L'intelligence artificielle au secours de la paix sociale ?

L'IA offre des avancées importantes, mais la population reste perplexe. Ceci s'explique par la valeur ajoutée trop peu palpable du fait d'un taux moyen d'automatisation des tâches inférieur à 60%. La solution pour éradiquer la frustration populaire ? Accélérer la dynamique pour excéder un taux moyen d'automatisation de 90%.

Depuis de nombreuses années, les démocraties occidentales témoignent de revendications populaires en hausse. Et à juste titre. En effet, le modèle économique marchand qui a régné sur la sphère sociale depuis des décennies, voire des siècles, s’effrite à un rythme effréné au profit d’un autre. Ce dernier n’est autre que le modèle cognitif, exclusivement basé sur l’intelligence artificielle généralisée. Il est nécessaire de rappeler que l’IA est la technologie la plus conséquente de ces derniers siècles pour deux raisons. La première est liée à son développement qui connait un rythme inégalé dans l’histoire. La deuxième se réfère à son impact systémique. Autrement dit, aucun secteur, de l’agriculture jusqu’aux arts en passant par la santé, ne sera épargné.

Cependant, ce système cognitif nécessite une considération supérieure de la part du politique qui semble parfois s’incliner face aux doléances de court terme. Cela renforce dès lors nos sociétés à rester coincés dans une certaine inertie. D'une part, celles-là refusent de préserver le modèle actuel qui a paupérisé une partie de la classe moyenne dont les revenus n’ont cessé d’être constants, alors que le capital en circulation augmente. En effet, les revenus des classes moyennes sont complètement désindexés aux incertitudes économiques qui se multiplient dans le temps. Rappelons qu’un revenu salarial a pour caractéristique fondamentale de s’adapter au contexte économique. D'autre part, nos sociétés invoquent l’instauration d’un nouveau système plus inclusif, tout en mettant en évidence une méfiance à l’égard du développement de l’intelligence artificielle qui participerait elle-même à renforcer l'inclusion socio-économique. Selon Oracle, moins de 10% des européens acceptent l’émergence de l’IA sur le marché de l’emploi. Pourtant, cette technologie est fondamentale car elle incarne la seule alternative permettant de quitter le capitalisme marchand et de réorienter le développement sans perdre les acquis sociaux. Le développement en question est relatif à l’accès aux soins de santé, au combat face au dérèglement climatique, au pouvoir d’achat érodé par l’inflation galopante mais également, l’éducation qui est cyniquement absente de l’agenda politique.

De surcroit, la méfiance de l’ère cognitive, exprimée par la population, demeure légitime. L’offre politique est pauvre et le modèle cognitif à venir n’est pas installé de manière totale. Cette incomplétude dans le processus de mutation sociétale provoque un refus naturel de la population de l’IA au niveau systémique. Elle y perçoit un apport bénéfique peu convaincant ou alors, trop invisible. A titre illustratif, il faut parvenir à une automatisation complète des tâches professionnelles pour se situer définitivement dans le modèle cognitif rythmé par l’IA. L’automatisation fait référence au procédé consistant à remplacer partiellement ou totalement un poste par un algorithme ou un cobot. Cependant, l’indice moyen d’automatisation actuel est autour des 55%. Ce qui provoque un sentiment « d’entre-deux » sociétal. C’est que nous pouvons appeler la « trappe technologique ».  Cette situation créée une frustration structurelle, renforcée par l’explosion des inégalités.

Enfin, cette trappe technologique est même renforcée par l’environnement des taux d’intérêt bas établis par la banque centrale européenne. Conséquemment, cette dynamique permet à des entreprises zombie d’investir dans une automatisation plus importante de certaines tâches. Une entreprise zombie est une société qui survit grâce à l’emprunt favorisé par le crédit bon marché. Toutefois, ces entreprises zombie ne contribuent pas à l’économie car leur modèle d’affaires est obsolète. De plus, les professionnels se retrouvent concurrencés par des algorithmes qui ne sont pas destinés à les remplacer sur le long terme. La théorie schumpetérienne stipule que les révolutions technologiques créent plus d’emplois qu’elles n’en détruisent. L’IA n’échappe pas à cette théorie mais le processus semble plus lent dans l’exécution. Précisément, à cause des autorités publiques qui ne préparent pas de manière active la réorientation par la formation ou la reconversion.  Plus cette préparation est lacunaire, plus la méfiance du peuple de l'avenir augmentera.

En définitive, les manifestations populaires correspondent à une réalité qui est incontestablement légitime. Elles s’expliquent par une trappe technologique qui s’exprime d’une part, par des autorités publiques assujetties aux obligations de court terme. D’autre part, par une automatisation trop partielle des tâches qui ne permet pas à la production économique de devenir autonome et indépendante d’une main d’œuvre soumise au travail pénible et parfois dénué de sens. La solution à la trappe technologique doit s’articuler autour d’une accélération dans l’automatisation des tâches afin d’arriver à un taux moyen d’automatisation excédant les 90%. Au-delà d'entrer dans l’ère cognitive, le sentiment d'"entre-deux" qui hante les esprits sera dissipé car la valeur-ajoutée de l'IA sera enfin palpable par les individus. Cette situation correspondra également à une avancée majeure vers une société où le bien-être sera au centre des débats. Avec l'IA, la donnée est au centre du système économique. Par conséquent, tous les individus seront dans la possibilité de produire des données pour nourrir des IA et ce, quelle que soit la situation. Contrairement à la monnaie conventionnelle ou aux matières premières dont les ressources sont finies, la donnée peut assurer l'alimentation des super-intelligences artificielles du futur en période de croissance comme en période de récession. C'est l'espoir qu'il faut en garder.