Alexandre Dayon (Salesforce) "Avec Demandware, l'e-commerce sera notre prochain business à un milliard de dollars"

Le président produit de Salesforce a répondu aux questions du JDN lors de l'événement français de l'éditeur américain le 23 juin à Paris. Il est revenu en détails sur le rachat de Demandware.

JDN. Vous avez annoncé un accord en vue d'acquérir Demandware pour 2,8 milliards de dollars. Il existe beaucoup d'autres applications d'e-commerce en mode SaaS. Pourquoi vous êtes-vous orienté vers celle-ci ?

Alexandre Dayon est président produits de Salesforce.    © JDN

Alexandre Dayon. L'e-commerce fait partie intégrante de l'expérience client. Elle doit pouvoir s'intégrer aux ventes, au marketing, au service client. Mais c'était jusqu'ici un angle mort de notre stratégie produit. 

Le choix de Demandware a été motivé par plusieurs critères. D'abord, cet acteur fait partie des trois leaders du marché des applications d'e-commerce. Il s'agit aussi du leader sur ce créneau dans le cloud, et de loin. Il n'y a pas d'autres sociétés de cette taille sur ce segment, qui opère une offre à 100% dans le cloud. Plus de 500 sites marchands reposent sur Demandware. Ce choix nous a donc paru assez naturel. D'autant que nous souhaitions rentrer sur ce marché en bénéficiant d'emblée d'une masse critique.  

Quelle est la feuille de route de cette acquisition ?

Nous avons amorcé le processus d'achat, à la fois sur le volet juridique et financier. Nous prévoyons de boucler la transaction courant juillet. Une fois l'opération finalisée, Demandware rejoindra notre offre et sera rebaptisé Salesforce Commerce Cloud. Mon travail en tant que président produits consistera ensuite à intégrer la solution. C'est-à-dire intégrer l'expérience client portée par Demandware au reste du parcours client mis en musique par les solutions Salesforce. 

Demandware est considéré comme une solution d'e-commerce haut de gamme. Allez-vous repositionner cette offre en vue de la mettre à la portée d'une cible plus large ?

Demandware a concentré sa politique commerciale sur de grandes marques, comme L'Oréal ou encore Lacoste en France par exemple. Nous estimons que cette technologie peut tout à fait être simplifiée pour s'ouvrir plus largement. Qui peut le plus, peut le moins. Mais tout l'intérêt de Demandware réside dans sa capacité à répondre à la complexité des grandes marques de retail, notamment en termes de gestion de catalogue de produits. Demandware est capable de répondre à leurs exigences les plus avancées en matière de fonctionnalités, jusqu'à des notions de configurateur de produits. Les solutions d'e-commerce orientées "middle market" ou PME sont incapables de répondre à ce type de besoin.

"Nous souhaitons faire de Demandware un cloud majeur"

Nous observons aujourd'hui une demande très forte de tous les grands retailer de combiner l'e-commerce au reste du parcours client. C'est là où le rachat de Demandware prend tout son sens. 

Vous êtes parvenus à hisser en 5 ans le chiffre d'affaires de Service Cloud, votre solution de service client, à 1 milliard de dollars. Quel est votre objectif dans l'e-commerce ?

L'e-commerce sera le prochain milliard de dollars de Salesforce [comprendre la prochaine activité de Salesforce à atteindre le milliard de dollars de chiffre d'affaires NDLR]. Je ne peux pas communiquer d'échéance. Mais nous avons une volonté très affichée d'en faire un cloud majeur et même un produit rapportant plusieurs milliards de dollars. C'est clairement mon objectif en tant que responsable produit de Salesforce. 

Les synergies commerciales envisagées sont très fortes avec les équipes Demandware. Leur technologie est de qualité, mais l'entreprise reste de taille moyenne. Notre objectif à court et moyen terme sera d'accélérer la croissance de cette activité à travers notre réseau international de distributeurs et partenaires. 

Avez-vous déjà planché sur des scénarios d'intégration plus approfondis ?

Étant déjà partenaires, nous avons un grand nombre de clients communs avec Demandware. Une intégration plus profonde de cette solution à notre offre pourra permettre à ces clients de prendre mieux en compte leurs données d'e-commerce dans leurs campagnes marketing, et même leur relation client en magasin. Connaître le parcours e-commerce d'un client est en effet un élément central pour ensuite mieux le conseiller en magasin. Le digital et le physique vont être amenés à se connecter de plus en plus. C'est l'une de nos grandes grandes visions à travers cette acquisition.

"Nous optimisons toute notre pile logicielle pour AWS"

En rachetant Demandware, notre ambition est aussi de renforcer sa position de leader du Magic Quadrant du Gartner sur l'e-commerce. Aujourd'hui, Demandware est  dans le carré des leaders, au coude-à coude avec Oracle, SAP-Hybris et IBM.

Vous avez annoncé vouloir recourir plus souvent au cloud d'Amazon Web Services (AWS) pour accélérer votre développement international. Vous aviez privilégié jusqu'ici un hébergement interne, sur des infrastructures qui vous sont propres. Pourriez-vous, à terme, basculer toutes vos applications sur AWS, voire même abandonner votre infrastructure Oracle historique ?

Nous avions déjà plusieurs produits basés sur AWS. C'est le cas de la plateforme cloud Heroku. Mais aussi de briques liées à l'intelligence artificielle qui reposent sur Amazon EC2. Nous avons donc déjà une relation forte avec Amazon. Et dans les deux sens d'ailleurs. Amazon est en effet, aussi, un utilisateur des applications Salesforce. Le partenariat que nous avons signé vient renforcer cette collaboration.

L'accord que vous évoquez s'inscrit en effet dans notre plan d'extension internationale. Pour accroître notre présence géographique, nous avons deux options possibles. En France comme dans d'autres pays, nous avons décidé de déployer notre propre infrastructure matérielle [lire aussi : Salesforce ouvre son data center en France]. Dans d'autres zones en revanche, on se pose la question de recourir plutôt au cloud. C'est d'ailleurs une demande des clients qui souhaitent s'ouvrir à ce type de plateforme publique. Pour eux, c'est intéressant de bénéficier de Salesforce sur AWS dans la mesure où ils hébergent aussi d'autres applications sur le cloud d'Amazon. Cette cohabitation ouvre des perspectives d'intégration très intéressantes.

"Notre vision : exécuter Salesforce sur AWS et pourquoi pas dans d'autres environnements"

Nous allons procéder par étape. Nous en sommes qu'au tout début. Dans un premier temps, nous prévoyons de proposer 100% de notre offre sur AWS au Canada, en Australie. Mais cette migration ne veut pas dire que nous abandonnons l'infrastructure logicielle d'Oracle pour supporter nos applications. Elle sera elle aussi portée sur le cloud d'Amazon.

A terme, notre vision est de pouvoir exécuter pleinement les applications Salesforce à la fois dans notre environnement, sur Amazon Web Services, et même dans d'autres environnements. Notre vision est d'utiliser les meilleures technologies pour livrer le service à nos clients.

Suite au rachat de LinkedIn, Microsoft a communiqué sur plusieurs axes de développement. Il envisage notamment d'intégrer les données du réseau social à son CRM Dynamics comme base de leads. Est-ce que Microsoft (avec lequel vous avez signé un partenariat d'intégration autour d'Office) n'est pas en train de redevenir un concurrent sérieux ?

Nous ne concevons pas notre relation avec Microsoft comme concurrentielle. Cette acquisition ne change absolument rien à nos relations avec Microsoft. Ce que nous demandent les clients est avant tout d'améliorer l'intégration de notre offre avec Office, et notamment avec certaines de ses briques comme Outlook ou Skype for Business. C'est là tout l'enjeu du partenariat que nous avons signé. Nous travaillons aussi ensemble autour de l'intelligence artificielle sur Azure, car Microsoft a, dans ce domaine, des technologies très intéressantes.

Je pense que LinkedIn pourrait apporter beaucoup de valeur aux utilisateurs d'Office, par exemple via des synergies entre le Office Graph et le graph de LinkedIn. Cette décision d'acquérir LinkedIn est très intelligente.

Biographie professionnelle : Alexandre Dayon est devenu président produits de Salesforce en 2014. Il était précédemment vice-président Applications et Plateforme de Salesforce. Ce Français a rejoint le comité de direction du spécialiste du cloud en 2008 lors du rachat par le groupe américain d'InStranet, société spécialisée dans la gestion des connaissances dont il était fondateur.

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