La marketplace gagne du terrain chez les retailers

La marketplace gagne du terrain chez les retailers Alors que le chiffre d'affaires du e-commerce est en baisse, les marketplaces s'en sortent mieux en France. Une résilience qui attire les retailers à la recherche de sources de revenus additionnels.

Le modèle de la marketplace connait un succès grandissant dans un contexte d'e-commerce en crise. Le taux de croissance des ventes en ligne BtoC (hors voyages et services) accuse une retombée brutale : le chiffre d'affaires des produits non-alimentaires est en recul de 9% sur un an en 2023. De leurs côtés, les places de marché résistent mieux avec une baisse de seulement 1%. "Nous avons observé des tendances de croissance à deux chiffres en 2023, pas seulement sur les nouvelles marketplaces, mais aussi sur celles de plus de deux ans", affirme Sophie Marchessou, chief customer officer (CCO) de Mirakl. 

"Il y a un effet boule de neige : si les ventes sur les places de marché sont plus positives c'est parce que les retailers y investissent plus largement", nuance Martin Gentil, co-DG de eTail agency. Les marketplaces étaient 120 en 2020, avant que leur nombre double à 240 en 2022, selon Tradebooster. Decathlon, Leroy Merlin, Carrefour, Maison du Monde… ont lancé leur plateforme en 2020. Et ceux qui ne l'avaient pas fait, comme Castorama, IDKids ou Verbaudet, ont lancé leur marketplace ces six derniers mois.

Multiplication des investissements

En parallèle, les retailers déjà opérateurs d'une marketplace, augmentent leurs investissements. En octobre dernier, le groupe Fnac Darty révélait développer ses activités associées à la marketplace, notamment logistique. 20% du e-commerce du groupe en 2023 est issu de ses places de marché (Darty et Fnac). Pour renforcer l'attractivité de celles-ci, le groupe a décidé créer une co-entreprise avec Ceva Logisitics, Weaveen. Cette dernière propose des services logistiques aux 3 000 vendeurs tiers de ses places de marché. De son côté, Cdiscount annonçait, en novembre 2023, basculer la partie la moins rentable de son offre en propre vers la marketplace pour atteindre la rentabilité en 2024. L'e-commerçant a divisé par trois ses propres stocks. Alors que 50% des 3,5 milliards d'euros de volume d'affaires de Cdiscount était réalisé avec le modèle vendeurs tiers en 2022, cette part a atteint 60% en 2023.

Decathlon, comme La Redoute, a choisi de miser sur la modèle marketplace pour s'exporter à l'international en 2023. Le leader français des articles de sport en compte déjà 14 en Europe. Castorama, dont la place de marché a été lancée il y a un mois, a pour objectif qu'elle représente 35% de sa GMV à "moyen terme", estime Romain Roulleau, CDO de l'enseigne. "Nous avons monté une structure au niveau du groupe (Kingfisher) pour nous permettre d'accélérer sur la qualité des marchands qu'on référence, sur le niveau d'exigence et sur la proposition de valeur qu'on leur propose sur un territoire européen", explique-t-il. En deux ans la place de marché B&Q, du même groupe, a atteint 38% du e-commerce de l'enseigne.

Des sources de revenus additionnels

"Beaucoup de retailers ont lancé une marketplace, et continuent d'y aller pour deux raisons : rester pertinent sur sa catégorie pour prendre des parts de marché aux concurrents, et améliorer sa rentabilité", résume Sophie Marchessou. La CCO de Mirakl rappelle qu'être vendeur sur une marketplace engendre des coûts fixes moins importants avec une commission de 10-15% sur les transactions. "Depuis un an et demi, les retailers ont une capacité d'achat plus faible, constate le co-DG de eTail Agency. Pour pallier cela, ils ouvrent une place de marché où il n'y a pas de besoin d'achat." Cela permet à l'opérateur de ne pas prendre de risque de stock, de ne pas immobiliser de cash, tout en gardant la largeur de son offre. Si le directeur digital de Castorama France reconnaît que la place de marché est "un levier d'amélioration de la rentabilité", il assure que le groupe a pris la décision de se lancer "pour enrichir le modèle commercial, indépendamment de la tendance conjoncturelle actuelle".

"Pour les e-commerçants, c'est un moyen de monétiser davantage le trafic de sa plateforme"

Au-delà de la rentabilité du modèle, les marketplaces offrent des revenus alternatifs. En première position le retail media, vente d'espace publicitaire sur les sites e-commerce. Alors que les retailers capitalisent sur les datas et que la fin des cookies tiers rebat le mix media des annonceurs, le marché du retail media est au centre de l'attention. "Pour tout acteur qui a déjà un site e-commerce, c'est un moyen de monétiser davantage le trafic de sa plateforme", confirme Sophie Marchessou. Mirakl a lancé son produit retail media il y a un an et se dit très optimiste quant à son développement : "Nous avons déjà signé une quinzaine de clients". Même stratégie chez Octopia, fournisseur de solutions marketplace du groupe Cdiscount, "nous avons lancé notre offre retail media il y a quelques mois", confirme Stanislas Prigent, le DG. Les retailers comme Carrefour ou Kingfisher France ont également leur propre régie pour répondre à ces enjeux.

Pour les opérateurs les plus matures, la brique logistique peut aussi être une source de revenus supplémentaires. "Proposer la gestion logistique à ses vendeurs tiers permet de monétiser des espaces de stockage et un savoir-faire logistique e-commerce", développe Stanislas Prigent. C'est notamment ce que construit Fnac Darty avec Weaveen.

La marketplace est un modèle connu depuis une dizaine d'années mais dont l'attractivité se renforce au fur et à mesure que le marché se structure dans un contexte e-commerce mitigé. Chez les retailers, elle pèse en moyenne près de 30% du volume d'affaires e-commerce. Pour Martin Gentil, le co-DG de eTail agency, cette tendance va continuer à se développer : "certains retailers accélèrent tellement sur la marketplace qu'elle sera bientôt majoritaire dans leur business".