Pourquoi la révolte des machines ne nous menace pas encore ?

Certains acteurs voient en l'IA une sorte de sauveur capable de résoudre tous les problèmes de l'humanité, d'autres au contraire un monstre arrachant aux gens leur travail et s'emparant du monde. En vérité, chacune de ces deux variantes sont loin de la vérité.

Si beaucoup de choses dépendront du rythme de développement des technologies dans les années à venir, peu de gens doutent des perspectives qu’offre l’intelligence artificielle. Selon les prévisions de Gartner, l’introduction de l’intelligence artificielle rapportera aux entreprises 2900 milliards de dollars en 2021 en faisant économiser 6,2 milliards d’heures-hommes. Si en 2017 le marché de l’IA représentait 4,8 milliards de dollars, on prévoit que sa croissance sera multipliée par 20 d’ici à 2025 pour s’élever à 89,8 milliards de dollars. Pourtant, l’intelligence artificielle utilisée actuellement dans l’industrie et la production n’est en mesure de résoudre que des problèmes locaux. Et bien que l’utilisation des technologies sans fil dans la production a augmenté ces dernières années à un rythme de 32% par an, l’internet industriel des objets ne couvre pas plus que 6% de la production dans le monde.

Des raisons objectives limitent de nos jours le potentiel de l’intelligence artificielle, ainsi que le développement de son introduction. Deux problèmes essentiels peuvent être dégagés.

L’absence des normes et des réglementations unifiées de traitement des données

Près de 65% de l’étude de l’introduction de l’intelligence artificielle sont consacrés à la recherche et à la collecte des données nécessaires à son travail. Par ailleurs, un système de stockage des informations pratique pour l’homme ne l’est pas toujours pour l’IA, étant donné qu’il n’a pas été conçu pour elle. Le fait que chaque entreprise dispose de son propre système de recueil et de stockage des informations vient apporter une touche finale au chaos général.

Il en ressort que la vitesse de l’introduction de l’intelligence artificielle est freinée par le fait que les entreprises ne sont pas prêtes à investir dans la collecte et le stockage des données, à gérer ce processus et à le prendre en compte dans leurs principales activités.

L’incapacité de l’intelligence artificielle à résoudre des problèmes uniques

La complexité réside entre autres choses dans les spécificités industrielles des entreprises et les spécificités des processus technologiques : il est impossible de proposer des solutions standardisées universelles dans le domaine de l’intelligence artificielle pour la production pétrochimique et métallurgique. Il faut parfois chercher une approche individuelle pour une installation industrielle concrète.

Par exemple, chaque haut fourneau est fabriqué sur commande, ses paramètres sont sélectionnés individuellement pour résoudre des problèmes concrets de production, le cycle de vie et le niveau de dégradation de chaque fourneau varie également.

On rencontre des difficultés similaires avec les raffineries de pétrole, dont les étapes de production peuvent être uniques pour chaque entreprise. Et puis, comme nous le savons, l’intelligence artificielle n’aime pas tout ce qu’il est impossible de standardiser ; son niveau de développement ne lui permet pas encore de s’adapter facilement aux solutions technologiques variables dans une production complexe. C’est la raison pour laquelle il faut tout expliquer au programme dans le moindre détail, en le formant pour chaque processus séparément. En plus des informations sur le fonctionnement l’entreprise, l’IA a aussi besoin de données sur ses activités générales, ainsi que sur les processus physiques et chimiques pertinents pour chaque type de production.

Très souvent les techniciens expérimentés dans la fabrication des métaux comptent sur leur intuition. Ils utilisent, par exemple, des ferroalliages pour obtenir la composition chimique nécessaire de l’acier. L’acier allié à des ferroalliages possède des caractéristiques physiques et chimiques améliorées. Et, comme le montre la pratique, les écarts dans les volumes des ferroalliages ajoutés varient entre les différentes entreprises d’une même production. Cela affecte considérablement les coûts des matières de production qui pourraient être optimisés, si la décision de changer le taux de ferroalliages était unifiée grâce à l’intelligence artificielle et non prise d’après l’intuition de tel ou tel spécialiste dans chaque entreprise. Tout repose ici sur l’absence de mécanismes réglés de recueil des données : elles sortent souvent de la tête de quelqu’un et ne sont pas enregistrées.

L’intelligence artificielle peut-elle apprendre en observant le travail de l’homme, en collectant les données sur la façon dont le spécialiste prend ses décisions en fonction des facteurs extérieurs ? Oui, elle le peut et même le doit. Mais les décisions qu’elle prendra durant le travail seront limitées aux schémas appris. Si au cours de la production, l’IA venait à rencontrer une situation inconnue, une situation qu’elle n’a jamais vue, elle sera alors désorientée et contrainte de confier la gestion à un spécialiste.

Remarquons que les grands fournisseurs d’équipements industriels comme Siemens et Mitsubishi qui ont dès le début imposé à leurs sous-traitants un système de recueil de données à partir des équipements, possèdent un certain avantage en matière d’introduction de l’IA.

De manière générale, l’absence de normes et de réglementations unifiées dans le travail avec les données freine considérablement la numérisation. C’est la raison pour laquelle la révolte des machines n’arrivera pas tant que l’homme voudra prendre des décisions intuitives et que la confusion générale régnera dans les processus industriels.

Il convient d’évaluer raisonnablement les capacités de l’intelligence artificielle moderne : elles sont limitées par des cadres rigides. C’est pourquoi des solutions dans le domaine de l’IA sont introduites de manière ponctuelle à certaines étapes de la production.

Ici, nous ne parlons pas encore d’intelligence, seulement de ses rudiments. Sans l’homme, l’intelligence artificielle ne peut encore rien faire du tout : ni apprendre, ni s’orienter au milieu des facteurs variables, parce qu’au fil des années l’industrie a été créée par l’homme et pour l’homme. C’est pourquoi l’IA ne pourra remplacer l’homme que dans un avenir très lointain. Dans l’incertitude, le programme demandera une sanction pour toute action à l’homme. Et c’est très bien ainsi ! Parce que la sécurité doit toujours primer lors de l’utilisation de l’intelligence artificielle au cours de la production et toute mauvaise prise de décisions par le programme doit pouvoir être interceptée par l’homme. Nous espérons que les études permettront de créer une intelligence artificielle capable de généraliser, d’intégrer l’expérience et de prendre en toute sécurité des décisions correctes dans les situations dangereuses.