Avec Worldcoin, Sam Altman veut prouver que vous êtes humain

Avec Worldcoin, Sam Altman veut prouver que vous êtes humain Le cofondateur d'OpenAI est impliqué dans un projet moins connu que ChatGPT mais tout aussi controversé. Son but : scanner les iris, peut-être le seul moyen de différencier les humains des… IA.

25 millions en 2021, 100 millions en 2022 et possiblement plus de 200 millions de dollars en 2023 selon The Big Whale. Tels sont les montants des levées de fonds successives de Worldcoin, un projet officiellement Web3 permettant de prouver son "identité humaine" sur Internet. Cette rentrée d'argent frais permet à la société d'être valorisée environ 3 milliards de dollars. Une société fondée par un nom désormais bien connu du grand public : Sam Altman. Et oui, ce dernier n'est donc pas seulement le PDG d'OpenAI. Il est aussi impliqué dans le Web3. Et Worldcoin pose beaucoup de questions. S'il semble être une réponse à l'émergence des intelligences artificielles (IA) génératives, son principe de collecte de l'iris de l'œil inquiète pour la confidentialité et la sensibilité des données biométriques conservées.

Worldcoin, une révolution de la preuve d'identité numérique

Une preuve d'identité grâce à... l'iris de l'œil

Au départ, Worldcoin est un projet ayant pour objectif de créer un revenu universel de base via la distribution de ses propres "tokens", appelés worldcoins. En fait, ce n'est pas vraiment un token au sens technique, mais nous préférons passer ce point. Pour ce faire, les promoteurs du projet ont souhaité créer la plus importante preuve d'identité numérique, grâce à l'iris de l'œil.

En fait, l'iris de l'œil est propre et unique à chaque individu. Il ne peut pas non plus être falsifié. Il s'agit donc objectivement d'une preuve d'identité et "d'humanité" extrêmement fiable. Le relevé de l'iris est effectué à l'aide d'un appareil appelé Orb, qui est assez imposant et peut faire un peu peur quand on le voit pour la première fois !

Une séance de scan de l'Iris au Soudan. © Worldcoin

Une fois l'iris scanné, la donnée biométrique en question est transformée en une donnée numérique, puis protégée par la blockchain. Son utilité ? Permettre de vous identifier en ligne et d'assurer que vous êtes bien un humain. Tout se passe ensuite via l'application mobile World App, qui va générer ce que l'on appelle une PoP. Une PoP, c'est une Proof-of-Personhood, soit la preuve d'identité ou la preuve du statut de personne. Sur le Play Store d'Android, l'appli a été téléchargée plus d'un million de fois. Sa dernière mise à jour date de ce 19 avril.

Pourquoi l'iris de l'œil pour vous identifier ? La raison est simple : le scan de la rétine est la manière la plus fiable et certaine d'identifier un individu. Cependant, cela pose évidemment des questions liées à la conservation des données et à l'éthique. Nous en parlerons en seconde partie.

Un projet officiellement "purement" Web3 et décentralisé

Au-delà de l'aspect particulier du scan de l'iris de l'œil, le projet Worldcoin a une autre particularité : c'est un projet officiellement Web3. Tout d'abord, le réseau de Worldcoin est construit sur Ethereum et est décentralisé. En d'autres termes, bien que Sam Altman en soit le fondateur, il n'a en quelque sorte pas plus de pouvoir que Vitalik Buterin pour Ethereum.

En outre, les questions de sécurité des données ont mises en lumière l'apport de la technologie blockchain et de la gestion décentralisée des données. Ainsi, Worldcoin assure que les utilisateurs peuvent facilement avoir accès à leurs données et qu'elles sont en leur possession. Enfin, la décentralisation permet une impossibilité de falsification de ces données sensibles, ce qui peut ainsi rassurer les personnes ayant fait scanner leur iris.

Mais Worldcoin, c'est aussi le worldcoin. En fait, c'est le cœur incitatif de tout le processus, car il va rémunérer aussi bien les personnes qui sont chargées d'utiliser l'Orb et celles qui vont accepter de se faire scanner leur iris. Les personnes souhaitant aider Worldcoin à collecter les iris dans le monde peuvent envoyer une candidature pour recevoir un Orb. L'objectif est alors de convaincre des personnes pour effectuer un scan rétinien. En France, une équipe de 15 personnes opère aux alentours de la station Châtelet. Selon la page d'accueil du site Internet de Wordlcoin, plus de 1,5 million d'Iris ont été scannés.

La récompense à la clé est en worldcoins, que le prestataire et la personne à l'iris scanné se partagent. Les rares sources évoquant le sujet parlent d'une vingtaine de worldcoins par scan. En outre, le worldcoin ne peut pour l'instant pas être échangé contre une monnaie ayant cours légal. C'est donc plus une espérance de gain qu'autre chose.

Cependant, le caractère Web3 et décentralisé interroge, d'autant que les worldcoins ne sont pas échangeables. Mais les informations à ce sujet sont quasi inexistantes en raison de l'opacité pratiquée par Worldcoin.

Worldcoin, un projet controversé comme complément idéal à OpenAI ?

Objectif premier : la preuve du caractère humain de l'interlocuteur… au détriment de la vie privée ?

Le projet Worldcoin suscite de nombreuses interrogations. La volonté est-elle réellement de prouver le caractère humain d'une personne sur Internet ? C'est ce que dit Worldcoin. Pourtant, au départ, le projet était la création d'un revenu universel de base (et ça l'est toujours). Oui, vous n'êtes pas les seuls à ne pas voir le lien.

Le seul élément tangible est la rémunération en worldcoins, des cryptomonnaies pour inciter les personnes à participer au projet. D'ailleurs, c'est ce qui a fait le succès du projet dans certains pays d'Asie du Sud-Est et d'Afrique, où les individus sont peu concernés par les questions liées à la confidentialité des données. Au contraire, le succès n'a pas été au rendez-vous en Europe. Sur la page Play Store de l'appli mobile, un utilisateur se plaint : "Et les 25 dollars où sont ils ???"

En effet, la vie privée des individus serait sacrifiée sur l'autel de la preuve du caractère humain des individus. La gestion de ces données très sensibles est LA question centrale à laquelle Worldcoin a du mal à répondre. Officiellement, une fois scannées, les données sont chiffrées et protégées par une preuve à divulgation nulle de connaissance, plus connue sous le nom de zero-knowledge proof en anglais. Elles seraient également conservées de manière décentralisée.

Cependant, le caractère décentralisé ne provient que de deux sources : les dires des promoteurs du projet et la construction initiale sur Ethereum. Or, rien ne dit que la gouvernance est bien décentralisée et, surtout, si elle le sera dans le futur. En outre, d'aucuns imaginent une autre destinée pour Worldcoin, qui pose encore plus question.

Une potentielle réponse à l'évolution de l'IA générative

N'est-il pas étonnant de voir Sam Altman à la fois fondateur d'OpenAI et de Worldcoin ? Beaucoup craignent que l'IA générative d'OpenAI ne permette plus de différencier à terme un humain d'un robot. Or, ce problème pourrait potentiellement être réglé par… Worldcoin ! En d'autres termes, le problème et la solution seraient sous la coupe de la même personne.

Aujourd'hui, de nombreuses personnes se posent des questions sur l'IA. La crainte d'un Grand Remplacement numérique fait peur, bien que cela ne soit, à l'heure actuelle, que de la science-fiction. Et beaucoup plaident pour des systèmes permettant de prouver l'humanité d'un interlocuteur en ligne.

Worldcoin est-il alors la réponse idoine ? Pas forcément. Il existe d'autres projets qui, eux aussi, utilisent la technologie blockchain. Nous en avions parlé dans notre article consacré à l'identité décentralisée. Surtout, ces projets ont une politique de protection des données bien plus claire que celle de Worldcoin.

Il est objectivement peu souhaitable que le contrepouvoir d'OpenAI soit une entreprise créée par la même personne. Mais il est tout aussi important que la PoP soit un sujet d'importance capitale à l'avenir.