IA open source : conjuguons innovation ouverte et souveraineté numérique

L'open source en IA (55% du marché) offre transparence et souveraineté mais expose aux risques concurrentiels. L'Europe doit définir un cadre d'ouverture maîtrisé alliant innovation et sécurité.

L’année dernière, la part de marché de l’open source dans le secteur de l’intelligence artificielle a dépassé 55%. Porté par des acteurs au succès fulgurant comme le chinois DeepSeek ou le français Mistral AI, le marché de l’open source devrait même atteindre les 95 milliards de dollars en 2034. Et pour cause : selon une étude IBM, 84 % des responsables informatiques utiliseraient au moins une solution ou plateforme d’IA basée sur l'open source. Pourtant, aujourd'hui, alors que des géants technologiques annoncent de nouvelles versions open source comme OpenAI avec ChatGPT 4, un retournement de tendance s’observe. Les éditeurs de solutions IA doivent faire avec un faux dilemme : conjuguer transparence de l'open source avec les exigences de souveraineté numérique ; ou renforcer leur compétitivité dans un contexte ultra concurrentiel.

L’open source propose une alternative entre hégémonie privée et contrôle étatique. Si elle a accéléré les progrès de l’IA en mutualisant les capacités d’innovations des chercheurs et des entreprises, elle a aussi ouvert la voie à de nouveaux risques. Rendues publiques, les innovations technologiques deviennent accessibles à tous, y compris à des concurrents stratégiques. En témoigne l’explosion soudaine de DeepSeek, disponible en open source, dont la solution aurait été bâtie sur les données technologiques d’Open AI.

L'open source au service de la souveraineté numérique

Le nerf de la guerre repose désormais sur les données d’entraînement, véritable enjeu stratégique pour les entreprises. Ainsi, certaines comme NVIDIA avec CUDA ou Meta avec Llama, mettent une partie de leur code en open source mais conservent secrètes les données d'entraînement. Dernièrement, les écoles polytechniques fédérales suisses ont lancé le projet Apertus : une solution en open source, entraînée sur 15 000 milliards de tokens, utilisant des données disponibles publiquement sur Internet. Leur argument est simple : en exploitant des sets de données publiques, Apertus reste conforme aux législations européennes. Et dispose ainsi d’un atout concurrentiel pour les entreprises hautement surveillées. Cette approche pourrait renforcer la capacité des entreprises à innover tout en maintenant des standards de sécurité élevés, notamment en matière de protection des données personnelles. Ainsi, les entreprises disposent de solutions adaptables en fonction de leurs besoins, dont les données ne quittent jamais les serveurs sur lesquels elles tournent. 

L’open source peut jouer un rôle crucial  pour la souveraineté numérique européenne. Une position défendue par Arthur Mensch pour qui “l’open source et la souveraineté numérique sont intrinsèquement liés.” La transparence du code source permet à la fois de garantir le respect des normes européennes, mais aussi de détecter et de corriger les biais potentiels. Dans un contexte où l'AI Act impose transparence et conformité, l'open source devient alors un outil clé pour répondre aux exigences réglementaires, tout en stimulant l’innovation. 

Par exemple, les systèmes d’IA open source sont exemptés des obligations de conformité de l’IA Act (sauf catégorie de systèmes dits à haut risque, entre autres).

L’open source doit devenir un levier pour garantir la position de l’Europe dans la course mondiale à l’IA. En permettant aux entreprises européennes de s’appuyer sur des solutions certifiées et transparentes, l’Europe crée un environnement où le développement technologique ne se fait pas au détriment de la sécurité et de la régulation. Il ne s’agit plus de choisir entre solutions open source et solutions fermées, mais bien de définir un cadre d’ouverture maîtrisé qui préserve les intérêts stratégiques tout en stimulant la collaboration et l’innovation.