Le AI Act européen ne freinera pas l'innovation, il lui donne une orientation

L'AI Act prouve que régulation et innovation vont de pair : il fixe des garde-fous, renforce la confiance et transforme la conformité en véritable avantage compétitif.

Le AI Act marque un tournant décisif dans la manière dont les sociétés choisissent de réguler les technologies émergentes. Première réglementation complète en son genre, elle a déjà suscité de vifs débats dans les conseils d'administration et les instances industrielles. Pour certains, elle est synonyme de bureaucratie et d'occasions manquées. Pour d'autres, il s'agit d'une intervention nécessaire pour protéger l'intérêt public. Comme toujours, la vérité se situe quelque part entre les deux.

Innovation et règlementation ne sont pas contradictoires. De nombreux secteurs fortement réglementés, à l’instar de l'industrie pharmaceutique ou encore la Formule 1, continuent d'attirer les investissements, de stimuler la concurrence et de réaliser des avancées révolutionnaires. La présence d'une réglementation stricte n'a pas freiné l'innovation dans ces domaines. Au contraire, elle a souvent contribué à la rendre plus responsable.

Il en va de même pour l'IA.

Le AI Act ne bride pas l'innovation. Cette règlementation ne restreint qu'une petite partie des cas d'utilisation interdits, ceux qui sont considérés comme présentant des risques inacceptables pour les personnes et la société. En dehors de cela, l'intention claire est de permettre à l'innovation de se poursuivre, mais avec des garde-fous appropriés pour prévenir tout préjudice potentiel. Dans ce cas, la réglementation n'est pas une question de restriction, mais de clarté – et la clarté est bonne pour les affaires.

Un programme efficace de gouvernance de l'IA aide les organisations à agir plus rapidement, et non plus lentement. Il fournit une structure permettant d'identifier les cas d'utilisation de l'IA qui présentent un risque minimal et peuvent être développés à plein régime, et ceux qui nécessitent une surveillance plus rigoureuse. Cette approche ne bloque pas l'innovation, elle la filtre. Les applications à faible risque peuvent aller de l'avant en toute confiance, tandis que les initiatives à haut risque bénéficient de l'attention qu'elles méritent.

Ce type de filtrage devient de plus en plus essentiel. L'IA offre d'énormes possibilités de transformer positivement les industries et d'améliorer la vie des gens sans toucher à des domaines à haut risque ou controversés. Avec une gouvernance adéquate, les entreprises peuvent saisir cette opportunité plus rapidement et en toute sécurité.

Une gouvernance solide joue également un rôle essentiel pour renforcer la confiance dans les systèmes d'IA. Cette confiance ne se limite pas à la conformité, elle consiste à montrer que les principes éthiques sont intégrés dans la conception, le développement et le déploiement de l'IA. Lorsque les clients et les citoyens constatent que des valeurs telles que l'équité, la transparence et la responsabilité sont prises au sérieux, l'adoption suit.

De ce point de vue, l'UE a une occasion unique de montrer que la réglementation et l'innovation ne sont pas des forces opposées, mais qu'elles se renforcent mutuellement. Alors que certaines régions privilégient la rapidité à tout prix, l'Europe a la possibilité de montrer la voie avec détermination.

Essayer d'« aller vite et de casser les codes » n'est plus une stratégie d'innovation viable, et l'UE n'avait aucune chance de la remporter. Néanmoins, elle peut gagner en se forgeant une position distincte sur une IA fiable et centrée sur l'humain. Si les entreprises européennes sont en mesure de démontrer qu'elles tiennent mieux compte des préjudices potentiels pour les clients et les utilisateurs, elles pourront commencer à transformer cette attention en avantage concurrentiel.

Bien sûr, la mise en œuvre est importante. Aucune réglementation n'est parfaite, surtout une réglementation aussi ambitieuse que cet AI Act. Il est tout à fait raisonnable de faire pression pour obtenir des modifications ou des simplifications afin de faciliter la mise en conformité et d'apporter plus de clarté dans des cas spécifiques. Cependant, cela est très différent de rejeter complètement la surveillance. Certains ont suggéré de suspendre l'application de la loi pendant deux ans : une mesure importante qui retarderait la responsabilisation au moment même où l'IA commence à influencer des décisions cruciales dans les domaines de la finance, de la santé, de l'éducation ou encore de la justice pénale. Il est difficile de prétendre que l'IA est une force de transformation tout en affirmant qu'il faut la laisser se développer sans contrôle.

Le choix n'est pas entre l'innovation et la réglementation. Le véritable défi consiste à concevoir une gouvernance qui tienne compte des risques réels afin que le reste des entreprises puissent avancer à leur rythme. Avec la bonne approche, les organisations ne se contenteront pas de se conformer à l’AI Act : elles mettront en place des systèmes d'IA meilleurs, plus éthiques, plus fiables, moins risqués et plus compétitifs.

L'Europe a pris sa décision : ne pas faire de pause, mais agir. Il faut maintenant montrer que l'innovation responsable ne nous ralentit pas, mais nous permet d'aller plus loin et plus vite.