Richard Socher (You.com) "You.com se révèle parfois deux fois plus précis que ChatGPT"
You.com vise à améliorer la productivité des entreprises grâce à son moteur de recherche enrichi d'agents IA. Entretien avec son fondateur et CEO, chercheur en IA et ancien Chief Scientist de Salesforce.
JDN. You.com a développé un moteur de recherche basé sur l'IA, en mettant en avant la précision et l'identification des sources utilisées. Comment vous différenciez-vous de vos concurrents ?
Richard Socher. Nous avons commencé à travailler sur You.com bien avant la sortie de ChatGPT, en comprenant très vite que les modèles de langage avaient le potentiel de transformer la recherche en ligne. Notre moteur de productivité permet d'économiser l'équivalent de dizaines de recherches sur le Web. You.com effectue ces recherches pour vous, les résume avec précision tout en citant les sources utilisées. Grâce à l'intégration de citations, nous voulons que nos utilisateurs puissent vérifier l'exactitude des informations en se rendant sur les sites si nécessaire. C'est une vraie différence avec certains de nos concurrents, qui se contentent parfois d'ajouter des liens aléatoires derrière des phrases sans rapport avec le contenu. Depuis son lancement, You.com a traité un milliard de requêtes. Nous avons publié sur notre blog une série de tests comparant nos résultats à ceux de ChatGPT et Perplexity. Selon les critères, You.com se révèle parfois deux fois plus précis que ChatGPT.
Votre objectif n'est donc pas de remplacer Google, mais plutôt de positionner You.com comme une solution pour les entreprises ?
Il s'agit ici d'une nouvelle catégorie : celle des moteurs de productivité, qui permettent non seulement d'obtenir des résultats précis, mais aussi d'automatiser des workflows entiers grâce à des agents IA. Nous proposons également un certain nombre de widgets, tels que la météo, les cours de bourse et bien d'autres. Il est donc tout à fait possible d'utiliser You.com en remplacement de Google. Cependant, pour des recherches simples, comme aller sur Netflix ou demander l'âge d'une célébrité, ce n'est pas là que You.com apportera le plus de valeur.
Un mot sur la technologie : comment garantissez-vous la fiabilité des résultats ?
Nous avons développé des dizaines de modules différents pour fournir des réponses précises, complètes et actualisées. Il a d'abord fallu repenser le système de recherche pour l'adapter aux LLM, afin de collecter les informations les plus pertinentes. Grâce à notre index web spécialement conçu pour ces modèles, nous sommes en mesure de collecter, en temps réel, des données actualisées avec une précision et une profondeur inégalées.
Concrètement, lorsqu'un humain fait des recherches sur Google, il obtient dix liens avec quelques lignes pour évaluer l'intérêt du site. Dans notre cas, nous fournissons au modèle des extraits plus longs pour chaque site, ce qui lui permet de mieux trier les informations. Outre la recherche, nous avons développé d'autres modules, notamment en lien avec la conversation. Par exemple, si vous posez une question liée à un résultat obtenu dix questions plus tôt, notre modèle comprend le contexte et ne répond pas à côté.
You.com permet aussi de sélectionner ou de créer des agents afin d'automatiser certaines tâches. Comment les entreprises utilisent-elles concrètement ces agents ?
Les utilisateurs peuvent sélectionner différents agents, que nous appelions " modes " autrefois. Baptisés Smart, Genius, Research, Creative, et Custom, ils sont chacun optimisés pour accomplir différentes tâches, telles que coder, rechercher, rédiger ou réfléchir. Notre technologie oriente automatiquement les utilisateurs vers les agents IA appropriés selon leur prompt. Nous permettons également à nos entreprises clientes de créer leurs propres agents IA à partir du LLM de leur choix, y compris GPT-4 ou Claude Sonnet 3.5. Ils peuvent les personnaliser selon leurs besoins, par exemple pour créer du contenu, générer du code ou obtenir des insights. Ces agents peuvent également se connecter aux bases de données, comme Amazon S3, ElasticSearch ou Databricks. Via un RAG privé, ces agents peuvent analyser des données sur l'ensemble des fichiers, y compris PDF et CSV, tout en bénéficiant d'un accès web direct.
Pourquoi ne pas avoir développé votre propre LLM ? Comment avez-vous obtenu le nom de domaine You.com ?
Chaque jour, un LLM est jugé meilleur que le précédent, que ce soit ChatGPT, Anthropic, Gemini, etc. C'est pourquoi notre technologie repose sur l'agrégation et l'orchestration de tous ces modèles. Nous combinons nos propres capacités d'IA et sélectionnons dynamiquement le modèle le plus adapté à chaque requête. Nos clients ont ainsi la garantie d'utiliser les modèles les plus performants du moment. Concernant le nom de domaine, il m'a été donné par Marc Benioff, PDG de Salesforce, qui le possédait depuis de nombreuses années. Marc a participé à notre premier tour de table.
Quel est le profil de vos utilisateurs ?
Nous comptons des millions d'utilisateurs individuels, mais aussi de nombreuses entreprises. Parmi nos clients, on trouve des entreprises du Fortune 500, telles que IBM, Salesforce, ou encore Accenture, ainsi que des entreprises technologiques comme Hugging Face ou Mimecast. Certaines entreprises effectuent des millions de requêtes par jour via nos API. Nous avons aussi des universités, où chercheurs et étudiants ont besoin à la fois de précision et de pouvoir citer leurs sources. Enfin, je peux citer Guardian Recovery, un réseau de centres de traitement pour les personnes souffrant d'addictions. Grâce au temps gagné avec You.com, le personnel peut désormais passer une quinzaine de minutes supplémentaires avec chaque patient.
Comment se décompose votre modèle de revenus ?
Nous avons deux segments bien distincts. D'un côté, les abonnés qui utilisent notre solution en ligne. L'abonnement à notre offre premium coûte 20 $ par mois, ou 15 $ par an. Il donne accès à la création d'agents ainsi qu'aux derniers modèles d'OpenAI, d'Anthropic, ou encore Google. De l'autre, des entreprises utilisent nos API pour intégrer notre technologie dans leurs produits ou plateformes. La facturation dépend des besoins et de la taille des ensembles de données à traiter. Par exemple, notre API de recherche permet de créer rapidement des rapports complets, en analysant jusqu'à 30 sources web pertinentes en temps réel. Tout cela en garantissant à nos clients qu'aucune de leurs données n'est utilisée pour entraîner des modèles.
Vous avez annoncé début septembre une levée en Serie B de 50 millions de dollars auprès de Salesforce Ventures, Nvidia, DuckDuckGo et SBVA, portant à 99 millions le montant total levé depuis votre lancement. Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?
Nous voulons continuer à augmenter notre base d'utilisateurs et nos revenus, en nous concentrant sur les grands comptes. Notre chiffre d'affaires récurrent annuel (ARR) a augmenté de 500 % depuis janvier 2024, et nos revenus doublent chaque trimestre. Nous anticipons une croissance similaire pour ce trimestre et le suivant. Notre objectif est désormais d'aider les entreprises à passer du stade de preuve de concept (POC) à une intégration réelle de l'IA dans leurs workflows.
Comment comptez-vous convaincre ces grands comptes d'adopter You.com ?
Nous avons ajusté notre modèle de revenus en proposant à nos clients une facturation basée sur la consommation plutôt que sur le nombre de collaborateurs. Nous organisons également des ateliers pour les aider à identifier tous les cas d'utilisation de You.com au sein de leurs organisations. Nous sommes convaincus que notre outil rendra tous les travailleurs du savoir plus efficaces, que ce soit pour rechercher des informations, automatiser des tâches ou exécuter des actions grâce aux agents, comme par exemple exécuter du code. Au cours des prochains mois, vous verrez apparaître des agents capables de réaliser de nouvelles actions.