L'intelligence artificielle au service d'une gestion optimale des finances publiques
La révolution numérique offrent une opportunité majeure pour moderniser la gestion des finances publiques, en améliorant la transparence, l'efficacité, grâce à la blockchain et le machine learning.
Dans un monde marqué par des transformations économiques et technologiques profondes, la gestion des finances publiques est confrontée à des défis majeurs. Ces défis, nés d’un environnement en perpétuel changement, exigent une révision radicale des modèles de gouvernance hérités du passé. En particulier, l’intégration des technologies numériques et de l’intelligence artificielle (IA) apparaît aujourd’hui comme une opportunité incontournable pour repenser la gestion financière publique et renforcer l’efficacité des politiques publiques.
Un modèle de gouvernance à bout de souffle
Depuis les années d’après-guerre, les États se sont appuyés sur un modèle de gouvernance financière publique conçu dans le cadre de l’État-providence. Ce modèle, orienté vers une forte intervention publique et des mécanismes redistributifs, a montré ses limites dès les crises économiques des années 1970. Les chocs pétroliers, la fin des Trente Glorieuses, et l’échec des politiques keynésiennes face à la stagflation ont mis en évidence l’inadaptation d’un tel cadre à une économie mondialisée et en constante évolution.
Ces bouleversements ont conduit à une réévaluation profonde des rôles de l’État et du marché. La priorité s’est déplacée vers une allocation optimale des ressources, une plus grande efficacité économique, et une gestion plus souple des finances publiques. Cependant, cette transition a également introduit une complexité accrue, résultant d’un double impératif : maintenir le poids de l’État tout en s’adaptant aux transformations économiques et sociales.
L’essor des technologies et la transformation des pratiques
Au fil des décennies, la révolution numérique a profondément modifié la gestion des finances publiques. L’automatisation, puis l’informatisation des processus budgétaires et comptables, ont permis d’améliorer le suivi et la transparence des dépenses publiques. Des systèmes tels qu’ACCORD et CHORUS ont été déployés pour harmoniser les pratiques, faciliter la dématérialisation des opérations et renforcer la performance globale de la gestion publique.
L’introduction de l’intelligence artificielle générative marque une nouvelle étape dans cette évolution. Ces outils, capables de produire des analyses complexes et d’automatiser des tâches fastidieuses, offrent des potentialités immenses. Ils libèrent les décideurs des contraintes opérationnelles pour leur permettre de se concentrer sur des enjeux stratégiques. Cependant, ces avancées ne sont pas sans poser des questions essentielles.
Les défis de l’IA dans la gouvernance financière publique
Si l’IA ouvre des perspectives prometteuses, elle soulève également des préoccupations liées à la légitimité démocratique et au contrôle des décisions publiques. Le recours à des algorithmes pour produire des amendements législatifs ou orienter les choix budgétaires peut susciter une défiance à l’égard des décideurs, voire remettre en question leur rôle.
Plus encore, l’hégémonie croissante des grandes entreprises technologiques, détentrices de données massives et de capacités d’analyse hors norme, fait planer le risque d’une centralisation excessive du pouvoir. Une gouvernance publique mal préparée pourrait se retrouver dépassée par ces acteurs privés, menaçant ainsi les principes fondamentaux de la démocratie.
Vers un « État intelligent »
Pour relever ces défis, il est impératif de construire un modèle de gouvernance financière publique à la fois performant et résilient. Ce modèle doit s’appuyer sur les avancées technologiques tout en préservant les valeurs démocratiques, la solidarité, et la liberté. Loin d’être un simple État gestionnaire, l’État du futur devra devenir un « État intelligent », capable d’adopter les meilleures pratiques issues du secteur privé tout en les adaptant aux exigences de l’intérêt général.
L’intégration réussie de l’intelligence artificielle passe par une appropriation collective de ces outils, en mettant l’accent sur la réflexion, la transparence et l’équité. L’intelligence humaine, collective et créative, devra guider cette transition pour éviter que nos sociétés ne sombrent dans un scénario dystopique.
L’apport de l’IA à la lutte contre la fraude fiscale
Comme je l’explique dans mon dernier ouvrage « Lutter contre la fraude fiscale en entreprise », publié aux Editions Vuibert, afin de lutter efficacement contre la fraude fiscale, il est impératif d'allier expertise fiscale et nouvelles technologies. L'intelligence artificielle (IA) représente une avancée prometteuse dans la détection de comportements fiscaux suspectés. Le recours à des systèmes d'IA pour analyser les données massives des contribuables et identifier des anomalies fiscales permettra aux administrations fiscales de repérer des failles et des comportements frauduleux en temps réel.
Un autre outil fondamental dans cette lutte serait l'utilisation de la blockchain. Cette technologie de registre décentralisé pourrait permettre la création d'un écosystème global permettant une traçabilité complète des transactions financières. Un registre européen des transactions fiscales accessible à l'ensemble des administrations fiscales des pays membres représenterait un pas en avant majeur dans la transparence des activités économiques mondiales.
Cependant, ces technologies doivent être accompagnées d'une gouvernance claire et d'un cadre juridique rigoureux. La CNIL, en France, a mis en garde contre les risques de dérive liés à une surveillance automatisée des contribuables. En effet, l'IA ne doit pas devenir un outil de contrôle social. L'équité algorithmique doit être garantie pour éviter des discriminations et abus. L'expertise humaine doit toujours rester au cœur du processus pour assurer une évaluation juste des situations.
Ainsi, pour endiguer ce fléau qui fragilise les démocraties, la France, tout comme l'ensemble des pays développés, doit investir dans des technologies d'avenir, tout en renforçant la coopération internationale. Le cadre législatif devra, lui aussi, évoluer pour tenir compte de ces nouvelles réalités numériques. Mais l'adoption d'un tel modèle ne pourra fonctionner que si elle est soutenue par une volonté politique forte et une solidarité internationale sans faille.
La lutte contre la fraude fiscale n'est pas qu'une question technique, elle est aussi une question d'intégrité et de souveraineté. C'est cette dernière qui est mise à mal chaque fois qu'un contribuable échappe à ses responsabilités fiscales. Dans cette guerre de l'impôt, la technologie ne doit pas être un rempart pour les fraudeurs, mais un allié pour les autorités fiscales, capables de traquer et d'identifier ces mécanismes de fraude fiscale avant qu'ils n'atteignent des proportions incontrôlables. Les États doivent se préparer à cette transformation, non seulement pour sauvegarder leurs finances, mais aussi pour défendre la justice fiscale et l'équité sociale.
L'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale repose sur un seul principe : la collaboration entre innovation technologique et expertise humaine. C'est ainsi que les États pourront reprendre le contrôle face à une fraude fiscale toujours plus sophistiquée et internationale.
La révolution numérique et l’essor de l’intelligence artificielle marquent une opportunité unique pour repenser la gouvernance financière publique. Ces innovations, bien que complexes, offrent une chance de répondre aux incertitudes de notre époque. Mais pour réussir, cette transformation exige une volonté politique forte, une vision à long terme et une implication active de tous les acteurs, publics comme privés. L’enjeu est de taille : il s’agit de construire un avenir où technologie et humanité œuvrent ensemble au service de la société.