Pourquoi l'index égalité professionnelle femmes / hommes caractérisant les écarts de rémunération ne suffit-il plus ?
L'index d'égalité professionnelle F/H se dirige vers une évolution forte induite par la nouvelle directive européenne sur la transparence salariale. Une transposition abrupte dans certains cas.
Selon le rapport n°2024-03-07-EGAPRO-62 du 7 mars 2024, une étude récente de l’INSEE affirme qu’en France :
- le salaire moyen des hommes est supérieur de 32 % à celui des femmes ;
- que ramené en équivalent temps plein, le salaire moyen des hommes est supérieur de 18 % à celui des femmes;
- à poste comparable l’écart de salaire remps plein est ramené à 4 % (sans correction des différences de caractéristiques comme l’ancienneté, l’expérience ou encore le diplôme).
Cette analyse chiffrée ramenant un constat de 32 % à 4 %, semble résumer à elle seule toute l’ambiguïté des résultats pouvant être produits par l’index égalité professionnelle femmes / hommes.
Voulu en 2018, cet index avait notamment pour objectif une méthode standardisée de calcul et une plus grande transparence des pratiques salariales. Calculé sur 100 points, cet Index est composé de 4 à 5 indicateurs (en fonction de la taille de l’entreprise), mesurant :
- l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points maximum);
- l’écart de répartition des augmentations individuelles (20 points maximum);
- l’écart de répartition des promotions (15 points maximum);
- le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité (15 points maximum);
- la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations (10 points maximum).
Un écart de rémunération muet dans certain cas
Pour ce qui est de l’indicateur représentant le poids le plus significatif (l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes), l'approche mathématique reposant sur une moyenne globale induit ses propres limites.
Cet indicateur vise à regrouper les salariés par :
- catégories homogènes (par exemple la CSP : ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise – TAM, ingénieurs et cadres - IC);
- tranches d’âges (moins de 30 ans ; 30 à 39 ans ; 40 à 49 ans et 50 ans et plus).
Une fois la comparaison des moyennes de rémunération effectuée, un seuil de pertinence de 5% s’applique. Il vise à minorer l’écart obtenu jusqu'à 5%.
Au-delà même de l’application du seuil de pertinence, imaginons, la distribution suivante des rémunérations moyennes.
Elles sont ventilées par sexe, CSP et tranche d’âge.

Une simple lecture directe de ces deux tableaux permet de constater que :
- les IC hommes sont mieux rémunérés que les IC femmes, quelle que soit la tranche d’âge ;
- le constat s’inverse pour les autres CSP (femmes mieux rémunérées que les hommes).
Le calcul en pourcentage de l’écart constaté, permet de valider cette première lecture :

Les écarts vont jusqu’à 15% en faveur des IC hommes (de 30 à 40 ans) et 16% en défaveur des TAM femmes (de 40 à 50 ans)..
Imaginons que la distribution des effectifs amène à une répartition proche de 50% pour les emplois IC et 50% pour les autres emplois, nous pourrions alors conclure que :
- 50% des effectifs hommes sont mieux rémunérés que les femmes (population des IC) ;
- 50% des effectifs femmes sont mieux rémunérés que les hommes (autres CSP).global
Après application du seuil de pertinence de 5% et pondération du calcul des écarts de rémunération « (Hommes - Femmes) / Hommes » par les effectifs, un écart moyen inférieur à 1% ressort.
En application du barème, lorsqu'un écart global de rémunération supérieur à 0% et inférieur ou égal à 1% est constaté, l'inidcateur d'écart de rémunération se voit attribué un score de 39 points, sur une échelle de 40.
On le voit bien, le jeu mathématique du calcul d’une moyenne globale, vise à annihiler les moyennes obtenues par couple CSP / tranche d’âge.
Dans cet exemple, une société communiquera sur une quasi absence d’écart de rémunération (proche de 1%), alors que la situation semble autrement plus complexe (les IC hommes sont mieux rémunérés que les femmes, et inversement pour les autres CSP).
Une évolution majeure voulue par la Directive Européenne sur la transparence salariale permettant de fournir des informations ventilées par catégorie de travailleurs
La directive européenne du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes, se veut plus ambitieuse en proposant le calcul de nouveaux indicateurs matérialisant de façon plus précise les écarts de rémunération.
Désormais 7 sous indicateurs sont proposés
- l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes;
- l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires;
- l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes;
- l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes au niveau des composantes variables ou complémentaires;
- la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins bénéficiant de composantes variables ou complémentaires;
- la proportion de travailleurs féminins et de travailleurs masculins dans chaque quartile;
- l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes par catégories de travailleurs, ventilé par salaire ou traitement ordinaire de base et par composantes variables ou complémentaires.
La directive distingue désormais plusieurs angles d’analyse : le poids de la rémunération fixe et des éléments dits variables (qui par nature ne sont pas fixes), les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes pour l’ensemble de l’entreprise et par catégories de travailleurs.
Dans notre exemple illustratif ci-dessus on aurait alors sans doute :
- un écart de rémunération moyen inférieur à 1% pour l’ensemble de l’entreprise ;
- un écart en faveur des hommes proche de 9 % pour les IC ;
- un écart en faveur des femmes proche de 13 % pour les TAM ;
- un écart en faveur des femmes proche de 5 % pour les employés ;
- un écart en faveur des femmes proche de 2 % pour les ouvriers.
NB : il est important de noter que la directive propose de comparer des travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur. Il n’est pas à exclure que cette nouvelle notion ne permette plus dans l’environnement couvert par la réglementation française de réaliser une comparaison par simple CSP.
Un nouveau droit individuel permettant de comparer son propre salaire avec celui des femmes et des hommes accomplissant un même travail
Au-delà de ces données globales, la Directive informe que les travailleurs ont le droit de demander et de recevoir par écrit, les informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilées par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail qu’eux ou un travail de même valeur que le leur.
Encore une fois, si on extrapole les données ci-dessus, un IC ayant entre 30 et 40 ans se verrait informé.e :
- de son salaire ;
- du salaire moyen des femmes dans sa catégorie (50 000 € dans cet exemple) ;
- du salaire moyen des hommes dans sa catégorie (59 000 € dans cet exemple).
Une double comparaison serait alors naturellement réalisée par chaque salarié.e :
- entre des individus de genre différent : l’entreprise rémunère-t-elle mieux des femmes que les hommes ?
- entre des individus de même genre : mon salaire est-il inférieur au salaire moyen de mes collègues ?
On le perçoit bien, les évolutions attendues par la mise en œuvre de la directive européenne risquent de changer de façon sensible la communication des entreprises autour des rémunérations pratiquées.
Plus de transparence, c’est aussi, plus de demandes, plus de remarques, plus de questions, plus de mécontentement.
Dans de nombreux cas, un autre positionnement et un autre discours seront à tenir auprès des salariés comme des partenaires sociaux.