Information ou alerte : une distinction vitale et responsable

Cet avis d'expert vise à sensibiliser les collectivités et élus aux différences entre applications d'information citoyenne et systèmes d'alerte officiels. Leur responsabilité pénale est en jeu.

Alors que nous connaissons régulièrement des épisodes climatiques marquants (Ciaran, inondations exceptionnelles…), la modernisation de la prévention et de la sécurité civile est plus que jamais au cœur des préoccupations. Dans ce contexte, il est crucial d’établir une distinction claire entre les applications d'information citoyenne et les systèmes d'alerte officiels. En jeu : une alerte efficace et fiable, mais aussi la responsabilité légale de nos élus, notamment les maires, en cas de défaillance.

La loi de modernisation de la sécurité civile (2004-811 du 13 août 2004) souligne que l'efficacité de l'alerte repose sur la rapidité, l'exhaustivité et la fiabilité de la transmission. Ces objectifs, alignés avec l'impératif d'information et de mobilisation des autorités locales, ne peuvent être compromis par l'adoption de moyens non vérifiés ou non réglementés. En effet, le Code de l'environnement (Article L125-2) et le Code général des collectivités territoriales (Art. L. 2212-2 et L.2212-4) stipulent clairement les obligations des communes dans la communication des risques et la gestion des crises. Le Code pénal (Art. 121-3 et 223-1) précise la responsabilité pénale en cas de manquement à ces obligations, soulignant la gravité de la gestion de l’information en matière d'alerte.

Le choix d'un système d'alerte ne doit pas être influencé par les promesses séduisantes d'applications citoyennes qui, bien que utiles pour la sensibilisation, ne remplissent pas les conditions strictes imposées par la législation en termes de réactivité, de portée et de responsabilité.

Les automates d'appel d'alerte, quels que soient leur fournisseur, sont eux conçus pour répondre à ces exigences légales et opérationnelles. En diffusant des messages préenregistrés ou en direct, adressés de façon massive mais ciblée sur l’ensemble des supports existants (téléphones fixes et mobiles, sms, courriel, télécopie, voire en couplage avec d’autres moyens d’alerte traditionnels – sirènes, panneaux à messages variables), leur capacité à atteindre rapidement une grande partie de la population, avec un message clair et un accusé de réception, est fondamentale en situation de crise. Ils visent à provoquer un comportement réflexe et pas seulement à diffuser des consignes générales.

À l'inverse, pour des raisons techniques, les applications citoyennes, qui nécessitent un téléchargement volontaire, ne peuvent garantir cette réactivité, ni cette exhaustivité. Quand les premiers ont une obligation de résultat, avec un délai de mise en œuvre rapide, un suivi et une astreinte 24/7, des canaux de communication dédiés et qu’ils savent fonctionner en mode dégradé, les seconds n’ont aucune obligation légale, garantie de service ni traçabilité.

Attentifs à l'aspect réglementaire de la protection des données personnelles, les élus comprendront aisément que les systèmes d'alerte, qui n’ont pas besoin du consentement préalable du destinataire en cas d'urgence (conformément à la déclaration de confidentialité de la CNIL, article 9.2-C et au RGPD) permettent d’entrer en contact avec une part significative de la population (70% des foyers selon ciitélécom, le leader français des automates d’alerte) contre quelques pourcents par le biais des applications qui nécessitent une action volontaire des utilisateurs pour recevoir des notifications.

FR-Alert, ce nouveau système gouvernemental basé sur la technologie cell broadcast, s’inscrit comme un complément précieux dans cette modernisation de l’alerte. Mais son utilisation et ses caractéristiques techniques présentent certaines limites (diffusion réservée aux Préfectures et instances nationales, émission radio sans ciblage géographique précis, absence de traçabilité de la réception, …) qui ne permettent pas aux élus de remplir leurs obligations réglementaires.

Au-delà de respecter les cadres légaux et de se prémunir d’une défaillance quant à leur responsabilité, l’adoption de systèmes modernes, efficaces et mesurables vise une ambition majeure : sauver des vies et préserver les biens de la population.