Black Friday : faut-il déléguer sa logistique aux marketplaces pour absorber le pic d'activité ?
L'équation est à la fois simple (à comprendre) et difficile (à résoudre) : comment absorber les pics d'activité occasionnés par le Black Friday et les fêtes de fin d'année sans pour autant dégrader son service ? Face à ce défi, certains vendeurs lèvent délibérément le pied, quitte à se priver de chiffre d'affaires. "Une marque nous a récemment demandé de bloquer un certain nombre de marketplaces parce qu'elle sait qu'elle ne pourra pas tenir le pic de fin d'année", témoigne Martin Gentil, DG d'eTail agency. Il existe cependant une autre solution : déléguer sa logistique aux plateformes.
Confier ses best-sellers
"Si on pense que sa logistique est fragile, la meilleure option est de la confier à la marketplace", affirme Martin Gentil. De nombreuses places de marché comme Amazon, Zalando ou Cdiscount proposent des services de fulfilment. L'option permet de déléguer sa logistique mais également la gestion du service client. "Une fois que vous avez livré vos produits à l'entrepôt, c'est la marketplace qui gère", résume le DG d'eTail agency. Mais si le dispositif permet de se défaire du poids de la logistique pendant une période tendue, il peut aussi être onéreux : au coût d'entrée et de sortie du stock s'ajoutent les frais d'expédition et des coûts de stockage en fonction du temps et des mètres cube occupés dans l'entrepôt.
Chez Amazon, les frais de stockage mensuels pendant la période des fêtes s'élèvent en moyenne à 25 euros par m3 pour les colis standards, soit 45 cm x 34 cm x 26 cm. Concrètement un tarif applicable pour une paire de chaussures, un jeu de société ou un mixeur. 25 euros qui doivent être additionnés aux frais d'expédition d'Amazon variant entre 5 et 11 euros selon le poids (dans la limite de 12 kilos).
"Un de nos clients est allé jusqu'à payer 25 000 euros de stockage chez Amazon"
Une nouvelle équation s'impose donc : elle consiste à arbitrer les stocks à envoyer à la plateforme pour que l'équilibre économique reste positif. "Nous confions aux marketplaces les produits qui ont une forte rotation pour éviter d'avoir à payer un espace de stockage trop cher", partage Emmanuel Benichou, DG des produits de la maison Aosom.fr. Un arbitrage également recommandé par eTail agency : "Il est possible de travailler sur des modèles hybrides où les best-sellers sont gérés par la marketplace, et les slow-movers vont rester chez le vendeur".
Un paramètre essentiel car certaines plateformes comme Amazon imposent des frais si le taux de rotation est trop faible. Chez le géant américain, ce supplément est calculé en fonction d'un ratio entre le volume moyen quotidien de votre stock entreposé et le volume moyen quotidien expédié au cours des trois derniers mois. Si celui-ci n'est pas bon, les frais additionnels débutent à 15,3 euros par mois par m3. "Et au bout d'un an, si le ratio n'est pas assaini, les frais explosent, confie Aristide Varzea, cofondateur d'eTail agency. Un de nos clients est allé jusqu'à payer 25 000 euros par an de stockage chez Amazon". Il faut donc être très vigilant sur ce point.
Accélérateur de ventes
En plus de soulager les vendeurs de la charge logistique et du service client, les produits gérés par la marketplace seront davantage vendus. "Les services fulfillment ne sont pas qu'une solution de stockage déporté, mais aussi un accélérateur de vente grâce au label CDAV ou Prime", confie le DG d'Aosom.fr. La raison est double : la place de marché pousse davantage ces produits et les consommateurs sont plus enclins à acheter des produits expédiés par Amazon, Zalando ou autre. Et le constat n'est pas propre à Aosom : "Beaucoup de consommateurs préfèrent le 'fulfilled by', cela a un impact très significatif sur les performances de vente", observe le directeur d'eTail agency. Après un A/B test, Aristide Varzea a constaté qu'un produit expédié par Amazon pouvait enregistrer 30% de ventes supplémentaires. "Environ 20% des abonnés Prime filtrent la recherche pour ne voir que les offres expédiées par Amazon", explique-t-il.
Un avantage certain pour le Black Friday où la compétition sur les plateformes est rude. D'autant plus cette année alors que "la concurrence sera particulièrement présente vu le niveau des stocks élevés des vendeurs, avance Martin Gentil. Or on est rarement le seul vendeur de ses produits sur une marketplace". Bien sûr, le coût de "fulfilment by" aura un impact sur le prix que le vendeur peut afficher (et donc sur sa marge). A lui de rester compétitif et rentable.
Une solution complémentaire
Déporter sa logistique pour passer les périodes de forte activité présente de nombreux avantages mais cela reste un complément. "Sur certaines marketplaces, comme Zalando, il n'est pas possible de confier son stock pour une période courte comme le Black Friday parce que la configuration et les process ne sont pas les mêmes que l'on utilise Zalando Fulfillment System (ZFS) ou notre propre stock", explique Alexandre Rochoux, responsable marketplaces chez Damart. Et d'autres, comme Amazon, refusent de prendre en charge ou font payer très cher un catalogue étendu car il n'y a pas assez de rotation sur chaque produit, ajoute-il.
Emmanuel Benichou estime que même sur une courte période, l'équation est complexe en raison des coûts invisibles : "Outre les coûts de prise en charge et de sortie de stock qui peuvent être élevés, il faut intégrer les coûts annexes, qui dégradent la marge, comme la préparation à la sortie de stock, et le rapatriement des stocks dans nos entrepôts si des produits ont dépassé la saison d'activité". Pour ce dernier point Amazon propose un service avec un coût non négligeable de 2 euros par colis standard retourné au vendeur local. La nature du produit à déléguer est donc à arbitrer au regard du catalogue du vendeur : "il faut regarder sa capacité à stocker le produit, à préparer les commandes et la marge sur cette référence", détaille le DG d'Aosom.fr. "Nous avons fait des calculs et pour trois produits du même poids, si l'un est vendu 10 euros TTC, les frais Amazon représentent 60% du prix. Pour le second vendu 35 euros la part d'Amazon tombe à 18%. Et enfin à 12% pour le troisième affiché à 50 euros", partage Aristide Varzea. De quoi rajouter quelques inconnues à l'équation.