La reconnaissance faciale, risques ou avantages ?

Les mesures prises pour freiner la propagation de la pandémie ont entraîné de nombreux débats passionnés sur les libertés individuelles, tout comme cela a été le cas quelques mois auparavant avec l'utilisation potentielle de la reconnaissance faciale.

L’innovation a depuis toujours été synonyme de progrès pour la société et a produit un effet de levier pour améliorer les conditions de vie. En l’espace de 400 000 ans, elle a permis de passer de la domestication du feu à des technologies de pointe telles que l’Intelligence Artificielle (IA). Quand les innovations sont maîtrisées, elles sont indéniablement prometteuses d’avenirs meilleurs et porteuses de bénéfices. Réprimées, le statu quo règne et ce, au détriment de tous. Comme l’indique la célèbre écrivaine belge Amélie Nothomb dans Acide sulfurique : "C'est une loi de la nature. Ce qui n'avance pas recule". C’est donc par ce biais-là qu’il faut appréhender le computer vision, la technologie d’analyse d’images et de vidéos par ordinateur sur laquelle repose la reconnaissance faciale. 

Qu’en est-il vraiment de cette technologie de reconnaissance faciale ?

Après des débuts balbutiants du fait des marges d’erreur, les algorithmes de computer vision ont énormément progressé avec le développement de la puissance de calcul et la croissance exponentielle des données, à commencer par des photos et vidéos de visages dans le cas de la reconnaissance faciale. Les analyses ont fourni des résultats de plus en plus fiables grâce à l’utilisation de l’IA et du machine learning avec pour avantage une réduction considérable des délais de traitement. 

Le déploiement de la reconnaissance faciale dans la sphère publique suscite beaucoup plus d’inquiétudes quant aux potentielles utilisations intrusives. Le cas de la Chine est très parlant en la matière et sert d’exemple aux plus réfractaires à son adoption. En effet, plus de 200 millions de caméras (450 millions sont prévues d’ici fin 2020) filment la population en faisant tourner en continu des algorithmes de reconnaissance faciale permettant ainsi à l’Etat d’exercer un contrôle parfois contestable. 

Qu’en est-il de l’adoption de cette technologie sur l’Hexagone ?

A l’heure actuelle, la France compte un peu plus d’un million de caméras de surveillance. En 2019, la Ville de Nice a lancé une expérimentation de reconnaissance faciale lors de son carnaval annuel. Celle-ci avait été autorisée par la CNIL puisqu’elle consistait à demander l’autorisation à 5 000 volontaires de partager le temps de l’expérience les données photos de leur visage pour tester la capacité à être retrouvés dans la foule. Si cette expérimentation a été couronnée de succès d’un point de vue technique avec plus de 98% de résultats positifs obtenus, elle l’a été un peu moins au regard de l’acceptation. 

Indépendamment de cette expérience, la CNIL s’est exprimée sur Twitter sur les risques liés à la "banalisation de technologies intrusives", et de "surveillance accrue, susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de notre société démocratique". Il s’agit là d’une prise de position et de mots qui vont au-delà de la simple demande de vigilance mais qui a le mérite d’inciter à réfléchir à un cadre concret d’utilisation. 

Il est important que le déploiement sur le terrain des technologies émergentes soit encadré d’un point de vue légal et qu’il réponde à des critères d’ordre éthique. Par exemple, la CNIL joue un rôle prépondérant dans le domaine de la protection des données. En revanche, quel que soit le domaine technologique en cause et que l'invention puisse ou non être dite "de pionnier", la prise de risque est la condition sine qua non pour qu’il y ait l’innovation. Aussi, il est crucial d’adopter une certaine déontologie quand il s’agit de l’exploiter sur le terrain. 

Quels sont les avantages de l’usage de ces technologies ?

Si l’on considère le cas de la reconnaissance faciale dans un Etat de Droit comme la France, il existe des cas d’usages très profitables pouvant enclencher un cercle vertueux d’actions. L’analyse d’images peut être utile dans de nombreux cas. Dès lors que l’on arrive à modéliser la normalité d’une situation, on est en capacité de détecter des situations anormales. Dans le cas de l’analyse de vidéos et de photos, avec les progrès scientifiques, les améliorations des algorithmes et des bases de données d’apprentissage, il est possible d’atteindre des taux de fiabilité très élevé et ce, dans des délais de traitements record. 

Par exemple, la reconnaissance faciale couplée au fichier du Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) a permis de résoudre des enquêtes cruciales telles que l’attentat au couteau qui a eu lieu à Paris en mai 2018 ou celle du "terroriste à vélo" qui a posé une bombe à Lyon en mai 2019. Cette technologie a permis d’analyser, à des fins d’utilité publique, une base de données qui rassemble les informations sur les procédures de police et gendarmerie, contient 18,9 millions de fiches de personnes mises en cause (près de 8 millions de photos) et représente 6 téraoctets de données dans des délais records. Il est possible de citer plusieurs exemples d’applications de cet ordre à travers le monde entier et dans des domaines variés qui ont pour seul dénominateur commun le bénéfice qu’elles dégagent et qui se traduit par un solde positif pour l’utilisateur ou le public concerné. 

Dès lors, nous pouvons affirmer que rien ne sert d’être réfractaire aux progrès technologiques. Il est certain qu’aucune technologie, aucune solution, ne sera jamais à 100% infaillible, à l’instar de la médecine qui n’est pas une science exacte. D’ailleurs, l’homme n’aurait jamais posé un pied sur la Lune s’il avait fallu atteindre 0% de risque avant d’envoyer Saturne V et Eagle dans l’espace avec des pilotes automatiques sur des ordinateurs qui ont une puissance de calcul plus faible que nos smartphones actuels. L’unique moyen de garantir un niveau de sécurité et un usage approprié d’une nouvelle technologie est de laisser libre cours à l’expérimentation connue et acceptée sans contrainte par son utilisateur et encadrée dans le respect de la vie privée.