Comment l'IA se met au service de l'expérience utilisateur

Comment l'IA se met au service de l'expérience utilisateur Le machine learning devient un outil de personnalisation des contenus web et des parcours client. Les acteurs de l'A/B testing et de la recommandation s'engouffrent sur ce créneau.

Une IA permettant de générer l'expérience digitale optimale en fonction du client ou du prospect. Une IA qui permet de maximiser la probabilité de transformation et de passage à l'acte d'achat. Cette vision, qui ferait de l'intelligence artificielle le Graal des directions marketing et commerciales, commence à se profiler. Les acteurs de l'A/B testing et du marketing prédictif, au premier rang desquels les Français AB Tasty, ContentSquare et Kameleoon, avancent leurs pions sur ce terrain. Tout comme les éditeurs de moteurs de recommandation.

"Les algorithmes de machine learning nous permettent de segmenter les utilisateurs d'un site ou d'une app par profils comportementaux, puis de définir pour chaque segment des scores d'appétence pour tels ou tels contenus ou produits", explique Jean-René Boidron, président de Kameleoon. "Pour dresser ces profils, nous nous basons à la fois sur les sessions de navigation sur le serveur, la provenance des internautes sur le web et leur localisation au regard de leurs adresses IP sources. Mais aussi sur des informations issues de data management platform tierces (DMP), si besoin." Sur ce terrain, AB Tasty a signé un accord avec la DMP Sirdata pour glaner des profils d'intérêt en provenance d'autres sites web.

Au final, l'interface web et ses différents composants (produits, images, messages…) seront personnalisés en fonction de chaque segment élaboré. Des exemples ? "Sur 15 univers de produits, le bijoutier Swarovski s'adosse à notre outil pour en sélectionner trois à afficher sur son site en fonction des visiteurs. Toyota y a recours pour détecter sur son portail les leads à plus forts potentiels d'achat en vue de les inviter à essayer gratuitement un véhicule en concession. Quant à Cdiscount, il utilise notre technologie pour individualiser ses campagnes promotionnelles. En fonction de l'intention d'achat et du degré d'hésitation des leads, il dose ses messages et envoie des bons de réduction plus ou moins importants, voire aucun si le comportement détecté révèle que l'utilisateur est prêt à sortir sa carte de crédit."

L'enjeu : dessiner une UX nuancée

Face au défi de l'optimisation des UX, Capgemini a développé un moteur de recommandation qu'il déploie chez plusieurs retailers. Pour calculer les scores de prédiction sous-jacents, il se base également sur les historiques de navigation, à la fois on-site et off-site. Baptisée SaCha, la solution se présente sous la forme d'un assistant intelligent conçu pour répondre aux questions des clients en langage naturel et in fine les orienter vers les produits les mieux adaptés : "Avez-vous des chemisiers rouges ?" "Je vois beaucoup de pantalons taille haute, est-ce à la mode ? En avez-vous en stock ?", etc. Aux côté de SaCha, de nombreux moteurs de recommandation intégrant du machine learning sont disponibles sur le marché, mais sans pour autant intégrer un chatbot. C'est le cas notamment d'Adobe Target, Antvoice, Early Birds, Nosto, Nuukik, Oracle Real-Time Decisions, Target2Sell ou encore Tinyclues.

"La principale difficulté est de parvenir à des recommandations nuancées qui ne soient pas trop prévisibles du point de vue de l'utilisateur, ce qui peut engendrer un sentiment de suspicion voire de rejet", analyse Simon Lusinchi, lead digital customer experience chez Capgemini. Dès lors, tout l'enjeu est de remettre en permanence le comportement observé dans son contexte. "L'internaute peut avoir consulté un contenu par hasard. Ce qui risque d'entrainer des biais dans le processus. Tout l'enjeu sera de faire la différence entre telle et telle attitude", souligne Simon Lusinchi.

"Il s'agit de définir des segments de visiteurs avec des comportements similaires auxquels on adressera les messages les plus efficaces de manière uniforme"

La segmentation pourra par ailleurs prendre en compte le type de terminal. "En fonction des spécificités de l'écran d'affichage, il sera envisageable de composer l'interface graphique différemment, avec une navigation en scroll adaptée sur mobile notamment", complète Hubert Wassner, chief data scientist chez AB Tasty.

Dans les coulisses, des algorithmes statistiques, notamment de clustering, entrent dans la danse pour affûter la segmentation au fur et à mesure de l'évolution de l'offre. "Il ne s'agit pas de personnalisation au sens littéral du terme. Mais plutôt de définir des segments de visiteurs avec des comportements similaires auxquels on adressera des messages de manière uniforme selon le segment", pondère Hubert Wassner. Et Jean-René Boidron de renchérir : "Il est évidemment nécessaire de border sa politique de brand content en amont et de préciser au préalable les messages qu'on souhaite pousser."

Pour affuter l'analyse des sessions utilisateurs sur un site, AB Tasty est allé jusqu'à développer un moteur de NLP (natural language processing). "Il se charge d'analyser les pages consultées en termes de mots clés touchant aux articles et univers d'articles. Il permet ainsi de cerner précisément les fiches produit parcourues dans toute leur granularité, saisir sur un site d'e-commerce, par exemple, qu'un utilisateur a consulté plusieurs pages liées à l'univers des chemises et qu'il a sélectionné une couleur particulière. L'idée étant ainsi d'affiner les segmentations de comportement en vue d'améliorer le ciblage."

Suggérer des contenus aux designers

Côté design graphique des UX, il est aussi désormais envisageable de faire appel à des moteurs de suggestion. Une piste qu'explore AB Tasty. Via Office 365, Microsoft planche également sur le sujet pour aider à concevoir les documents bureautiques. En vue de répondre à ce cas d'usage, les modèles d'auto-apprentissage commencent par décrypter un message préalablement défini. Partant de là, ils pourront suggérer des illustrations qu'ils considèrent comme adaptées à la sémantique du texte en allant puiser dans une photothèque. "Il faudra avoir préalablement tagué et indexé cette base via un moteur de reconnaissance d'images pour permettre à l'algorithme de faire le lien entre une photo et le contenu du texte", complète Hubert Wassner. Le data scientist donne l'exemple d'une agence de voyage. "Si un client souhaite partir aux Maldives et qu'il est identifié comme passionné de plongée, le système pourra alors lui pousser des images de fonds marin plutôt que des photos de plage paradisiaque."

"Au final, le machine learning répond pour l'heure à deux questions fondamentales en matière d'UX : à quel moment pousser un message en fonction de l'état d'esprit d'un utilisateur à un instant T ? Et quelles informations ce message doit contenir ?", résume Simon Lusinchi. "Sur une plateforme de streaming musical par exemple, les morceaux écoutés seront différents en fonction de l'évolution de l'offre et de la période, du moment de la semaine et de la journée, du type de terminal utilisé. Le temps d'écoute pourra varier aussi." Et Simon Lusinchi d'insister : "Si la recommandation ne convient pas, il doit toujours être possible de revenir en arrière et réactiver une UX moins personnalisée pour repartir de zéro".