Ingénierie et innovation : l’expertise française au service du développement industriel

L’expression de la France "qui tombe" est depuis longtemps devenue une antienne. Les chiffres sont pourtant têtus : notre pays est un vivier d’innovations, servi par une R&D industrielle de qualité et l’appui déterminant des ESN.

La France, terre d’innovation(s)…

La situation française peut sembler paradoxale. Entre 1975 et 2014, notre pays a perdu 2,7 millions d’emplois industriels. Ce n’est que depuis 2017 que le secteur rebondit timidement. En parallèle pourtant, la France reste en pointe sur l’innovation : 55% de ses entreprises en font. Selon la Commission européenne, à défaut d’être leaders, nous appartenons toutefois aux innovateurs de poids du continent. Au niveau mondial, le Global Innovation Index de Bloomberg nous avait intégrés pour la première fois à son Top 10, à la 9e place, en 2017. La même année, nous représentions le quatrième pays mondial en nombre de demandes de brevets industriels. En 2018, nous restions en outre le deuxième pays européen en la matière – derrière l’Allemagne –, selon l’Office européen des brevets (OEB). Enfin, la France est l’un des cinq pays les plus attractifs de la planète. L’innovation y "devient le moteur des investissements", en plus de son impact sur nos modes de vie.

Dans le domaine de l’industrie de défense par exemple la France est très bien située vis-à-vis de ses voisins européens. Emmanuel Chiva, directeur de l’Agence de l’innovation de défense le confirme : "Il y a une réelle force de la recherche française, qui doit être davantage mise en valeur. Il y a des niveaux de développement scientifique dont nous n'avons pas à rougir." Cette compétence est même reconnue dans le monde, continue-t-il : "J'ai effectué des déplacements aux Etats-Unis, au Royaume Uni, à Singapour et en Corée du sud. Tous ces pays veulent travailler avec la France."

Cette capacité d’innovation prend ses racines dans la formation donnée dans les écoles françaises. Pour Rodolphe Krawczyk, spécialiste de l’industrie spatiale et ancien directeur de projets pour l’Agence Spatiale Européenne, "il est bien connu que les ingénieurs français à l'étranger sont très prisés […] Cette formation nous confère en outre une capacité d'appréhender les problèmes dans leur globalité, que nous appelons la vision système, et qu'on rencontre rarement ailleurs."

Qu’ils travaillent ensuite dans des grands groupes ou dans des PME, les ingénieurs français ont bonne presse et les dirigeants d’entreprise le savent bien. D’après François Bertauld, PDG de l’ESN (Entreprise de Services du Numérique) Médiane Système, société d’ingénierie et de conseil en électronique et en informatique : "La France reste très bien classée au niveau international en recherche fondamentale et en recherche appliquée. De plus, les formations en écoles d’ingénieurs multiplient chaque année un peu plus les partenariats avec les entreprises, pour ancrer d’avantage les futurs ingénieurs dans la réalité concrète de leurs futurs métiers. […] La France reste une terre de scientifiques et d’ingénieurs et les Américains et Canadiens cherchent même de plus en plus de talents dans des pays comme la France."

Jean-Charles Deconninck, président de Generis fait le même constat : "La France bénéficie d'une très bonne réputation en matière d'enseignement supérieur, notamment pour tout ce qui concerne les domaines scientifiques et technique. Nos étudiants disposent d'un spectre de formation très large, qui leur donne la possibilité de travailler par analogie et de trouver rapidement des solutions disruptives aux problèmes qui leur sont posés, ce qui fait leur succès particulièrement dans les pays anglo-saxons."

Cette formation solide permet aux jeunes diplômés d’être mobiles et d’aller travailler à l’étranger facilement. C’est pourquoi les dirigeants soignent leurs collaborateurs pour les fidéliser le plus possible. "L’attractivité et la fidélisation sont donc de vraies préoccupations pour le chef d’entreprise que je suis. […] l’entreprise est perçue dans sa globalité et doit pouvoir proposer un cadre attrayant dans tous ses aspects, qu’il s’agisse des relations humaines, de l’accompagnement en cours de carrière, de la formation, des responsabilités confiées.... Il faut travailler continuellement à l’épanouissement humain et intellectuel de nos collaborateurs. Ce n’est qu’à cette condition que nous fidéliserons." confirme François Bertauld de Médiane Système.

La santé est d’ailleurs le premier lieu d’innovation. Le rapport de l’OEB souligne que la technologie médicale représente le premier domaine des dépôts de brevets. Le Conseil stratégique des industries de santé (90 milliards d’euros de chiffre d’affaires), a obtenu de pouvoir "accélérer les dispositifs d’accès précoce à l’innovation pour couvrir plus de patients, pour les médicaments comme pour les dispositifs médicaux". Ceci, en parallèle du développement d’un hub mondial des biotechnologies d’avenir et du développement de la filière de la santé numérique, qui propose une nouvelle prise en charge. Tel est aussi le cas de la mobilité avec l’innovation dans les transports, secteur du top 5 de l’OEB. Les véhicules autonomes pourront venir pour les personnes handicapées en combinant d’autres avantages, ce que Transdev nomme la mobilité PACE (Personnalisée, Autonome, Connectée et Écologique). Or, le centre névralgique de l’innovation de ces deux secteurs et, globalement, de l’ensemble de l’industrie, est aujourd’hui celui de la révolution numérique, cœur de la mutation des sociétés. Statista évaluait ainsi un marché mondial de l’internet des objets passant d’environ 3 à 9 trillions de dollars entre 2014 et 2020. Quel que soit le secteur, numérique ou autre, une R&D adéquate est, dans tous les cas, nécessaire, qu’elle provienne des entreprises industrielles ou de prestataires spécialisés dans l’accompagnement des entreprises.

…sur fond d’investissements R&D constants et soutenus

Avec l’innovation, la R&D française est "plébiscitée" par les investisseurs étrangers. Il est vrai que notre pays est celui qui, au sein de l’UE, fournit proportionnellement les plus importantes dépenses en aides publiques pour la R&D des entreprises. Ceci passe par diverses incitations fiscales, subventions ou collaborations. En 2018, l’OCDE rappelait que la France dépensait près de 2,25% de son PIB en recherche & développement, soit environ 56 milliards de dollars (16), élevant notre pays au septième rang européen. La dépense intérieure en R&D des entreprises (DIRDE) représente 1,44% (soit environ 33 milliards d’euros) du PIB, soit les deux tiers du total national consacré à cette branche. En 2015, dernières données disponibles, la DIRDE française se répartissait pour moitié dans l’industrie manufacturière & primaire / énergie / BTP. La seconde partie était dédiée à la R&D des services, tels l’information-communication, ou les activités spécialisées, scientifiques et techniques. En valeur ajoutée, près de 80% provenaient du secteur des services. Pour autant, la R&D des seules entreprises reste insuffisante pour un développement optimal. Un conseil et un accompagnement spécialisés interviennent de manière croissante, comme le montre le secteur croissant des entreprises de services du numérique (ESN, ex-SSII).

En juin 2019, le Syntec Numérique, syndicat des métiers ESN, publiait ses chiffres : une croissance respectivement de 4,1 et de 4,2% pour 2018 et 2019 dans le secteur, avec 79% des entreprises envisageant une croissance de leur chiffre d’affaires, principalement grâce aux projets de transformation numérique. En 2019, les SMACS constitueront par exemple près d’un tiers du marché logiciels et services. Cet acronyme lancé par IBM, Cap Gemini et d’autres ESN signifie social, mobile, analytique, cloud et sécurité et se présente comme les "principaux leviers de la transformation digitale des entreprises" (20). Formées principalement d’ingénieurs et de consultants, les ESN comme Médiane Système répondent à ces besoins. Se fondant sur son expérience transversale de trente ans, François Bertauld, PDG de la PME française, voit ainsi son cœur de métier comme "un soutien essentiel à l’innovation industrielle", qu'il considère comme "la R&D externalisée de l’industrie. La PME française a par exemple contribué à réaliser un cœur artificiel pour Carmat ou encore pour Thales un banc de test de FPGA pour l’Airbus A350. Mais l’expertise des ESN est plus large et comprend, pour Médiane Système comme pour d’autres, "plusieurs dizaines de métiers, de la maintenance au test de validation en passant par le développement de logiciels techniques, la sécurité informatique, etc." De manière schématique, il s’agit du moyen le plus adapté pour une entreprise d’éviter de finir comme Kodak faute d’innovation au bon moment et de la manière appropriée.

La complémentarité des entreprises et des ESN permet aux premières de disposer d’un appui d’acteurs déjà spécialisés dans ce secteur grâce à leur expérience et à leur ancienneté. La reprise des emplois industriels permet d’escompter que les entreprises françaises profiteront de la transition numérique pour renforcer leur capacité et qualité de R&D. Cela, tant pour leur développement que pour rester en situation de leadership, à l’image par exemple de l’industrie 4.0 déjà très avancée en Allemagne.