Libérer l'accès aux données pour laisser la place à l'innovation européenne

Le constat est sans appel : l'Europe accuse un retard en matière d'IA et d'innovation. En cause, des réglementations trop restrictives qui agissent comme des barrières à l'entrée pour les entreprises.

Les données sont l’essence même et le carburant de l’intelligence artificielle, quel que soit le domaine dans lequel elle est utilisée. C’est bien le croisement de toutes les données collectées qui est le principal moteur d’un IA proposant des produits innovants, des expériences client attractives, une optimisation des processus… Plus de données, c’est donc plus d’opportunités pour apporter une réponse rapide à des problématiques concrètes. Toutefois, pour que leur utilisation soit efficace, les données doivent être nombreuses, fiables et non biaisées. En récolter un maximum est la première étape pour créer des choses nouvelles, riches de sens et performantes. Mais entre réglementations mal ciblées, manque d’éducation et mauvaise compréhension des enjeux liés à leur collecte, le chemin est encore (trop) long.

Des réglementations et une incompréhension qui ralentissent l’innovation

Le développement de l’intelligence artificielle et son degré de puissance résulte d’une vision sociale mais surtout politique. Globalement, l’Union Européenne adopte une posture plutôt unique dans un secteur dominé par les Etats-Unis, au modèle peu réglementé, et la Chine, où les données sont utilisées pour surveiller et contraindre. Tout en essayant de rester un pôle attractif, l’UE élabore donc de plus en plus de réglementations (RGPD, AIA…). Quitte à faire reculer l’innovation ? Pour le moment, aucune alternative européenne n’a réussi à s’élever aux rangs des GAFAM et des leaders mondiaux de l’intelligence artificielle, malgré un budget de 1,38 milliard d’euros dédié aux investissements numériques, et à l’IA notamment. Et l’hégémonie des Etats-Unis et des puissances asiatiques n’est plus à prouver : ils comptabilisent à eux seuls près des trois quarts du marché de l’innovation IA et plus de la moitié des parts de marché mondiales. Sur les 30 dernières années, les États-Unis sont émetteurs de 30 % des brevets IA, la Chine 26 %, le Japon 12 % et la Corée du Sud 6 %. Suivent les puissances européennes : l’Allemagne (5 %) et le Royaume-Uni (2,5 %). La France n’arrive qu’en septième position avec 2,4 %, juste devant le Canada (1,9 %). Et ce sont les entreprises européennes qui portent le poids de ces déséquilibres économiques et politiques : elles peinent à se développer dans ce contexte. Les réglementations impactent surtout les start-up et les PME, en agissant comme un frein dans le développement de leurs nouveaux outils innovants et efficaces, voire une véritable barrière à l’entrée dans certains domaines, contrairement à celles qui se sont lancées avant même que la data ne devienne sujet à légifération. Elles font face aussi à un problème de temporalité : avec un décalage entre la longueur du temps de développement et la rapidité des nouveaux textes, les innovations se retrouvent mises au placard avant même d’avoir pu en sortir.
 

Légiférer l’utilisation de la donnée plutôt que son accès

Si l’accès à la donnée doit être libéralisé, légiférer son utilisation reste indispensable. Il est indéniable que l’intelligence artificielle entraîne un certain nombre d’enjeux et de défis pour notre société, un encadrement juridique de son champ d’action est donc aujourd’hui primordial pour garantir la sécurité, l’intégrité et le respect de nos libertés fondamentales, et une utilisation cohérente et éthique de l'intelligence artificielle. Car oui, l’essence même d’une loi sur l’IA, qui questionne et remet en cause la confiance que nous pouvons lui porter, c’est savoir où placer le curseur de l’éthique. Un sujet qui revient au cœur des débats à chaque innovation technologique dans notre société. La mise en place d’un cadre éthique relatif à l’IA s’inscrit aussi dans une nécessité de réinstaurer une confiance dans le numérique. Pour contrer la méfiance qui peut exister quant au traitement des données personnelles, la transparence et la traçabilité semblent des pré-requis indéboulonnables. Mais au-delà, la réglementation par le prisme de l'éthique semble encore nébuleuse. Si l’éthique semble n’être jamais négociable, elle reste finalement toujours un sujet de débat, inscrit dans un contexte, une époque. Qu’on le veuille ou non, l’intelligence artificielle est à l’image de la société dans laquelle on vit. Légiférer, c’est donc imaginer la société dans laquelle on voudrait vivre demain. Si les lois doivent exister, elles doivent rester logiques et compréhensibles. Et surtout, elles doivent intégrer les entreprises dans leur élaboration pour être ancrées dans leur réalité et être plus facilement acceptées et appliquées. 

Il est vital pour la compétitivité européenne de modifier son approche de l’accès à la donnée, pour encourager et faciliter l’innovation en lien avec l’intelligence artificielle. Une libéralisation de la data, couplée à un cadre réglementaire correctement établi, permettra enfin à l’Europe de rivaliser avec les géants technologiques du monde.