Relations internationales : les nouveaux enjeux autour de l'IA

Les enjeux autour de l'IA contribuent à modifier l'équilibre des forces entre les pays et particulièrement entre les deux principales puissances actuelles, les USA et la Chine.

Depuis les travaux précurseurs initiés par Alan Turing dans les années 1950, l’IA suscite l’intérêt des grandes puissances étatiques. Celles-ci ont, en effet, rapidement identifié les enjeux de puissance inhérents à cette nouvelle technologie. Les Etats-Unis, nouvelle puissance dominante d’après-guerre, ont rapidement été à la pointe de la discipline en s’appuyant sur une volonté gouvernementale proactive et porté un tissu industriel et universitaire de qualité. 

L’Europe et le Japon ont ensuite emboîté le pas des Etats-Unis mais sans jamais être en mesure d’allouer des moyens financiers et politiques équivalents. Au cours des années 2000, la course à l’intelligence artificielle s’est accentuée avec le développement du web et des nouvelles technologies. De nouveaux acteurs tels que la Corée du Sud, Israël et la Russie ont initié des plans stratégiques en la matière. Néanmoins, ces derniers ne sont pas en mesure de rivaliser avec les Etats-Unis et la Chine, dont le réveil économique des dernières années s’est traduit par une volonté de se positionner à la pointe de cette nouvelle technologie.

  • En 2017, l’État Chinois a notamment formulé le vœu de devenir le leader mondial dans le domaine des technologies de l’information.
  • En 2023, Etats-Unis et Chine s’affichent comme les deux principales puissances mondiales en matière d’intelligence artificielle.

USA et Chine : deux approches opposées

La Chine considère l’IA comme un moyen asymétrique de contrecarrer la puissance économique et militaire américaine. L’empire du milieu s’appuie en cela sur la capacité de son pouvoir central à orienter l’appareil économique et scientifique afin que ce dernier concrétise les grandes orientations stratégiques du pays. L’Etat chinois s’appuie également sur les entreprises regroupées sous l’acronyme BHATX, agissant en tant que véritables outils géo économiques pour le pouvoir central : Baidu (moteur de recherche), Huawei (télécommunications et téléphonie), Alibaba (commerce sur Internet), Tencent (messagerie et jeux vidéo en ligne) et Xiaomi (téléphonie) sont aujourd’hui à la pointe du développement de l’IA.

L’intelligence artificielle fait l’objet d’une réelle stratégie étatique depuis le début de l’ère Xi Jinping. Celle-ci vise à coordonner l’action des forces politiques, économiques, sociales et militaires du pays dans le but de mettre en place un écosystème favorable au développement de l’IA et de devenir ainsi la première puissance mondiale en la matière. Outre ces considérations géopolitiques, l'intelligence artificielle est considérée en Chine comme une technologie au service de l’Etat, permettant notamment d’asseoir le contrôle et la surveillance de sa population.

Une compétition mondiale exacerbée

Les États-Unis, pour leur part, entendent exploiter la puissance économique et technologique de leur secteur privé, notamment des GAFAM, pour compenser la faiblesse relative des investissements publics. Deux exemples illustrent les tensions sino-américaines en la matière : Il y a quelques années, le gouvernement américain avait placé sur la liste noire le groupe chinois Huawei, spécialisé dans les réseaux de cinquième génération (5G), lui interdisant d’acheter le moindre composant stratégique dans le pays. L’entreprise chinoise était considérée par Washington comme un agent d’influence.

Plus récemment, la captation des données de la part des utilisateurs du réseau chinois TikTok s’est retrouvée au cœur de l’actualité. Les autorités européennes et américaines craignent notamment que Pékin puisse accéder aux données des utilisateurs de la plateforme. Ainsi, certains gouvernements ou institutions prennent aujourd'hui des mesures pour interdire son utilisation à leurs employés. C’est le cas notamment du parlement européen mais aussi de nombreux gouvernements à travers le monde : Canada, États-Unis, Belgique.

Aujourd'hui, plus que jamais, la course à l’IA fait donc l’objet d’une compétition mondiale exacerbée, tant les Etats cherchent à tirer profit de cette nouvelle technologie pour asseoir leur puissance dans le jeu des relations internationales. Un enjeu majeur, résumé par Vladimir Poutine dès 2017 : “Celui qui deviendra leader en IA sera le maître du monde”.