des secrets commerciaux à protéger, ainsi que des exigences éthiques, juridiques et de réputation à respecter. C'est d'ailleurs avec la volonté de répondre à ces exigences que la France a initié, dans le contexte du plan France 2030*, une stratégie nationale dédiée à l’intelligence artificielle avec l’objectif principal d’établir notre pays comme leader dans le domaine de l’IA. L'ambition de cette stratégie nationale est de garantir et renforcer la souveraineté de la France dans les domaines économique, technologique et politique, tout en exploitant l'intelligence artificielle pour stimuler l'économie et servir la société.
Pour bénéficier au maximum des avantages de l’IA, chaque entreprise devrait saisir l’opportunité de devenir créatrice de la valeur qu’apporte les modèles de fondation plutôt que d’externaliser sa stratégie, ses données et surtout son savoir-faire à un tiers. Les modèles de fondations sont, par nature, une nouvelle façon de représenter et visualiser les données et historiquement, chaque nouveau mode de représentation s’est accompagné de progrès fantastique pour la science, la technologie et la création de pan entier de nouvelles entreprises. Il y a fort à parier qu’il va en être de même pour les modèles de fondation. De plus, nous avons la chance en France d’avoir un écosystème d’excellence en matière d’intelligence artificielle, qui a par ailleurs développé des modèles de fondations reconnus au niveau mondial. La question que l’on peut se poser immédiatement est comment intégrer et déployer cette excellence française à l’échelle de l’entreprise grâce à des plateformes qui permettent d’intégrer une variété de modèles d’IA générative, notamment open source.
Les entreprises doivent examiner attentivement l'avantage concurrentiel qu'elles pourraient concéder en acceptant que leurs données, ainsi que la valeur des informations qu’elles contiennent, soient encodées dans un modèle de fondation qui n'est pas le leur ou qu’elles ne contrôlent pas. Une entreprise capable de maîtriser ses modèles d'IA (et n'oubliez pas qu’il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous énormes) est une entreprise qui contrôle son propre destin. Non seulement elle peut entraîner, affiner en fonction de ses besoins particuliers et gouverner sa propre IA pour tirer le meilleur parti de ces technologies en constante évolution, mais en tant que créatrice de valeur, elle reste véritablement propriétaire de la protection, de la gouvernance, de l'innovation et de la monétisation de ce qui deviendra l'un de ses actifs les plus précieux : les modèles de fondations de l'entreprise qui contiennent ses données de grande valeur.
La tâche consistant à créer un modèle de fondation adapté à une entreprise ou à déployer plusieurs modèles dans l’environnement qui lui semble le plus approprié peut sembler ardue, mais ce n'est pas le cas.
Les dirigeants doivent miser sur la communauté.
Il est d'ores et déjà évident que, quelle que soit l'évolution de l'IA dans les années à venir, il n'y aura pas un modèle fermé unique. Cette révolution sera alimentée par l'énergie et l'ingéniosité de l'ensemble de la communauté de l'IA - une communauté résolument ouverte. En associant un mélange des meilleurs modèles open-source, des modèles privés et surtout de leurs propres modèles, les entreprises pourront tirer le meilleur parti de cette communauté et la faire grandir.
Prenons l'exemple des sciences du climat et de la terre. Ce domaine important tant pour les entreprises, les gouvernements que pour les scientifiques du monde entier présente encore de nombreux goulots d'étranglement tels que l'accès aux informations les plus récentes ou la capacité d'analyser ces données rapidement et efficacement en raison de leur taille. La NASA estime que 250 000 téraoctets de nouvelles données seront mis en ligne d'ici à 2024. Comment remédier à cette situation ?
Dans ce domaine, il convient d'ouvrir les modèles de fondation d'IA géospatiale développés à partir de données satellitaires. En mettant ces modèles directement entre les mains de la communauté des scientifiques, nous pouvons utiliser le pouvoir transformationnel de la collaboration pour améliorer la façon dont nous protégeons notre planète et ses ressources. Un autre exemple est le projet BLOOM, ou BigScience Large Open-science Open-access Multilingual Language Model. Des scientifiques du monde entier se sont investis dans cette initiative, aux côtés d'institutions telles que le CNRS ou le GENCI, pour créer un modèle d’intelligence artificielle multilingue open source à usage général, doté de 176 milliards de paramètres. La phase d'entraînement s'est déroulée sur une période de 117 jours sur le supercalculateur Jean Zay, situé à Saclay. BLOOM peut générer du texte en 46 langues naturelles et 13 langages de programmation. Certaines startups françaises se sont également lancées dans le développement de modèles d’IA générative en open source, disponibles gratuitement et sans restriction pour tous les développeurs. Les entreprises peuvent capitaliser sur des modèles alternatifs et les déployer au sein de leurs organisations si elles sont équipées d’une plateforme Cloud hybride ouverte.
Les entreprises doivent s'assurer que leur IA peut fonctionner partout et de manière efficace.
Au-delà de l’IA, il y a le Cloud. Il n’est pas rare d’entendre les dirigeants d’entreprise évoquer le manque de visibilité sur les coûts, la rigidité des outils de gestion ainsi que le verrouillage par les fournisseurs de Clouds. En s'appuyant sur des technologies de Cloud hybride ouvertes, les entreprises peuvent optimiser les coûts, les performances et les temps de latence. Les organisations doivent gérer plus facilement leurs données les plus précieuses, entraîner, optimiser et déployer des modèles d'IA de manière transparente tout à la fois sur les Cloud publics et privés et dans leurs propres locaux. L'avenir de ces technologies repose sur des options agiles, rentables financièrement et frugales énergétiquement pour les entreprises de toutes tailles - et les organisations qui réussiront seront celles qui se préparent dès aujourd’hui à prospérer dans n'importe quel environnement.
Même si les dirigeants agissent dans l'urgence, ils doivent également agir de manière responsable.
Il ne fait aucun doute que nous sommes arrivés à un point d'inflexion pour l'IA - et l'instinct des dirigeants qui les pousse à agir avec audace est un bon réflexe. Personne ne veut être laissé pour compte face à l’avancée de ces technologies et, franchement, personne ne peut se permettre de laisser passer ce moment et cette opportunité.
Mais aux yeux des clients, des investisseurs, des employés et des pairs de chaque entreprise, une licence est nécessaire pour exploiter cette nouvelle technologie passionnante : cette licence, c'est la confiance. Si chacun d'entre nous n'intègre pas une gouvernance responsable au cœur de son utilisation de l'IA, les risques inédits qu'elle présente finiront par surpasser ses avantages extraordinaires.
Cette période, plus encore que précédemment, nécessite un leadership basé sur la confiance de la part du secteur privé - et s'il est mis en œuvre, il ne pourra qu'être bénéfique aux entreprises. Une bonne IA est une IA gouvernée, et pour ceux qui souhaitent prendre les devants, appliquer ce principe dans tout ce qu'ils font contribuera grandement à consolider leur position en tête du peloton.
https://www.entreprises.gouv.fr/fr/numerique/enjeux/la-strategie-nationale-pour-l-ia