Champions européens de l'IA : visez l'international pour ne pas décrocher

Les entreprises françaises de l'IA doivent s'internationaliser pour rester compétitives face aux États-Unis, qui investissent massivement (projet Stargate, 500 Mds$) et misent sur la dérégulation.

Ce n’est plus à prouver : quel que soit le domaine d’application, les technologies d’intelligence artificielle (IA) représentent des opportunités stratégiques majeures. Pour les entreprises françaises, l’internationalisation n’est plus une option, mais une nécessité absolue pour ne pas se laisser distancer. Alors que l’Europe s’enlise dans une sur-réglementation croissante, les États-Unis, au contraire, misent sur une dérégulation massive et des investissements colossaux pour s’assurer une domination technologique durable. Face à cette dynamique, les entreprises françaises du secteur doivent impérativement se confronter à des marchés plus permissifs pour rester compétitives.  

Le projet Stargate : un tournant historique pour l’IA américaine 

Le président américain a annoncé mardi 22 janvier le projet massif « Stargate » pour « porter la prochaine génération d’IA ».  Ce projet prévoit des investissements d’au moins 500 milliards de dollars pour développer les infrastructures physiques et virtuelles nécessaires à la prochaine génération d’IA. Cette initiative sera financée avec le concours d’OpenAI, SoftBank et Oracle dans une co-entreprise nommée « Stargate ». Microsoft pour le Cloud et Nvidia pour les puces se joindront à cette nouvelle galaxie.  

L’enjeu de la compétitivité : entre régulation et accélération 

Il n’est pas nécessaire de demander à ChatGPT pour comprendre que cette décision va entrainer dans son sillage tout l’écosystème des technologies numériques avec des impacts géostratégiques et économiques majeurs. En effet, cet investissement va libérer encore plus l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle, stimuler la recherche et le développement aux Etats-Unis et renforcer le dynamisme de l'écosystème technologique américain. L'avenir nous dira si c'est pour le meilleur ou le pire mais cela fera bouger les lignes, c'est certain. 

Ceci est d’autant plus vrai que cet investissement massif est couplé à une forte volonté de dérégulation. A titre d’exemple, Donald Trump a déjà abrogé le décret de Joe Biden sur les exigences de sécurité et de transparence pour les développeurs d’IA sur l'intelligence artificielle afin de limiter l’interventionnisme pour soutenir l’innovation.  

En parallèle, en toute détente, l’Europe complexifie son environnement réglementaire. Le vote de l’IA Act par le Parlement européen au mois de mars risque d’accroître un peu plus les exigences normatives auxquelles sont soumises les entreprises européennes. Quant à l’investissement de 1,5 milliard d’euros prévu par l’UE pour favoriser le déploiement des infrastructures nécessaires à l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle, il parait ridicule face aux 500 Mds du plan Stargate. Si les frontières numériques étaient clauses, cela pourrait avoir un intérêt. Mais au vu de la situation, ces régulations risquent de freiner le développement de nos entreprises. 

La vérité est ailleurs

Pourtant, la seule solution pour que l’Europe ne se laisse pas distancer et soit invitée à la table des géants de la Tech est de créer des champions européens de l’IA. Oui mais comment y parvenir dans ce contexte ?  

Une chose est sûre : les entreprises françaises de l’IA ne peuvent plus uniquement se reposer sur les atouts nationaux. Le savoir-faire technologique reconnu, les écoles de pointe, les centres de recherche avancés, l’expertise prometteuse en informatique quantique ne suffiront plus pour imaginer un jour exceller sur la scène internationale de l’IA. 

La clé réside ailleurs : se confronter à des marchés plus permissifs. L’exemple de la licorne française de l’IA Hugging Face est criant. Installé aux Etats-Unis, Hugging Face est devenue une référence mondiale dans la conception d'outil IA open sources. Plusieurs de ses bibliothèques sont d'ailleurs intégrées directement au sein des hyper scaleur comme Azure, Google cloud, AWS.  

En s’implantant sur des marchés internationaux plus ouverts, les entreprises françaises spécialisées dans le développement de solutions IA pourront se développer sans les freins d’une régulation excessive et tester les solutions IA sur des marchés dérégulés, où les conditions permettent une adoption rapide et une expérimentation à grande échelle. C’est en ce sens que LittleBigCode s’implante en 2025 au Mexique, au Brésil et au Canada.  

C'est en prenant part à cette dynamique mondiale que les entreprises françaises de l’IA pourront acquérir les moyens d’investir dans l’innovation, se positionner comme leaders et, à terme, influencer les standards internationaux. 

Les questions d’éthique attendront  

Le mot essentiel à retenir de la phrase précédente est “à terme”. Imaginer influencer les standards internationaux en transposant notre modèle de pensée selon lequel le futur de l’IA doit être inclusif, éthique et résolument tourné vers le bien commun n’est pas à l’ordre du jour.  

Chez LittleBigCode, nous sommes convaincus que le futur de l’IA ne peut se limiter à une approche centralisée. Qu’elle doit être construite en intégrant des points de vue multiples. Que l’IA ne doit pas être un outil monoculturel ou biaisé. Qu’elle doit refléter la richesse des contextes économiques, culturels et sociaux dans lesquels elle est déployée. Que la démocratisation de l’usage des technologies IA et DATA doit impacter positivement les personnes et la société. Que les innovations technologiques doivent ruisseler au-delà des bénéfices opérationnels des entreprises pour servir l’intérêt commun. 

Mais nous avons aussi conscience d’une chose : le timing ! Ces questions ne sont clairement pas aujourd'hui la priorité des dirigeants français. Pour preuve, nous avons réalisé il y a quelques mois un sondage auprès de 177 décideurs en IA et DATA afin de connaître quelles étaient leurs priorités pour 2024. Seulement un dirigeant sur 177 a placé les questions éthiques dans son top 3 ! Un seul !

C’est un fait, et nous ne devons pas à avoir peur de le dire : les véritables enjeux pour les entreprises IA françaises ne se cristallisent pas actuellement sur la création d’une IA globale et éthique. Les dirigeants veulent avant tout réaliser une percée massive dans les technologies de pointe et agir sans attendre. 

Croire que la tech et l'IA s'attaqueront prioritairement aux enjeux sociétaux est aujourd'hui illusoire. Pour l'instant, l'enjeux des entreprises est d'aller plus vite et plus loin que le voisin afin de gagner la compétition de l’intelligence artificielle. Les dirigeants veulent avant tout déployer rapidement ces technologies afin de rester à la pointe et ne pas perdre le combat face aux concurrents. 

En conclusion, avec des projets tels que « Stargate », les États-Unis démontrent leur capacité à fédérer des investissements massifs et à adopter des cadres réglementaires favorisant l’innovation. Les États-Unis sont en train de "driver" l’innovation technologique mondiale. C'est une erreur de penser que l’Europe pourra suivre sans s’adapter. Si l’Europe veut rester compétitive, elle doit l'Europe jouer à arme égale avec la dérégulation et encourager ses entreprises à se confronter à des environnements plus dynamiques pour déployer des cas d’usage multiples. Une fois ce défi relevé, la France pourra transposer sa vision éthique et sociétale à l’échelle mondiale.