Facebook, Google, IBM, Samsung... : leur plan dans l'IA à Paris

Facebook, Google, IBM, Samsung... : leur plan dans l'IA à Paris Tous ont ouvert ou se préparent à ouvrir en région parisienne des laboratoires dans l'intelligence artificielle. Tour d'horizon des forces en présence et domaines de recherche ciblés.

Facebook, Fujitsu, et maintenant Google, IBM et Samsung. Attirés par les talents scientifiques locaux et la prestigieuse école de mathématiques hexagonale, ces géants informatiques investissent tous dans des équipes de R&D françaises en intelligence artificielle. Tous ont choisi la région parisienne pour installer leur plateforme.

Les centres de R&D en intelligence artificielle des géants du numérique en France
Groupe Lieu  Effectif Type de recherche Domaines
Facebook Paris 40 personnes Recherche fondamentale Classification de texte, traitement vidéo, bot de stratégie, théorie de l'apprentissage...
Fujitsu Saclay 15 personnes Développement produits Sécurité des réseaux bancaires, usages vidéo au service du commerce de détail et de l'industrie...
Google Paris 15 à 20 personnes envisagées d'ici la fin de l'année Recherche fondamentale Champs de recherche dans l'environnement, la santé, et la culture et les arts.
IBM Saclay NC Recherche fondamentale et développement produits Développement de systèmes et solutions d'IA et HPC.
Samsung Paris 100 personnes envisagées d'ici 2 ans Développement produits Voiture autonome et IA appliquée à l'IoT.

Premier à s'être lancé (dès 2015), Facebook a retenu Paris pour implanter l'un de ses quatre laboratoires de recherche fondamentale en IA (les trois autres étant situés à Menlo Park en Californie, à New York et à Montréal). Sur les quelque 160 chercheurs et ingénieurs que compte Facebook sur ce terrain, la capitale française en accueille 40, un effectif qui devrait passer 100 d'ici 2022. Ils se répartissent entre 30 permanents et une dizaine de doctorants (à mi-temps). Sous convention Cifre, ces derniers sont issus de diverses structures de formation (CNRS, Ecole des Ponts, universités du Mans, Dauphine...). "Nous avons annoncé en janvier 2018 une enveloppe de 10 millions d'euros pour financer des Cifre et soutenir des projets de recherche publique menés en lien avec l'Inria", rappelle Antoine Bordes, responsable de l'AI Research Paris Lab de Facebook. Composé principalement de Français, le centre compte au total une douzaine de nationalités.

"Facebook utilise nos techniques de classification automatique de texte pour détecter les contenus inappropriés"

Les domaines couverts par l'AI Research Paris Lab sont variés. "Nous travaillons par exemple sur la reconnaissance vidéo de silhouette pour changer virtuellement les vêtements d'une personne filmée. Dans un tout autre domaine, nous développons un bot conçu pour jouer à StarCraft via l'apprentissage par renforcement", détaille Antoine Bordes. "Plus globalement, nous tentons de résoudre l'une des principales limites du machine learning : les gros volumes d'exemples dont un ordinateur a besoin pour apprendre." Reste que les résultats du centre se retrouvent rarement intégrés aux produits de l'entreprise. "Nous avons aux Etats-Unis un laboratoire d'IA appliquée qui, lui, est plus proche des équipes produits. Pour autant, les techniques de classification automatique de texte que nous avons mises au point à Paris sont par exemple utilisées par Facebook pour détecter les contenus inappropriés", révèle Antoine Bordes.

Dans le sillage de Facebook, Fujitsu a inauguré sa R&D en France en septembre 2017. Egalement partenaire de l'Inria, elle est hébergée sur le campus de l'école Polytechnique à Saclay. Une quinzaine d'experts en IA y ont été recrutés depuis son ouverture. "Cela devrait suivre la même dynamique dans les mois à venir, en fonction de l'avancée des projets lancés et du développement du centre à l'échelle européenne", précise un porte-parole. Déjà investi sur une trentaine de projets, le centre planche notamment sur "les usages vidéos au service du commerce de détail et de l'industrie". Autre chantier en ligne de mire : la création d'une solution d'IA dans la sécurité des réseaux bancaires. Un projet pour lequel Fujitsu a décroché le soutien de l'UE dans le cadre du programme de recherche européen "Horizon 2020".

IBM entend recruter en France 400 experts en intelligence artificielle dans les prochaines années

A l'occasion de la remise du rapport Villani sur l'IA au gouvernement le 29 mars dernier, Google, IBM et Samsung ont annoncé vouloir à leur tour ouvrir des laboratoires en IA dans l'Hexagone. Très ambitieux, IBM entend recruter en France pas moins de 400 experts en intelligence artificielle dans les prochaines années. Une partie de ce bataillon viendra grossir les rangs de ses consultants Watson. Quant à l'autre partie, elle intégrera son pôle scientifique et technologique de Saclay. "Cette R&D aura notamment pour but de développer la future génération de nos systèmes d'intelligence artificielle", indique IBM France, sans dévoiler l'effectif précis qui sera dédié à cette mission.

De son côté, Samsung a indiqué vouloir faire de Paris l'un de ses trois principaux centres de développement mondiaux en IA. Cela doit se traduire par le recrutement d'une centaine d'ingénieurs d'ici deux ans, dont la moitié dès cette année. Le chantier est porté par le Français Luc Julia. Co-créateur de l'assistant vocal Siri d'Apple, il est vice-président innovation de Samsung depuis 2012. "Il y a trois ans, nous avons mis sur pied une première structure d'innovation d'une quinzaine de personnes à Paris. Elle est à l'origine du cloud IoT de Samsung, SmartThings Cloud", explique l'intéressé. "Le nouveau centre aura pour vocation de franchir une nouvelle étape : rendre l'IoT plus intelligent. Son autre sujet principal sera la voiture autonome". Pour développer cette activité, la société sud-coréenne envisage d'acquérir "assez rapidement" une ou deux start-ups locales et d'investir dans d'autres.

Samsung envisage d'acquérir "assez rapidement" une ou deux start-ups locales et d'investir dans d'autres

Qu'en est-il de Google ? Mountain View entend commencer par recruter entre 15 et 20 chercheurs en IA en France cette année. Centré à l'instar de l'AI Research Paris Lab de Facebook sur la recherche fondamentale, son centre parisien aura pour mission d'étudier comment l'IA peut résoudre des problèmes sociétaux. Trois grands champs d'investigation ont été définis : l'environnement, la santé, ainsi que la culture et les arts. "Nos travaux de recherche en IA se retrouvent dans de nombreux produits, de notre API de reconnaissance d'image Cloud Vision à notre service cloud AutoML taillé pour créer des modèles d'auto-apprentissage, par exemple", liste Olivier Bousquet, directeur de recherche en machine learning de Google. 

A la tête de l'IA chez Facebook, on retrouve deux français : Jérôme Pesenti (à droite), ex-directeur de la recherche de Watson chez IBM et actuellement VP IA du réseau social, et Yann Lecun, directeur scientifique et de la stratégie IA du Californien. © JDN / Capture

En vue de dynamiser ses relations avec la recherche publique française, et in fine d'attirer de nouveaux talents, Google a annoncé à l'occasion du dépôt du rapport Villani la création d'une chaire en intelligence artificielle en partenariat avec l'Ecole Polytechnique, mais aussi la signature d'un accord avec l'Inria qui prévoit la mise en œuvre de projets de recherche communs dans l'algorithmie. Comme Facebook, Google entend lui-aussi proposer des bourses Cifre à des doctorants français, ainsi que des stages de formation de longue durée dans son centre parisien.

D'autres groupes IT internationaux disposent également de chercheurs en IA en France, mais au sein de centres de R&D plus globaux. C'est le cas de Cisco. En 2015, l'équipementier a ouvert un laboratoire au cœur de son siège français à Issy-les-Moulineaux. Il compte 30 ingénieurs et chercheurs à plein temps et une vingtaine de doctorants, post-doctorants et apprentis. L'IA fait partie de ses champs d'investigation aux côtés du big data, de la cyber-sécurité, du cloud et de l'IoT. De même pour le laboratoire français de SAP (situé au sein de la tour de l'éditeur à Levallois-Perret). Ce dernier accueille, notamment, la R&D issue du rachat de Recast.AI, une start-up française éditrice d'un environnement de développement de chatbots.