De l'IA aux contraintes de main-d'œuvre : cinq tendances du secteur des transports à surveiller en 2024

L'année 2023 a été marquée par des défis considérables sur le marché du transport et de la logistique. Quelles sont les tendances, notamment technologiques, à surveiller dans le secteur cette année ?

Dans un contexte inflationniste, et parfois de récession, les acteurs du transport ont continué à faire de la réduction des coûts une priorité en 2023, et leur focalisation sur la construction de supply chains résilientes et équilibrées s'est intensifiée. Les perturbations dues aux changements sociétaux et géopolitiques et l'émergence de nouvelles technologies placent le secteur en constante évolution. 

Voici cinq tendances majeures à surveiller dans ce secteur.

Le sujet brûlant : l'IA générative 

Si l'année 2023 témoignait d'un engouement pour l'IA, 2024 verra les entreprises concrétiser cet enthousiasme en actions. De façon générale, cela impliquera l'élaboration de stratégies et de cadres de gestion des risques liés à l'IA. 

Les premiers scénarios d'utilisation de l'IA devraient vraisemblablement se concentrer sur l'automatisation des processus internes, et/ou l'exploitation de données existantes pour formuler des prévisions futures. Les outils de procurement autonomes, qui exploitent l'IA, le machine learning (ML) et les sciences comportementales appliquées pour accroître l'efficacité, créer des profils d'expéditeurs et de transporteurs, estimer des prévisions de prix et formuler des offres, en sont un exemple. 

En 2024, nous verrons également des entreprises expérimenter avec des interfaces conversationnelles pour rationaliser les processus et faire gagner du temps aux employés. Cependant, cette utilisation n’en est qu’à ses débuts. 

En hausse : les écosystèmes technologiques intégrés 

Les piles technologiques dans l'industrie du transport logistique sont encore trop fragmentées, entravant l'unification des données et l'efficacité opérationnelle. Bien que la transformation numérique ait progressé, de plus en plus de parties prenantes reconnaissent aujourd'hui la valeur d’écosystèmes logiciels fortement intégrés, favorisant des workflows fluides entre les systèmes et les utilisateurs (y compris entre différentes entreprises). Selon une étude récente, 74% des leaders de l'industrie estiment que l'adoption d'une approche plus axée sur les données serait un levier de réussite pour leur entreprise au cours des cinq prochaines années. Parallèlement, 55% et 52%, respectivement ont identifié l'investissement dans les technologies de visibilité sur la chaîne d'approvisionnement et l'accélération de la transformation numérique comme des priorités. 

Les entreprises peuvent tirer le meilleur parti des nouvelles technologies en faisant de leur intégration une priorité. La visibilité en temps réel en est un parfait exemple : il n'y a qu'un intérêt limité à voir un point bouger en direct sur un écran, mais des solutions télématiques de haute qualité avec une cartographie précise peuvent améliorer d'autres outils (par exemple, la planification à quai) si elles sont correctement intégrées. 

Une nouvelle constante : la logistique durable 

Le développement durable est désormais une priorité absolue, encouragée par la future législation de l'UE et la pression exercée par les actionnaires, les clients finaux et la société dans son ensemble. Cependant, la mise en œuvre de mesures ambitieuses de décarbonisation représente un coût significatif qui peut poser problème, surtout dans un contexte où peu d'expéditeurs sont disposés à payer une prime pour des solutions plus durables (bien que leur nombre soit en augmentation). 

En 2024, nous pourrions observer une diminution des investissements dans des projets onéreux axés sur un "matériel durable", comme les camions électriques, au profit d'une focalisation accrue sur une approche "logicielle" plus rentable, visant à minimiser les émissions de carbone par le biais de l'amélioration de l'efficacité. Avec les bons outils logiciels, les entreprises peuvent réduire les temps d'arrêt inutiles, diminuer le kilométrage à vide, planifier des itinéraires plus efficaces, et former les conducteurs à des pratiques de conduite durables. 

Dans les mois à venir, il est également probable que de plus en plus d'entreprises délaisseront la compensation carbone au profit de mesures concrètes de réduction des émissions carbone. L'industrie s'est en effet détournée de la compensation après avoir constaté que de nombreux programmes ne tenaient pas leurs promesses. 

Des tumultes en perspective : perturbations dans le secteur maritime 

Nous traversons actuellement une phase de creux du cycle du fret dans tous les modes de transport. Toutefois, avec une surcapacité existante et de nombreux navires répertoriés dans les registres de commandes, l'industrie maritime pourrait être plus fortement perturbée que d'autres modes en 2024 (comme l'aviation, où les taux spot sont déjà en hausse). À mesure que les navires en construction entrent en service, il est probable que la guerre des prix actuelle persiste. 

En 2024, les facteurs géopolitiques et naturels influenceront également le secteur. Les exemples récents incluent la sécheresse du canal de Panama, et les attaques des rebelles Houthis dans le canal de Suez qui, forçant les navires à modifier leur itinéraire, allongent les temps de transit. 

Sur le plan réglementaire, la décision de la Commission européenne de ne pas étendre le cadre juridique exemptant les consortiums de transport maritime de ligne des règles antitrust intensifiera les perturbations, alors que les transporteurs s'adaptent à un nouvel environnement. 

Enfin, le régime d'échange de quotas d'émission de l'UE entrera en vigueur en janvier 2024, affectant tous les mouvements de navires à l'importation, à l'exportation et en transbordement. Il imposera notamment une taxe de 100% sur les transbordements à l'importation et à l'exportation si les ports se trouvent à moins de 300 miles de leur origine ou destination. Cette mesure incitera les transporteurs maritimes à choisir des ports de transbordement en dehors de la zone des 300 miles. 

Une amélioration temporaire de la pénurie de conducteurs 

L'industrie du transport logistique est confrontée à une importante pénurie de conducteurs. En 2024, la pression immédiate devrait diminuer à mesure que la capacité continuera de dépasser la demande.

Pour attirer leur future main-d'œuvre, les entreprises avisées continueront d'investir dans des mesures visant à séduire de nouveaux travailleurs dans l'industrie en 2024. Cela inclut par exemple le lobbying auprès des gouvernements pour abaisser l'âge requis des conducteurs de poids lourds, et la création d’un environnement accueillant pour les femmes. 

Simultanément, des recherches montrent qu'augmenter le temps de conduite actif de seulement 18 minutes par jour pourrait considérablement soulager la pénurie de conducteurs. La meilleure façon d'y parvenir est d'investir dans la technologie : par exemple, les outils de prévision d'arrivée en temps réel éliminent les temps d'attente pour le chargement et le déchargement, tandis que la digitalisation des bordereaux de transport économise du temps en réduisant les tâches administratives. 

S’attendre à l’inattendu 

Les périodes difficiles sur le marché sont souvent de puissants moteurs d’innovation. En 2024, les défis tels que la décarbonisation, la pénurie de main-d'œuvre et la pression sur la baisse sur les prix ne feront qu'accélérer la digitalisation. L'instauration d'écosystèmes technologiques interconnectés permettra aux entreprises de conquérir des parts de marché dès le début du cycle de reprise prévu au second semestre de 2024. Parallèlement, des technologies telles que l'IA générative leur offriront la possibilité de croître rapidement sans avoir à embaucher des ressources supplémentaires. 

En résumé, les entreprises qui adoptent une approche réfléchie, mesurée et proactive à l'égard de la technologie se distingueront.